• Mardi 25 novembre (35km)
    la reprise du vélo, tranquillement pas vite.

    Nous sommes dans la chambre avec un grand lit de 4 personnes dans le dortoir du temple. Lumière à 5h00 du matin par le réveil en trombe de notre voisine américaine qui part en laissant la porte ouverte. On avait une drôle d'impression vis a vis d'elle, complètement ailleurs, dans un autre monde et sûrement enrôlée dans une secte. Nous fermons la porte et éteignons la lumière pour dormir encore 1 à 2 heures.

    A 11h, nous sommes dans le trafic de la ville, on roulera peu car à 15h00, prudemment nous décidons de nous arrêter dans un verger à l'abri des regards indiscrets. On demande la permission au gardien du verger, il est d'accord. Nous lui offrons des pistaches, cela l'aidera peut-être à crier plus fort après les corbeaux et perroquets qui mangent les fruits. Nous nous sommes endormis entre la voie de chemin de fer, la route et la cheminée d'un four à briques qui crache sa fumée noire.


    Mercredi 26 novembre (55km)
    Le matin est brumeux, tout est mouillé. Nous sommes vite entourés par des hommes intrigués par nous et nos montures.
    Sur la route, nous apercevons de grandes cheminées, des lignes à haute tension, de grands arbres magnifiques, des perroquets verts, des vélos, des bus qui klaxonnent tout le long de leur trajet (à croire qu'il y a un bouton on/off), des camions qui transportent des cargaisons trop grosses pour eux, des animaux, boeufs, buffles, hérons,... Bien entendu, il y a aussi tous ces détritus qui jonchent la route, du PLASTIQUE du plastique du plastique, partout, partout, partout. Pour résoudre le problème, comme partout, ils brulent quelques déchets le long de la route. En Inde, le feu est considéré comme purificateur. C'est peut-être vrai quand on brule un champ de coton transgénique avant de replanter du coton traditionnel, mais pour ce qui est du plastique, la pollution change de forme et de nom pour devenir dioxyne. Il faut dire qu'il n'y a presque aucune collecte dans ce pays, à part des pauvres gens qui se chargent de récupérer le carton, certains plastiques,... pour les revendre. Il y a aussi les cochons, les singes, les vaches qui mangent la nourriture et parfois aussi du papier, du carton voire du plastique.
    Alors tous les matins, nous faisons des apnées impressionnantes pour éviter de respirer trop de dioxynes. Cela doit provoquer beaucoup de maladies, on voit beaucoup de personnes handicapées, malformations, ... il n'y a pas de secret. Souvent, les poubelles sont déversées dans les rivières. C'est un cercle vicieux. Nous avons l'impression qu'il n'y a aucune conscience environnementale. De notre coté, que pouvons nous faire pour éviter de produire trop de déchets ? et bien tout d'abord ON ARRETE DE SE DIRE, “BEN DE TOUTE FACON QU'EST CE QU'ON PEUT Y FAIRE???” et on utilise notre filtre à eau pour éviter d'acheter des bouteilles plastiques, nous refusons aussi tous les sacs plastiques mais hélas nous produisons toujours au moins une petite poignée de déchets plastiques par jour à cause de l'emballage du pain de mie dégueulasse et de 2 petits paquets de biscuits. Et puis on critique le plastique mais nous en avons plein nos sacoches, des vêtements synthétiques super légers aux flacons. Alors, nous nous sommes promis de changer notre façon de consommer et de bannir le plastique le plus possible. Nous avons d'ailleurs commencé à renouveler notre garde robe en renvoyant ou en échangeant des vêtements synthétiques contre des habits en coton produits localement et de manière artisanale. Dans tous les pays, le pétrole et ses dérivés sont le plus grand fléau. Il est partout, symbole aussi de l'éphémère dans sa durée de vie et de l'éternel pour les déchets.

    Nous nous sommes aussi fait la remarque, que nous avions de la chance en France de pouvoir en recycler quelques uns de ces déchets et que nous ne devrions pas considérer le fait de trier comme un calvaire mais comme une chance inouie. Et pour tous ceux qui ne sont pas convaincus, ils peuvent aller ne serait-ce qu'en Roumanie pour comprendre l'importance de ce petit geste.

    Bref, un dernier mot avant de revenir au récit : La meilleure méthode pour gérer nos déchets (et il n'y a pas que les emballages, il y a aussi les objets de la vie courante comme les téléphones portables, les ordinateurs, les télés, les cafetières, ... qui sont de plus en plus fragiles et à changer très souvent si l'on veut rester à la pointe du ''progrès'') c'est de ne pas en produire, donc pour nous consommateurs, c'est de ne pas acheter, au risque de faire baisser encore la croissance du pays et déplaire au président !!!

    Nous étions donc sur nos vélos et la nuit arrivait à grands tours de roues jusqu'à ce que l'on trouve des paysans très gentils qui nous acceptent dans leur jardin potager. Le propriétaire nous apporte à manger, nous le gardons pour le déjeuner du lendemain.

    Jeudi 27 novembre (65km)
    le canal
    Alice : ''On se perd un peu, 10km de plus, puis nous prenons un chemin qui n'est pas indiqué sur notre carte, suivant un canal. C'est beaucoup plus calme mais en contrepartie la route est très mauvaise. Nous roulons à coté des champs de cannes à sucre, de fermes en paille. Lorsque la nuit commence à arriver, nous trouvons une station service au bord de ce petit bout de canal. J'en profite pour aller aux toilettes et pendant ce temps Cédric demande s'il est possible de dormir ici ce soir. Au dessus des cuves à pétrole, il y a de la pelouse. Impeccable, bien pour planter notre tente. Du coup je me dis que cela a du bon le pétrole! Je blague!

    Asho nous emmène en ville, à trois sur sa moto. Dégustation de snacks chez un commerçant ambulant, achat d'une bouteille de whisky et retour à la station. De l'apéro, j'en bois un peu mais n'apprécie pas trop alors que Cédric et Asho n'arrêtent pas de trinquer. Soudain, quand Asho est complètement cuit, il met la musique à fond dans la station service pour danser. Nous pourrions nous croire dans un film de Kusturika (désolée pour l'orthographe du nom), où 5 clampins dansent dans une station service, la musique à fond, dans un trou perdu, cela a quelque chose d'irréel.''

    Vendredi 28 novembre (65 km)
    changement de programme.

    Alice : ''Comme depuis le début de notre escapade à vélo en Inde, nous avons droit chaque soir de17h00 a 20h00 (mais c'est moins gênant) et le matin de 4h00 à 7h00 (très,très gênant) aux messes, aux prières hurlées dans les mégaphones. (Et je pense que si vous tendiez un peu l'oreille vers l'est en France, vous pourriez les entendre, si, si!) Donc cela me réveille et même avec les boules quiès, l'oreiller par dessus, j'entends tout. Je peste contre ces religions forcées par les hauts parleurs. Moi qui pensais en avoir fini après la Turquie, le ramadan en Iran, et les Emirats Arabes Unis, je me trompais fort, c'était du pipi de chat à coté. Cédric prend son mal en patience et moi je dors mal. En Inde, il est difficile de bien se reposer, que ce soit sous la tente, à l'hôtel, les gens ne se sentent pas du tout gêner de vous réveiller et avec insistance en plus.

    Bref, la sono retentit dans la station service pour nous dire que c'est l'heure, on ne sortira de la tente qu'à 8h00. Tout est trempé. Nous serons d'une lenteur immesurable. Et pour couronner le tout, il faut réparer un maillon de la chaine de Cédric qui a cassé. Patience et dextérité ont porté leur fruit.

    A 11h00, nous posons enfin nos pieds sur les pédales. Et devant ceux-ci se déroulent de beaux paysages le long du canal, champs de cannes à sucre, animaux, femmes gracieuses en sari portant sur leur tête du bois (le poids doit être de 20 kg au moins). Souvent nous voyons des enfants travailler pendant que d'autres sont à l'école. Ces enfants, hélas, ne sauront pas lire, écrire, compter. Ces compétences qui aident pourtant l'être humain à être indépendant, lui permettant de s'aventurer dans d'autres univers à travers la lecture, de pouvoir écrire afin de mieux organiser sa pensée,... Ces simples bases permettent dans notre monde, d'être plus libre. Bien sûr, d'autres connaissances orales ou gestuelles ne sont pas à nier non plus et ont aussi beaucoup de valeurs. Par contre, elles peuvent être vite oubliées si personne ne les transmet ou si elles ne sont pas collectées.

    Après une ville complètement désorganisée, nous ''grimpons'' pendant 15km avant de nous faire refouler par des policiers car nous n'avons pas de permis. Simplement à cet endroit, doit trôner l'un des plus gros barrages du pays. Il fallait donc prendre un laissez-passer dans la ville en bas à 15km. On abandonne l'idée de côtoyer les animaux sauvages de la réserve d'à coté pour retourner près du canal, au grand "dam" (barrage) de Cédric.

    16h00 et toujours pas de lieu pour dormir. A gauche l'eau qui tourbillonne dans son lit de béton et à droite, des villages, des cultures et un petit temple avec deux, trois maisons à la ronde. Stop. Nous demandons à un homme qui construit un canal d'irrigation pour ses champs si nous pouvons dormir sur le seul sol plat du coin, c'est à dire près du temple et du saint arbre. Pas de problème, il nous offre le thé. Puis nous montons la tente sous trente paires d'yeux, préparons à manger sous quarante et mangeons tranquillement. Cela doit être malpoli de regarder quelqu'un manger. On devrait manger tout le temps!!!

    On s'enferme vite dans la tente, sans encore avoir pu se soulager et se laver et déjà vers 19h00, ils reviennent, beaucoup d'enfants qui font du bruit, nous appellent pour que nous sortions mais nous résistons car nous voulons la paix. La tactique de Cédric de ne pas répondre est une réussite, au bout de 30 minutes le calme revient, j'attends encore 5 minutes avant de sortir faire ce que j'ai à faire. On se lavera pour la première fois dans la tente en se contorsionnant avant qu'une famille nous apporte du lait frais et des sandwichs fris délicieux.

    On s'endort sous la lumière du petit temple.''

    Samedi 29 novembre (87 km)
    une drôle de rencontre

    Cédric : ''Alice est partie dans les bois à quelques mètres et moi je prépare le petit déjeuner. Je commence à faire chauffer le lait que nous a gentiment offert le paysan la veille quand soudain, j'entends du bruit derrière la tente. Quelqu'un secoue la bâche des vélos. Je pense à Alice qui est peut-être revenue par un autre chemin et qui fait tomber la rosée matinale du plastique. Et voici que surgit à coté de moi, un bon gros mâle macaque qui s'arrête et regarde le petit déjeuner, hésite un peu à venir le prendre des mains d'un congénère plus grand et plus barbu que lui. Finalement, il s'en va d'un pas tout tranquille. Alice revient 2 minutes plus tard et me raconte une histoire similaire. Elle finissait sa toilette quand soudain un bon gros mâle macaque a surgit derrière elle, s'est arrêté un peu l'a regardé avant de continuer son bonhomme de chemin''.

    A la cime des arbres, des Roussettes chahutent, volent. Ces grosses chauves-souris frugivores sont énormes, aussi grandes que des corbeaux.
    Les enfants sont là, au rendez-vous, nous regardant manger. C'est l'heure de l'école mais nous sommes beaucoup plus intéressants que celle-ci. Ils sont emmitouflés avec bonnet et gants en laine mais n'ont pas de chaussettes. Ils ont aussi leur uniforme, chemise bleue, pull rouge, pantalon beige et leur gros cartable. Les vêtements sont plus ou moins troués et sales. Les jeunes filles n'y vont pas, elles ont déjà 14 et 15 ans et sont mariées ou restent à la maison pour aider.

    En Inde, 60 % des habitants sont lettrés. En gros 50% pour les femmes et 70% pour les hommes. Les écoles gouvernementales, c'est à dire publiques, sont loin d'avoir bonne réputation. Elles ont très peu de moyens, les enseignants ne sont pas remplacés et peu rémunérés.

    Alice : ''Un peu comme le devenir des écoles publiques françaises si il n'y a pas un mouvement de révolte urgent de la part de tout le monde et pas seulement des enseignants. Juste pour info pour ceux qui ne sont pas dans le monde de l'enseignement, en France, le gouvernement veut supprimer l'école maternelle et la remplacer par des jardins d'enfants. C'est d'une certaine façon, mépriser le travail fait par les enseignants depuis tant d'années, alors que celui-ci est fondamental pour le développement de l'enfant (prenant en compte son rythme et ses besoins).

    Le gouvernement veut faire des économies sur l'instruction des enfants français alors que l'école n'est pas faite pour être rentable financièrement. Une école ne doit pas dégager de bénéfice mais être un SERVICE PUBLIC. Le droit à l'instruction est un droit fondamental et il est juste de se mobiliser pour le garder comme la santé, l'eau, la justice, l'énergie,... Du fin fond de l'Inde, nous avons l'impression que la France régresse à toute vitesse.

    Juste pour information pour le système scolaire, les fonds financiers diminuent de plus en plus ayant pour conséquence le non remplacement des enseignants allant à la retraite, le non remplacement des enseignants étant malades faute d'un effectif suffisant de professeurs remplaçants, la cessation du RESEAU (enseignants qui aident spécifiquement un élève à un moment donné de sa scolarité), la suppression de la formation continue (stages), des classes surchargées (plus de 30 élèves avec des enfants handicapés ayant besoin d'une personne qualifiée à temps complet), la fermeture des centres de formation des maitres (IUFM), le non remboursement des frais de déplacement des enseignants pour des stages ou autre,... et beaucoup d'autres choses que j'oublie.

    Mis a part le coté financier, il y a aussi le coté moral qui est beaucoup plus important. TOUS les élèves sont FICHES informatiquement avec tous les renseignements concernant l'enfant bien-sûr (A-t-il un trouble du comportement?, Comment est-il suivi? Est-il français?...) mais aussi sur les parents (nationalité, profession, age, numéro de sécurité social, vie maritale,...). Les directeurs qui s'opposent à remplir le questionnaire se voient débiter de leur feuille de paye ou sont convoqués devant la justice! Ce fichage leur rappelle la France de Vichy. Le problème est que deviennent toutes ces données? A quoi vont-elles servir? Qui les possèdent? On n'en sait rien. On se croirait dans le roman de George Orwell, 1984, où ''Big Brother is watching you''!

    Ces renseignements informatiques ont déja servis à la police qui cherchait des enfants de parents sans papiers. A Tours pendant les grèves des fonctionnaires, les gendarmes ont fait irruption dans une école pour contrôler le fichier élèves!!! Est-ce normal?

    Dans des écoles, les policiers ou gendarmes font intrusion pour emmener les enfants et les enfermer avec leur parents dans des centres de rétention provisoire, c'est a dire une prison pour personnes n'ayant pas de papiers.

    Est-ce humain ? La France d'aujourd'hui respecte-t-elle les Droits de l'Homme et encore plus ceux des enfants?
    Bon pour revenir au récit, l'Inde n'a pas la chance d'avoir un bon système scolaire gouvernemental. Les plus riches peuvent offrir à leurs enfants une éducation dans une école privée. Je voulais juste signaler que ce schéma arrive à grands pas pour les écoles françaises.
    Ici beaucoup d'enfants travaillent pour rapporter de l'argent à leur famille. Des parents pauvres font beaucoup d'enfants seulement pour augmenter la force de travail.''

    Nous remontons sur nos montures pour aller vers Kalka. On a pris l'habitude de s'arrêter le midi dans un dhaba (restaurant sur le bord de la route). C'est souvent très très épicé. De la bouche au derrière, cela nous brule tout le tube digestif. Sur le vélo, les épices nous empêchent de donner toute l'énergie nécessaire pour bien pédaler. Ce n'est peut être pas une bonne solution de manger trop épicé quand on fait du sport!
    En route, nous achetons du pain de mie aux OGM pour le lendemain matin. Nous commençons à en avoir sérieusement marre de la malbouffe et nous rêvons de bien manger, de manger bio mais c'est carrément impossible ici. On pense aux français chanceux d'avoir le choix de l'alimentation.

    Alice : ''La route est toute défoncée, de gros trous, de la terre pire qu'une piste, j'en perds mon petit porte-monnaie ''Minie'' que j'ai depuis toute petite. J'espère qu'il fera un heureux! On s'arrête boire un remontant et l'Indien du bar nous apprend l'attentat de Bombay. Il a un petit boui-boui et vend des plantes qu'il cultive. M'apercevant que j'ai perdu mon porte-monnaie, Ce vieux Sikh me dit comme beaucoup d'autres " Keep away tension, take it easy!" Et bien cela fait son effet, et la vie n'est pas si terrible que cela si on la prend facilement sans tension!

    Pendant plus de 20km sur une route difficile, extrêmement poussiéreuse, un trafic intense, des montées et des descentes (sans frein pour Cédric!!! Vive les freins à disque irréparables sorti de l'Europe ! Conseil de voyageurs, il faut du matériel simple et solide!!!), nous arrivons à Kalka. Cédric me propose de dormir sur la pelouse-park entre la route et les habitations, bref en plein milieu où se trouve tout le monde. Non, non je n'ai pas envie d'être un animal de foire, je suis fatiguée. Une superbe pelouse dans une propriété privée nous fait de l'oeil mais il y a un standing à tenir et la réponse est négative. Ce n'est pas grave, nous continuons dans la poussière. Le trafic et la nuit arrivent rapidement. Soudain dans l'obscurité, une croix du p'tit Jésus nous fait de l'oeil. C'est une école et un couvent catholique. Nous racontons nos épopées à deux soeurs Indiennes (elles ne sont que 4 ici) et leur demandons l'hospitalité pour une nuit. Elles nous demandent d'attendre le père qui arrivera dans une heure soit vers 19h00, nous installent dans la salle de réception et nous offrent des gâteaux. Elles nous mettent dans la chapelle pour nous recueillir. Le calme nous repose de notre fatigue et du bruit extérieur. A la question, êtes vous mariés et catholiques? Effrayés d'être refoulés dans la nuit, dehors, dans cette ville horrible, nous avons répondu oui!, que Dieu nous pardonne! Mais bon, on est tous frères, humains, non?

    Le père arrive et accepte. Nous nous retrouvons dans une petite classe d'école qui accueille pourtant 60 élèves de 5 ans. Cela a l'air assez strict. Nous sommes contents d'être hébergés et loin du bruit. Réparation réussie du frein arrière de Cédric par la grâce de Dieu sûrement! Nous sommes enfermés dans l'école lorsque les chiens du curé sont lachés pour surveiller les lieux. A plusieurs reprises ils nous découvrent dans l'école et nous gueulent dessus et sont d'une férocité impressionnante. Nous espérons que la grille qui nous protège d'eux est assez solide. A 5h00 du matin, ils rentreront dans leur box.''

    Dimanche 30 novembre 2008 (67 km)
    la planète des singes

    Nous sommes levé tôt pour pouvoir pédaler le plus possible. En partant on nous propose bien sûr d'aller à la messe. Nous refusons poliment et gênés mais nous devons avancer. En passant devant l'église, nous apercevons une quantité incroyable de chaussures. Et oui l'église est un temple comme un autre et qui dit temple, dit lieu sacré ou l'on enlève ses galoches ! Sur un pont des femmes, marchent en file indienne et ont un marteau sur la tête. Une pancarte signale une réserve de singes. Nous passons dans un décor magnifique où la terre est rouge brique, des roseaux hauts de 2m, des grands arbres, des palmiers, des briques, des grandes cheminées et ... un singe ! Quelle réserve ! Et 15 km plus loin au détour d'un virage entre deux collines, les voilà les macaques !!! Plus d'une centaine de singes se trouvent au milieu de la route bondissant sur les voitures.

    Alice : '' C'est la première fois que j'en vois autant en liberté et je suis peu rassurée. Et Cédric qui se fait un malin plaisir à donner nos restes. Les singes se ruent alors sur nous. Moi, je décampe à toute berzingue laissant Cédric à son triste sort. Il l'a bien voulu, non? J'ai quelques remords à l'avoir laissé seul d'autant plus qu'il n'arrive pas. Il doit être sous une montagne de macaques qui doivent lui tirer la casquette, lunettes et tout se qui dépasse. Mais non, le voilà, il les a simplement regardé se chamailler, déçu que je me sois volatilisée aussi vite. Une fois éloignés des macaques, Nous pédalons à plusieurs reprises dans le lit de grandes rivières asséchées. Paysages désolés, à cause des barrages la plupart.''

    Un peu plus loin, un couple de journalistes nous arrêtent. Il font un petit reportage TV sur nous pour la télé locale. Nous n'aimons pas spécialement pédaler dans ce coin, surtout à cause des jeunes en moto qui roulent trop près de nous, nous parlent, essayent de nous prendre le bras parfois... Il y a aussi les bus qui roulent tous comme des tarés. Notamment un venant d'en face, en train de doubler un camion sur cette route trop petite et nous obligeant au dernier moment à nous jeter au fossé !!! Des fois, on se dit que s'il n'y avait pas de pétrole, y aurait pas tous ces dangers !!!

    Ayant eu notre lot d'émotions fortes pour aujourd'hui, nous décidons de camper non loin de la route, isolé derrière une maison abandonnée, dans un beau champ d'herbe pâturée par les buffles et les chèvres. Nous sommes bien, très bien mêmes !!! Loin des lignes hautes tensions, des antennes relais, des cheminées qui crachent de la fumée noire, de la ville, des hommes !!!! On peut souffler.



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  • Mardi 23 novembre 2008
    Nous quittons l'hôtel à midi et nous nous rendons au Golden Temple. Nous pédalons presque les yeux fermés car tout le monde nous guide vers le site (c'est dire la réputation). Lorsque nous arrivons, nous ne demandons rien mais comme si nous étions attendu, un grand Sikh nous guide vers un dortoir, met tout le confort à notre disposition et nous propose d'aller manger. Free ! Tout est Free, gratuit, nous n'avons rien à payer ?! Il y a quand même des boites à dons un peu partout où nous pouvons glisser quelques billets. En sortant du dortoir, nous entendons un vacarme assourdissant. Si c'est un groupe de percussions, ils ne sont pas vraiment en rythme. En fait, ce sont des personnes, toutes volontaires, qui lavent la vaisselle métallique. Nous suivons des gens et nous faisons comme eux. Ils tendent les 2 mains ouvertes, nous faisons de même et nous recevons une assiette, un gobelet et une cuillère. Dans une immense salle, nous nous asseyons par terre, en rang d'oignons, sur de longs longs longs tapis de jute. A peine assis, déjà des gens passent avec des seaux en inox, pleins de délicieux plats qu'ils nous jettent dans l'assiette. Pour le pain, nous devons tendre nos 2 mains ouvertes et le gars nous jette 2 chapatis en disant « Pechatal Waeguru ». Après mangé, nous devons suivre le ‘'troupeau'' et faire comme eux. Finalement c'est simple et très bien organisé.

    Le temple est magnifique ! Dans une enceinte carrée, bordée de grands bâtiments blancs, un grand plan d'eau et au milieu le temple presque entièrement recouvert d'or. Nous rencontrons des Sikhs très gentils, comme ces travailleurs volontaires qui recouvrent le temple de feuilles d'or. Ils nous offrent du thé et nous guident dans le musée des Sikhs. Ils nous racontent l'histoire de leur religion, leurs coutumes, la persécution qu'ils ont subit et des histoires incroyables comme ce guru qui s'est battu pendant 5 km avec sa tête coupée tenue dans l'une de ses mains. Ou encore le guru qui est resté plusieurs jours sous l'eau et est revenu à la surface, vivant et frais comme un gardon. Nous nous lions d'amitié pour un autre jeune sikh qui est électricien mais qui donne beaucoup de son temps libre pour le temple. Il nous fait visiter l'infrastructure, l'énorme pompe à eau et les filtres industriels pour potabiliser l'eau. La machine à chapatis conçue par des sikhs permet de fournir 15 000 pains à l'heure. Elle remplace l'ancienne machine de conception pakistanaise qui fournissait entre 5 000 et 7 000 chapatis par heure et avec un démarrage au diesel. La nouvelle a un démarrage électrique et la cuisson est au gaz, « c'est plus performant, plus écologique, moins bruyant et moins polluant » nous dit il très fier. Comme tout est gratuit, nous demandons en contre partie, s'il est possible d'aider. « bien sur, voulez-vous aider pour la vaisselle ? ». Nous nous retrouvons en moins de deux à la plonge en train de laver des centaines de couverts. Après cela, il se fait tard, nous sommes un peu fatigués mais nous suivons notre ami dans le temple pour une messe quotidienne importante, le moment où le livre sacré quitte le temple pour aller passer la nuit dans une autre pièce. C'est très impressionnant de voir tous ces gens se baisser et nettoyer le sol avec les mains juste avant l'arrivée du livre sacré, puis à son passage tout le monde crie, tape des pieds, des mains. Après la messe nous retournons au dortoir ou nous passons une mauvaise nuit à coté d'une américaine enrôlée dans une secte. Elle passe la nuit à se balancer au dessus du lit et à réciter des prières. Elle dort très peu et à chaque fois dans n'importe quelles positions.

    Lundi 24 novembre 2008, Wagah border (frontière indo-pakistanaise), la cérémonie du drapeau.

    Alice : ''Aujourd'hui, nous allons à la frontière pour voir cette fameuse cérémonie du drapeau. Après avoir dit au revoir à Reto, un charmant suisse, nous prenons un Rickshaw pour la gare routière. Cahin caha sur une route défoncée nous arrivons sur le parking des bus. Wagah border? Quai 17. Le bus est là, nous nous installons. Sous de nombreuses fenêtre, les bus ont des traces de vomis formant des lignes parallèles. Cela nous en dit long sur la façon de conduire des chauffeurs. C'est parti, le bus est rempli, il roule doucement et des gens grimpent et descendent en route. Le vendeur de billet arrive tout de même à se faufiler et faire payer tout le monde. Il sert aussi d'indicateur pour démarrer, un coup de sifflet et le chauffeur sans regarder ni à gauche ni à droite commence à rouler. Des passagers sont dehors et s'accrochent comme ils peuvent pour ne pas tomber. 15 roupies pour 30 km soit 15 cts d'euro. A Atari, nous prenons un nouveau rickshaw pour atteindre la frontière. Une fois arrivés, nous sommes assaillis par les commerçants qui veulent nous goinfrer de cochonneries, chips, soda, bonbons,... ou alors vente de cartes postales, DVD,... cela n'arrête pas. Il y a déjà beaucoup d'indiens qui attendent que les portes s'ouvrent afin de vite s'installer pour avoir la meilleure place.

    Le portail s'ouvre, une file pour les hommes une pour les femmes et c'est la fouille corporelle pour tout le monde. Je dois aller derrière des rideaux et on me palpe, vérifie le sac. Ensuite les indiens courent pour être aux premières loges. Il y a de grandes tribunes en béton, depuis quand datent-elles? Depuis quand et pourquoi existe cette cérémonie? Ce sont des questions qui me passent par la tête.

    Un policier nous dirige vers la tribune spéciale touristes. Refouille. Il y a aussi des gradins pour les VIP (very important people).

    Coté indiens, les tribunes sont pleines mais les femmes sont quand même séparées des hommes. Coté pakistanais, seulement un sixième est rempli. Mais, oh surprise, les femmes ont des habits colorés, ne portent pas forcement le voile. Quel changement après l'Iran et les Emirats Arabes Unis (où les femmes du pays sont majoritairement habillées en noir et voilées de la tête aux pieds). Nous finissons par regretter de n'avoir pas pu traverser ce pays qui, ont en est presque sûr, n'est pas plus dangereux que l'Iran.

    La fête commence. Coté indien, des jeunes filles, deux par deux courent chacune avec un drapeau. Toutes celles qui veulent courir se présentent devant les soldats et se mettent en file ... indienne bien sûr. Après 15 minutes de course, s'enchainent 10 minutes de danse où il n'y a que les femmes qui se déhanchent, sautent, lèvent les bras en l'air.

    Du coté pakistanais, les femmes n'ont pas cette chance, est-ce pour montrer que l'Inde est un pays plus libre qu'il y a cette exhibition? Puis des slogans sont scandés de chaque coté, la foule répète ce que dit le chauffeur de tribunes.

    Avec une symétrie parfaite entre les deux pays, les soldats se mettent désormais en ligne et vont d'un drôle de pas vers la bordure. Stop ! Ils lèvent haut la jambe, tapent du pied. Ils reviennent devant chaque tribune, puis un à un, chaque soldat officie près du portail tout en marchant vraiment bizarrement et en poussant des cris de bêtes ou d'homme de cro-magnon. Les premiers vont défaire la corde du drapeau et revenir, les deuxièmes vont enrouler celle-ci et revenir, les 3èmes vont descendre les drapeaux à la même vitesse, les 4ème claironnent et les 5ème emportent le présent, bras tendus en levant haut les jambes. Les soldats se serrent la main, les drapeaux sont bien descendus à la même vitesse. Des hourrahs des deux cotés !!! A la fin, on pouvait apercevoir que les tribunes pakistanaises étaient pleines!

    Mon impression est bizarre, tout cela pour ça. Une sorte de compétition sans l'être. Du patriotisme? Cela m'a fait penser à la garde britannique. Toujours est-il que pendant le spectacle, des terroristes pakistanais ont tiré à vu sur n'importe qui dans un hôtel chic de Bombay, faisant de nombreux morts et entretenant ainsi une éternelle tension politique entre l'Inde et le Pakistan, deux pays dotés d'armes nucléaires''.

    Nous repartons à pieds jusqu' à la ville pour reprendre le bus. Un rickshaw à moteur s'arrête pour nous demander si nous sommes intéressés pour retourner à Amritsar. Il nous demande 200, puis 100, puis 50 pour nous deux. OK! On s'installe a l'arrière, assis sur une fesse, pliés en deux, nous sommes 9 dans ce rickshaw grand comme une voiture sans permis. Nous sommes poursuivis par un autre rickshaw qui se fait un point d'honneur à être derrière nous coûte que coûte. Cela fait rire tout le monde. Dans notre pot de yaourt à moteur toutefois nous rions un peu jaune car le chauffeur semble dormir à poing fermé. Sa tête balance de gauche à droite, d'avant en arrière.

    On nous dépose à la gare, on donne 50 roupies et le gars nous dit qu'il n'est pas content. ''Va comprendre Charles''. On s'en va, on se perd dans la ville pour arriver une heure plus tard dans le temple. Le programme prévu est de manger puis dormir mais cela va se passer autrement.

    Alice : '' Voilà t'y pas que Cédric retrouve son copain d'hier et celui-ci l'embauche pour distribuer le pain béni à tous ceux qui mangent dans la grande cantine du temple qui ne désemplit jamais ! Le travail consiste à répéter devant chaque convive ''Perchatarl Vaeyguru'' et ces derniers tendent les deux mains. Ensuite le jeu consiste à lancer de haut les chapatis dans le creux des mains. 15 minutes plus tard, ils ressortent, direction le temple d'or. On reste dedans à écouter les chants religieux accompagnés de tablas. On s'endormirait presque et pour ma part, je pense au lit. 21h15, on dit enfin au revoir au copain qui aurait bien aimé que nous restions jusqu'à la mise au lit du livre sacré mais nous voulons, nous aussi, sacrément nous mettre au lit.''




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  • Voici enfin des nouvelles merci d'avoir été patients !
    Nous avons toutes les photos à mettre sur le site et 2 cahiers à recopier.
    Avec seulement 4 heures d'électricité par jour dans la capitale Népalaise et une connexion lente, cela va encore nous prendre du temps.
    Désolé

    En attendant, en guise d'apéritif, voici le récit de notre arrivée à New Delhi !

    Bonne lecture ...

    13 novembre 2008
    Cédric : ''Nous sommes assis tous les deux, la nuit vient de tomber, on a mangé et nous commençons à digérer à plus de 10000 mètres d'altitude au dessus du Pakistan. Je n'arrive pas encore à croire que je suis dans un avion entre Dubaï et New Delhi. Moi qui pensais ne jamais utiliser ce moyen de transport polluant tellement privilégié. J'ai bien pourtant failli le louper. Ce matin, nous nous sommes levés très tôt et après nos adieux à Raïa, les enfants, Martin et Andréa (que nous reverrons peut-être), après avoir roulé dans le trafic sur l'autoroute et provoqué un accident (un camion qui nous regardait au lieu d'être concentré sur sa route): Nous voici dans le terminal numéro 3, tout neuf, ultra moderne, on se croirait dans un film de science fiction. Nous donnons nos vélos sans les emballer (ils nous promettent d'en prendre soin) et grâce à l'aide de Julio notre ami Espérantiste, Brésilien, joueur de Tchukball et Stewart, nous ne payons pas d'extra. Un peu en avance, nous flânons au milieu des boutiques Dutyfree où tout est plus cher qu'ailleurs. Seulement 20 min avant le départ, nous réalisons qu'il serait bon de changer nos Dirhams pour des Roupies. Alice part au bureau de change et moi, avec les bagages, je l'attends devant une boutique de cannes de golf. Je regarde le panneau d'affichage qui indique ''Dernier appel pour le vol Dubaï- Delhi''. Je commence à paniquer, Alice n'est toujours pas revenue. Soudain j'entends un appel : « Mister Cédric Tuolong... tatatitatata...est demandé immédiatement à l'embarquement ». Dans cet immense bâtiment sans fin, j'entends Alice qui crie mon nom. Je cours comme je peux en trainant les bagages et lorsque je l'aperçois un policier m'arrête. « DON'T MOVE » m'ordonne t'il ! Ben oui mais c'est ma femme ! que je lui réponds. « Je sais, répond-t'il, elle vous cherche et vous allez louper votre avion alors NE BOUGEZ PAS, je vais la chercher ». 2 longues minutes plus tard, Alice revient en courant, même pas le temps de m'engueuler, contrôle des billets, trouver notre chemin au milieu de ce labyrinthe de verre, enfin nous voici dans l'avion. « Vous êtes les derniers, on a bien failli partir sans vous, mais enfin où étiez vous ? ». Drôle d'accueil de la part de l' hôtesses. Je leur réponds que je faisais du lèche-vitrine et que je n'ai pas vu le temps passer. Le commandant vérifie le bon fonctionnement de l'appareil, 2 hôtesses nous font un spectacle de mime, l'avion commence à rouler et soudain, collé au siège, l'avion s'élance, prend de la vitesse, décolle, ça y est c'est foutu, on ne peut plus reculer, dans 3 heures nous sommes en Inde.

    Sur le petit écran, on voit l'avion qui avance au dessus du golf persique, puis le Pakistan. La nuit est tombée très vite et maintenant nous passons au dessus de la frontière Indo-Pakistanaise. Trois petits tours dans le ciel au dessus de Delhi et on se pose. Premières impressions en sortant de l'oiseau de fer. 1), il fait plus froid. 2), ça ne sent pas très bon. 3), c'est beaucoup moins propre qu'à Dubaï. 4), tout semble désordonné. 5), Les gens sont plus curieux, ils portent des habits plus colorés et ils ont tous le sourire. Nous cherchons une place tranquille dans l'aéroport pour pouvoir passer le reste de la nuit. A priori, ça va être difficile, par terre c'est vraiment crade, mais il y a des gens qui dorment quand même. Finalement, derrière des bancs, entre une couche sale et deux plantes vertes, au pied du mur vitré qui donne sur la rue, nous nous installons. Un mal de tête commence à se faire sentir et malgré la prise de cachets, le mal va empirer jusqu'à ce que la douleur soit vraiment insupportable. Alice, désemparée s'occupe de moi comme elle peut. Elle me met des gouttes d'huiles essentielles de menthe sur les tempes pour soulager la douleur, me donne des boules quiès pour moins de bruit, un voile sur la tête pour moins de lumière. Après les frissons, les vertiges, la nausée et tout se qui caractérise une migraine bien carabinée, j'ai pu dormir 2 ou 3 heures. En ouvrant les yeux et en soulevant mon voile, j'en vois 7 autres paires (d'yeux) qui me fixent de l'autre coté de la vitrine. Ce sont des Indiens qui, curieux comme une mère chatte, me fixent d'un regard qui veut dire : '' bienvenue en Inde mon p'tit gars''.

    Avant la migraine, nous avons discuté avec d'autres français qui attendaient leur avion. Ils sont chercheurs et professeurs de préhistoire. Ils parcourent le monde en essayant de déterminer par où, quand et comment certains savoir faire comme la taille des silex en biface s'est propagé dans le monde. Ce fut une discussion très intéressante qui a fait grand bien à notre appétit de savoir.

    14 novembre 2008 (45km)
    Cédric : ''Pendant la phase de réveil dans l'aéroport, mes yeux sont restés écarquillés devant ces bonshommes tout vêtu d'orange et avec la tête rasée. L'un d'eux, avec ses grosses lunettes, ressemblait tellement au Dalaï-Lama que j'ai fini par croire que c'était lui qui était assis à la terrasse de ce café de l'aéroport.''

    Après un frugal petit déjeuner, nous avons enfourché nos vélos et à nous Delhi ! Détail important, on roule à gauche ! Dès les premiers mètres on s'en prend plein la face. Pour commencer, de pauvres gens dorment inertes sur le trottoir. Des hommes pissent sur ce même trottoir. Des toxicomanes sont plongés dans un coma si profond qu'ils ne sentent même plus les dizaines de mouches sur le visage, dans le nez, les oreilles et la bouche. Ils ont l'air morts, peut-être le sont-ils vraiment. Soudain au bord de la grande route, couchée au beau milieu des ordures, notre première vache sacrée rumine tranquillement des peaux de bananes en regardant le trafic d'auto-rick-shaw. Après avoir traversé le périphérique et les bidonvilles au dessous des ponts, nous entrons dans le parc Budha Jayanti Smarak. Assis sur le trottoir, non ce n'est pas un mirage, c'est bel et bien un macaque qui attend que l'on passe juste à côté pour nous faire un grand sourire. Attention le sourire du macaque n'a rien d'affectueux, c'est plutôt une mise en garde avant l'assaut. Quelques mètres plus loin une famille macaque est assise sur un muret. Ils font ce que font tous les macaques, ils dorment sous un rayon de soleil, les jeunes s'amusent et les autres se cherchent les poux. Nous voulons les prendre en photo mais les sourires qu'ils nous balancent tout en étant près à bondir nous empêchent d'approcher. Nous nous promenons toute la journée dans la capitale indienne, les yeux écarquillés. La pollution est très très importante, que ce soit l'air irrespirable, les déchets, le bruit, l'eau que l'on ne peut pas boire, tout est pollué, malgré tout, la vie est la tellement intense. Le sourire jusqu'aux oreilles, nous pédalons dans la poussière au milieu de tous ces humains, ces vaches, ces chèvres, ces chiens, ces chats, ces macaques, ces perroquets, ces milans noirs, ces mangoustes, ces rats...

    A la tombée de la nuit nous trouvons un hôtel équipé de chauffe-eau solaire. Pour 3 euros la nuit nous y allons avec plaisir.


    Du 15 au 21 novembre (50 kms)

    Par hasard dans les rues de Delhi, nous retrouvons Jens et Céline, que nous avions rencontré l'avant veille de notre départ de Dubaï. Nous nous retrouvons plusieurs soirs de suite pour aller manger chaque fois dans un resto différent. Les 3 premiers jours, nous visitons la ville, les temples, les parcs, le fort rouge, la place connaught, les bazars, ... Souvent, ce ne sont pas les bâtiments historiques qui nous marquent le plus, mais les gens. Par exemple lors de notre balade dans le Fort rouge. Les Indiens sont tous incroyables, les hommes bien rasés les cheveux courts et la raie sur le coté, les Siks avec leur énorme barbe et leur turban de 12 mètres de long, les femmes avec leurs longs cheveux et leur sari coloré. Nous sommes ravis de constater qu'ils sont curieux de leur histoire et qu'ils se déplacent en grand nombre pour visiter les musées (une file d'attente de 1km ce dimanche pour entrer dans le fort rouge).

    Lundi 17 novembre

    Nous avons rendez vous à 14h avec Vandana Shiva. Nous sommes très heureux de revoir cette femme militante pacifique dans la continuité de Gandhi. Nous l'avions rencontré en France lors d'un des nombreux procès de faucheurs volontaires. En expliquant la situation des paysans indiens face aux OGM, elle avait renforcé notre engagement et notre devoir de lutter contre ces plantes et animaux génétiquement modifiés disséminés dans la nature. Après nous être perdus dans des ruelles et des endroits qui ressemblent à des villages en pleine capitale, nous trouvons enfin le siège de l'association NAVDANYA (qui signifie 9 graines, 9 étant un nombre sacré en Inde et qui signifie aussi quelque chose de 9). C'est Vandana en personne qui nous accueille, mais nous discuterons 2h30 avec Maya, qui travaille dans la structure et qui parle un Français parfait. Elle nous explique comment Vandana a commencé à militer. De grandes forêts du nord de l'Inde étaient menacées de destruction. Vendue aux bucherons pour une bouchée de pain, cette forêt qui était source de nourriture, de médicaments, de bois, de remèdes contre les maladies des cultures, etc. Dans cette région de montagnes, la forêt permet de maintenir les sols lorsque sévit la mousson. Elle retient également l'eau et favorise sa pénétration dans le sol. Bref, si la forêt disparaissait, tous les gens qui en dépendaient allaient également disparaitre. Vandana a donc commencé à militer avec les femmes qui enlaçaient les arbres lorsque les bucherons arrivèrent. A force de ténacité elles ont gagné le combat et la forêt est restée sur pied. Lorsque l'Inde était anglaise, Gandhi s'était battu et avait réussi à relocaliser la fabrication des vêtements. Car même si le coton était produit en Inde, le textile était manufacturé en Angleterre. Les habits made in England avaient donc été brûlés et les Indiens se sont remis à filer le coton et fabriquer leurs propres textiles. C'est exactement ce que fait aujourd'hui l'association Navdanya. Après avoir brûlé les champs de coton transgéniques et redonné des semences traditionnelles aux paysans, l'association est en train de leur redonner une liberté millénaire. La liberté de pouvoir semer une partie de sa récolte, la capacité de produire sans recours aux pesticides, la liberté d'échanger des graines avec les voisins. Navdanya a déjà constitué dans tout le pays des banques de graines traditionnelles. Ils y a des laboratoires, des fermes expérimentales et des fermes écoles presque partout. Leur objectif est simple, faire partir l'énorme multinationale MONSANTO du pays. En effet, les paysans de part leur pratique culturale, ont toujours favorisé la biodiversité et ils n'ont pas attendu les bons conseils de Monsieur MONSANTO pour nourrir l'humanité. La solution se trouve principalement dans l'environnement et très rarement dans les labos. Dans le centre de l'Inde, près de Bhopal, des milliers de paysans se sont laissé tenter par les OGM, les agents de commerce de MONSANTO allant parfois même jusqu'à jouer avec la foi des fermiers en leur disant que c'est Dieu qui leur envoi ces graines. Imaginez un seul instant leur désarroi, après qu'ils aient échangé toutes leurs vieilles semences pour des OGM plantés sur toute l'exploitation, lorsque vient le moment des récoltes et qu'il n'y a presque rien. Des milliers, oui des MILLIERS de paysans se sont suicidés après avoir tout perdu. La plupart ingurgitent des litres de pesticides en pleine place publique pour se donner la mort ! Face à ce tableau cauchemardesque, que nos amis anti-OGM de ''Vigilance OGM 36'' et d'ailleurs se rassurent, car au pays de Gandhi les alternatives prennent de l'ampleur. De plus en plus de paysans se convertissent à l'agriculture biologique. Il y a même des Etats qui se déclarent ''Zone Biologique''. L'association donne des semences traditionnelles aux paysans qui diffusent ensuite dans leur entourage ces mêmes semences.

    Un stage doit avoir lieu prochainement dans l'une des fermes expérimentales de l'association. Nous prévoyons de nous y rendre en vélo mais après notre visite de l'association, nous sommes tombés tous les deux biens malades. Le reste de notre séjour à Delhi se résume essentiellement à notre petite chambre d'hôtel où nous nous soignons à tour de rôle contre la fièvre, la toux, le mal de gorge et le rhume. Durant notre convalescence, nous passons notre temps assis à la terrasse du p'tit resto de l'autre côté de la rue. Nous sirotons doucement notre mélange de miel citron et gingembre chaud autour d'une crêpe au sucre et nous regardons le brouhaha de la rue. Les touristes qui se font harceler par les mendiants, les charrettes tirées pas 2 grands boeufs qui finissent par boucher la rue, les rick- shaws qui s'impatientent et se foncent dedans, ils cherchent aussi à prendre en priorité les étrangers parce qu'ils payent plus. Il y a aussi la vache sacrée qui broute l'étale de légumes pendant que le commerçant a le dos tourné. Lorsque celui-ci se retourne il crie un grand coup, lève les poings au ciel mais ne frappe jamais la vache qui est sacrée et qui semble le savoir. Elle s'en va tranquillement et on distinguerait presque un sourire coquin de ''vache qui rit''.

    Avant de quitter Delhi, nous avons quand même visité le musée de Mahatma Gandhi. Moment riche en émotion. Les nombreuses photos et divers objets collectés nous font pénétrer dans l'histoire de ce grand homme, mais aussi quelque part, dans l'histoire de l'humanité.

     

    Lundi 22 novembre 2008
    Nous prenons le train pour Amritsar, la ville frontière avec le Pakistan. De là-bas, nous pourrons reprendre notre voyage à vélo comme si nous avions traversé le Pakistan. Prendre le train en Inde, c'est déjà une aventure, mais avec des vélos, c'est encore pire. Il a déjà fallu entrer dans la gare et ne pas écouter ces racoleurs qui nous inventent tout un tas d'histoires pour que l'on achète les billets dans leur agence. Ensuite, pour les vélos, il fallait acheter de nouveaux billets dans un office que nous avons mis trois heures à trouver. Complètement caché à l'opposé de la gare, derrière le dernier quai, sous une montagne de paquets emballés dans de la grosse toile de jute. Des motos, dans l'attente d'être expédiées, sont emballées avec de la paille que quelques chèvres qui trainent par là, essayent de brouter. Pour nous rendre sur le quai numéro 7 ou 8 (même le chef de gare ne sait pas sur quel quai va arriver le train), nous traversons les voies avec les ouvriers qui tirent et poussent de lourds charriots. La misère est là aussi. Des femmes, des enfants et des hommes aux habits dépenaillés essayent de récupérer quelques bricoles qui tombent des trains. Au milieu de nous tous, les rats se promènent à l'aise, ils ne craignent personne. Cet univers pollué qui sent  l'urine et la fumée de plastique brulé, leur convient à merveille. Comme partout en Inde, les vaches sacrées se promènent sur les rails à la recherche d'une peau de banane ou tout simplement d'une place au soleil.

    Nos vélos sont chargés très brutalement et posés l'un sur l'autre dans un wagon. Nous préférons garder avec nous tous nos bagages. Dans notre wagon de 2 ème classe, une famille de Sikh a réservé 4 banquettes de trois places pour au moins 20 personnes (cherchez l'erreur). Le train démarre, on avance de quelques mètres et soudain, affolement général dans notre famille de Sikh. Après inventaire, il semblerait qu'il manque le fiston de 12 ans, probablement resté à quai. Le père tire la sonnette d'alarme et actionne le freinage d'urgence. Rapidement des agents de gare sont là et tout le monde part à la recherche du p'tit gars. Morte d'inquiétude, la famille décide de ne pas prendre le train. Ils commencent à descendre les valises sur le quai quand soudain, arrive tranquillement le petit gars qui était parti faire un tour dans le wagon voisin. Les bagages et la famille au complet reprennent places dans le train et dans le rire et le soulagement général ; le voyage reprend. Une famille assise en face de nous, nous offre plein de nourriture qu'ils achètent aux marchands ambulants dans le train. Nous n'aurions jamais osé manger de ces choses là compte tenu de l'hygiène totalement absente et nos estomacs fragiles. A chaque arrêt, de nouvelles animations, marchands de peignes, transsexuelles, enfants qui offrent des spectacles de clowns ou d'équilibristes en échange de monnaie. D'autres enfants passent entre les sièges en rampant par terre et en nettoyant le sol avec leur seul tee shirt, il y a aussi le défilé incessant d'estropiés, d'amputés... qui passent demander l'aumône.

    Nous arrivons vers 10h du soir après 8 h de train pour seulement 500km. Certains diront « vive le TGV » mais franchement, dans ce train TGL (très grande lenteur), nous profitons des gens, des paysages, on se sent voyageur. Nos vélos ont un peu souffert dans le transport, nous les avons cherchés pendant 1h au milieu des gros sacs éventrés. Un jeune homme nous guide vers un hôtel. Comme il est tard, nous le suivons mais ce n'est pas un service gratuit. Tout comme le vieux gardien de nuit qui nous change les draps alors que nous pouvions le faire nous même.


     


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