• Cambodge Episode 4 : Remontée du Mékong jusqu'à ses derniers dauphins

    Du 19 au 23 juin 2009 (150 km)

    Et voila. Vendredi matin, nous quittons Key et sa petite famille toute très occupée à l'organisation de la cérémonie de pendaison de crémaillère de leur maison. En reprenant la route, nous avons un petit pincement au coeur en repensant à l'accueil extraordinaire de Key et de toute sa famille. Nous ne savons pas encore comment, mais nous aimerions bien les revoir et même, pendant les premiers kilomètres, nous avons souvent envie de faire demi-tour.

    En achetant du pain à la sortie de Phnom Penh, les jeunes vendeurs nous servent les baguettes dans un sac plastique. Nous leur expliquons que nous n'en voulons pas car nous avons déjà un sac. Ils acquiessent et nous remontons sur nos vélos. L'un des deux jeunes, prend le sac plastique inutilisé et va sur le bord de la route pour le mettre dans la ''poubelle Terre''. Nous rattrapons le sac et sans pouvoir nous en empêcher, nous commençons à leur expliquer l'impact de ce geste. Un autre jeune vient prendre part à la discussion et il parle bien anglais, il se charge donc de la traduction. Nous en avons vraiment raz le bol de l'inconscience écologique de tous ces pays d'Asie. Il y a 15 ans encore, tout le monde était à vélo. Maintenant, les seuls à se déplacer sans émettre de fumée toxique, c'est nous : deux fous d'étrangers et quelques pauvres à vélo !!! Tout le monde jette le plastique dans la nature et à l'occasion, on fait des tas de déchets que l'on brûle. Malgré les progrès de la médecine, quelle sera la tête des enfants qui vont naître dans les prochaines années ? Combien de temps vont vivre les enfants d'aujourd'hui et avec combien de cancers à survivre et combien de handicaps à assumer et surtout à surmonter ? Après ce coup de gueule qui on l'espère sans en être sûr, aura permis à ces jeunes gens de développer un terrain favorable à la naissance d'un embryon de conscience éco-citoyenne, le climat humide de la mousson vient nous changer les idées.

    Nous essayons de nous réfugier sous des abris rudimentaires au bord de la route mais à la fin de la journée, la pluie ne s'arrête plus et nous avançons trempés, sur des routes parfois inondées et boueuses. Pour vivre ici, avec ce contact quasi-permanent avec le milieu aquatique, nous finissons par nous inventer des légendes comme quoi, il y a bien longtemps, un homme serait tombé amoureux d'une grenouille et les enfants nés de cet union auraient donné naissance au peuple cambodgien. Il pleut comme ce n'est pas permis et nous voyons des gens se promener, des hommes discutent sous la pluie, des enfants chassent les grenouilles au lance-pierres, des pêcheurs sont dans l'eau jusqu'au coup et lancent leur filet, des paysans repiquent le riz toute la journée les mains et les pieds toujours dans l'eau boueuse. Nous réalisons à quel point l'eau fait partie de leur quotidien et à quel point elle est présente dans leur vie.

    Soir du premier jour après Phnom Penh, une heure avant la nuit, nous trouvons l'entrée d'une pagode proche de la route. Nous essayons de demander asile. Dehors, il y a un préau avec une salle de classe et un genre de grand sommier en bambou posé là, à l'abri de la pluie. Voilà qui pourrait faire notre affaire et nous protéger de la vieille truie qui tourne autour de nous. Quelques habitants se sont rapprochés, mais personne de veut nous parler ou même tenter de comprendre ce que l'on dit. Un jeune homme bien sympathique fini par venir à notre rencontre. Il parle anglais mieux que nous et nous apprend qu'il est l'instituteur de cette classe qui a été installée dans le temple, faute de place et de moyen dans l'école du village. Nous lui expliquons que nous sommes à la recherche d'un endroit pour dormir et que sa classe nous conviendrait parfaitement. A ce moment précis, la vieille truie passe entre les tables d'école. Le jeune instit' essaye de la virer et il nous raconte que souvent, même lorsqu'il y a cours, la truie s'invite dans la classe et sème sa zone faisant rire les élèves et énervant le professeur. Il a très envie d'exercer son anglais avec nous mais nous avons très envie de dormir et nous sommes mouillés et affamés. Il finit par nous emmener voir le maître du temple qui est un jeune moine d'un quart de siècle. Pour demander à être hébergé dans le temple, il nous guide car il y a un protocole très strict à respecter. Nous devons saluer le moine sans le toucher, nous agenouiller devant lui, nous incliner en joignant les deux mains, puis enfin, sans expliquer qui nous sommes et d'ou nous venons, nous devons lui demander s'il nous autorise à dormir ici ce soir. Jusque là, c'est le suspens... Nous nous plions docilement à tout ce protocole mais nous avons l'impression que le moine n'en tient pas rigueur. FAut-il vraiment faire ainsi? Surement! Finalement, on nous installe dans une chambre, au rez de chaussé inondé. Par chance, la chambre est sèche et le moine qui y vit est parti en stage en Thaïlande. Pour nous laver nous allons dehors nous doucher avec l'eau de pluie récoltée dans de grandes jarres en ciment. La grosse truie vient nous harceler et pour la chasser nous devons lui balancer violemment des gamelles d'eau sur le groin. Après un diner à la bougie avec l'instituteur dans la grande salle du réfectoire du temple, nous allons dormir bercés par le chant puissant des grenouilles surexcitées, dans les rizières qui nous entourent.

    5h00 du matin, réveil. Le jour se lève et le ciel nous promet une journée chaude.
    Effectivement, nous avons très très chaud et à la mi journée nous devons combattre un début d'insolation. Il n'y a pas de vent et nous ne trouvons pas d'endroit où manger. Un vieux monsieur nous parle en français. Il est en bonne santé et a toutes ses dents. Lorsqu'il nous serre la main, on ne peut pas s'empêcher de repenser aux Khmers rouges. Contrairement à ceux qui on été persécutés et affamés dans des camps de travail, les Khmers rouges étaient bien mieux nourris et n'ont pas eu de carence alimentaire. Ils ont donc généralement mieux vieilli que les autres, d'où notre angoisse soudaine, et si nous avions serré la main d'un assassin de l'armée de Pol Pot ? Bien entendu, ceci n'est que le travail de notre imagination mais vu le traumatisme qu'a connu ce pays, l'état de suspicion générale et de méfiance à tendance à déteindre sur nous. Nous arrivons en piteux état à Kompong Cham et comme nous ne pensons qu'à faire des économies, nous choisissons de dormir dans la chambre la moins chére de la guest house la moins chère de la ville. En clair nous logeons dans l'armoire électrique. Un petit lit à été installé et sur une petite table bancale, un ventilateur.

    Cédric : ''Le soleil qui m'a tapé sur la tête pendant les 90 kilomètres de la journée m'a donné un gros mal de crâne. Après une douche et une immersion complète dans l'eau froide de la réserve d'eau de la salle de bain, je me suis installé sous le ventilateur avec deux cachets pour le mal à la tête. Alice ne se sent pas bien dans cette chambre étroite et commence à regretter. La soirée se passe très mal d'autant plus que ma diarrhée est revenue.''

    Nous sommes complètement crevés et nous n'arrivons pas à faire taire le boucan des propriétaires de l'établissement. Jusqu'à tard dans la nuit, malgré nos demandes polies, nous entendons le va et vient des motos dans la maison, le bruit de la musique des téléphones portables, les jeunes qui chantent et qui parlent comme en plein jour. Au petit matin, nous avons des têtes de cafards. Avançant au radar, nous allons directement dans l'hôtel voisin, plus cher. Nous prenons une chambre tranquille et nous y dormons presque toute la journée.

    Alice : ''Après une deuxième nuit à Kampong Cham, les problèmes de ventre de Cédric ne sont toujours pas passés. Impossible donc d'envisager de repartir à vélo. Cédric prend de quoi se retenir pour la journée et nous prenons un minibus jusqu'à Kratié. Les négociations sont toujours difficiles lorsque l'on est occidental. Je laisse Cédric discuter des tarifs avec un gars qui finalement nous laisse tomber.''

    De la chance dans notre malheur, nous finissons par rencontrer une équipe de deux jeunes hommes qui font la navette avec Kratié. Ils sont tous les deux adorables et honnêtes. Sur la route, ils font des courses pour des clients ou des amis. En s'arrêtant acheter une cargaison de fruits, ils partagent avec nous des fruits du jacquier, délicieux, dont la sève nous colle aux doigts pendant le reste de la journée.

    Cédric : ''A Kratié, nous trouvons un bistrot qui vend du yaourt. J'en profite pour me renforcer la flore intestinale et au bout de deux jours je vais beaucoup mieux. ''

    Notre dernier soir à Kratié, nous rencontrons Gordon, un américain qui travaille au Cambodge pour le WWF sur un programme de sauvetage des derniers dauphins du Mékong. Nous mangeons ensembles et il nous explique un peu la situation catastrophique de ce sympathique animal. Principale activité touristique de la région, les sorties en bateau à la découverte des dauphins ne seront bientôt plus possible parce que le dauphin aura définitivement disparu. Gordon nous explique que les études sur cet animal ont montré qu'il avait concentré une forte dose de pesticide, en particulier le DDT (agent orange de Monsanto utilisé par les américains pendant la guerre du Vietnam. Petit rappel sur Monsanto, c'est lui qui fabrique le Round up et la plupart des OGM.) et de mercure (à cause de l'orpaillage). Le DDT ne se dégrade pas et bien pire que cela, il se concentre au fil des générations dans les tissus graisseux. Le dauphin étant carnivore, il récupère le DDT dans les poissons qu'il consomme. Les Cambodgiens qui vivent près du Mékong consomment également énormément de poisson. L'empoisonnement des dauphins est donc aussi l'empoisonnement des hommes. Le WWF soupçonne même les agriculteurs d'utiliser encore aujourd'hui du DDT. Gordon nous explique que le gouvernement ferme complètement les yeux sur la situation ce qui est carrément criminel de leur part. En réponse au rapport du WWF, le gouvernement nie les faits, selon lui, la population de dauphins se porte très bien et le tourisme rapporte toujours de l'argent donc, pas d'affolement. De toute façon, au nom de la lutte contre les gaz à effet de serre, la Chine, le Laos et le Cambodge veulent construire d'immenses barrages sur le Mékong. Ainsi il en sera définitivement fini des poissons, dauphins et tout ce qui fait que le Mékong était un fleuve remarquable.

    Pour plus d'information sur les dauphins du Mékong, le site du WWF Mékong

     

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