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Inde Episode 5 : La ferme de Navdanya
mardi 3 décembre (20 km) NAVDANYA
Ce matin, nous sommes attendus pour le thé. Pas de prière mais le moment est venu de payer la nuit où plutôt de faire un ''don obligatoire''. Disons que vu la qualité de la chambre sans la douche, si on la compare à un hôtel, ça doit tourner dans les 150 à 200 roupies maximum. Comme la veille nous les avions entendus parler de prix et de quelque chose comme 500 roupies. Nous décidons de donner 250 roupies pour nous deux ce qu'il refuse en nous montrant sur son carnet à souche que quelqu'un avait donné 300 roupies il y a longtemps et que ce serait mieux qu'on donne la même chose. De toute façon il nous a imposé son tarif. Alors va pour 300. Pour ce prix là, nous qui voulions camper la veille, on aurait mieux fait d'aller à l'hôtel.
Nous quittons vite ces lieux, direction les bureaux de Navdanya. Après avoir un peu tourné en rond, nous rencontrons enfin les salariés de l'association. Les bureaux se situent à l'écart de la circulation et au milieu d'un beau parc où nous aurions pu camper très tranquilles. Mais nous préférons ne pas y penser, ça nous fait trop de mal. Nous obtenons les informations nécessaires et précises pour nous rendre aux rencontres internationales sur la ferme expérimentale. En début d'après midi, après un petit message internet envoyé pour rassurer la famille, nous sommes sur la route. Ce que l'on ne sait pas c'est que l'Internet n'a pas fonctionné et que la semaine que nous avons passé à Navdanya qui s'ajoutait à déjà deux semaines sans donner de nouvelles à fini par vraiment inquiéter la famille (enfin... plutôt les parents de Cédric) qui a appelé l'ambassade de France à la rescousse. Cette dernière a fait des recherches très efficaces et a d'ailleurs retrouvé notre trace dans la ferme de Navadanya, perdue dans la campagne Indienne. Et puis nous avons par la suite reçu des messages d'espérantistes népalais contactés par l'ambassade de France au Népal qui nous recherchait aussi.
En fin d'après midi, nous quittons la ''old shimla road'' et nous empruntons un petit chemin sur la gauche 15,5km après la grande horloge de Derah Dun. Des cailloux, puis du sable, puis enfin des chauffes eau solaires, nous sommes arrivés. ''Welcome to Navdanya''.
Nagi fait partie de l'équipe qui travaille sur la ferme. Il nous accueille et nous présente le programme et le fonctionnement. Comme il n'y a pas assez de chambre, nous devons nous séparer et aller chacun respectivement dans le dortoir des gars ou des filles. Le programme des journées est très intéressant et ce qui nous rassure un peu, c'est que l'on ne fera pas que parler. Car selon eux, la participation financière ne fait pas tout et ils considèrent à juste titre que la participation physique est encore plus importante. Le matin donc, avant que ne commencent les conférences et débats, les participants au stage sont invités à travailler aux cuisines, dans les champs ou à l'entretien des bâtiments. C'est un peu le fonctionnement d'un Ashram à la mode Gandhi. A l'aube, pour ceux qui le souhaitent, il y a une séance de yoga, puis le petit déjeuner. En fin de matinée, et dans l'après midi se déroulent les conférences et ateliers. Le soir après le repas, il y a toujours un créneau de prévu pour le partage de connaissances ou la réflexion sur des sujets divers que chaque participant peut proposer. Les moments libres sont mis à profit pour lire les ouvrages très intéressants de la bibliothèque, discuter entre participants de tous pays ou bien redonner un coup de main dans les champs.
''Cédric : Pour ma part, je suis resté le plus souvent planté dans les champs, tandis qu'Alice restait scotchée le nez planté dans les bouquins de la bibliothèque''.
Le premier jour après notre arrivée, un chercheur nous fait visiter la ferme. Nous découvrons l'ampleur des travaux réalisés ici. Cela n'a rien à voir avec une simple ferme de néo-baba-cool, refusant tout progrès technique et cultivant à l'ancienne avec des boeufs. Cette ferme est bien au contraire A LA POINTE DU PROGRES. Un laboratoire permet d'étudier les plantes, et les caractéristiques physico-chimiques du sol après telle ou telle culture. On étudie aussi les coéxistences entre plantes et recherche des techniques naturelles pour lutter contre les parasites.
En allant visiter la banque de graines, nous traversons des champs où sont expérimentés en mélange de nombreuses plantes traditionnelles. L'idée étant de trouver les combinaisons les plus bénéfiques pour le sol, la qualité de la production, l'auto résistance face aux parasites et la régularité du rendement permettant au paysan d'étaler la récolte sur toute l'année et donc d'avoir un revenu régulier. Evidemment tous les produits chimiques sont exclus et la réponse est toujours trouvée dans la nature. Notre guide nous rappelle des choses simples : ''Il suffit d'être attentif et de bien observer le fonctionnement et la réaction des plantes et des insectes. Par exemple, si un insecte ravageur ne va jamais sur telle ou telle plante, c'est qu'elle n'est pas bonne pour lui donc elle aura peut-être un effet répulsif. Peut-être aussi que la plante sera toxique pour l'insecte, dans ce cas nous pourrons l'utiliser comme insecticide naturel.''
Dans la Banque de graine, comme dans un temple (d'ailleurs c'est un peu un temple), nous devons poser nos chaussures. Il n'est pas question de rapporter des graines non-invitées sous nos chaussures dans le bâtiment. Après avoir franchi la porte, plusieurs armoires s'étalent devant nous renfermant des centaines de variétés de plantes traditionnelles. Un tableau vient récapituler de manière très synthétique la collection. Rien que pour le riz, plus de 400 variétés ont été recensées et analysées. Chacune des variétés possèdent des qualités propres qui justifient à chaque fois un peu plus l'inutilité des OGM. Sur plus de 400 riz, imaginez un peu les formes, les couleurs, les qualités nutritionnelles, les goûts et surtout les différents sols auxquelles il sont adaptés ! Sols plus ou moins secs, humides, chauds, froids, argileux, filtrant, etc...
En utilisant des boeufs comme force de travail, les recherches scientifiques portent aussi sur la valorisation de la bouse. Fertilisants, engrais hyper-concentrés, ou spécial pour le démarrage des jeunes plants, insecticides, compostage rapide en un mois grâce à différentes espèces de lombrics. Biogaz utilisé pour les cuisines. La vache est non seulement un moyen d'enrichir gratuitement le sol, mais aussi un moyen pour le paysan de gagner en autonomie et indépendance par rapport au prix du pétrole et du gaz.
De retour sur le site des conférences, nous faisons connaissances avec les participants. Venus d'un peu partout dans le monde, il y a de tous les âges mais surtout des jeunes. Nous sommes les seuls à être venus en vélo mais beaucoup sont venus sans utiliser l'avion. Il y a des Anglais, Indiens, Espagnoles, Américains, Australiens, Italiens, Allemands, Suédois, Sud-Africains et Sud Américains.
Les repas bio nous font beaucoup de bien et en discutant avec les autres, nous nous rendons comptes que ça bouge de partout dans le monde. Et bien NON, il n'y a pas qu'en France qu'il y a des vilains irréductibles gaulois qui luttent contre les OGM, la malbouffe et l'emprise des grosses multinationales. Il y a par exemples les très sympathiques et joyeux Paolo et Francesco père et fils, paysans maraichers Bio qui nous expliquent qu'en Italie lors du débat sur les OGM au sein des syndicats agricoles, les paysans bio ont fait une telle pression que certains leaders qui étaient d'abord favorables à l'invasion des OGM se sont finalement prononcés contre. Et aujourd'hui encore, les OGM sont complètement interdits dans toute l'Italie. Nous avons beaucoup sympathisé aussi avec Max le militaire pacifiste anglais. Suite à un accident qui lui a fragilisé le dos, il est en vacances prolongées. Il a toujours le statut de militaire anglais, mais il a décidé d'aller de l'Angleterre jusqu'en Afghanistan à pied et sans un sous. A son départ il ira voir son gouvernement pour lui signaler qu'il se rend en Afghanistan à pied et qu'à son arrivée à Kaboul, il veut pouvoir marcher en paix sans courir le risque d'être fusillé ou bombardé. Il ira demander à tous les gouvernements des pays qu'il va traverser de s'engager définitivement sur le chemin de la paix. Aux pouvoirs politiques de prendre leur responsabilité (si toute fois ils se sentent encore un brin responsables d'autre chose que de leur porte monnaie et s'ils arrivent à porter encore un peu d'intérêt à autre chose qu'à leur carrière personnelle).
Entre autres personnes super que nous avons rencontré à Navdanya, il y a aussi Delia, une Française de l'Argentine vivant à Ibiza. Adi, une autre Italienne très active. Rachel l'Espagnole et Ricardo le Vénézuélien, tous deux en mal du pays, ils sont devenus fous avec l'aventure d'un fromage et d'un jambon qui leur a été envoyé mais dont ils n'ont jamais pu bénéficier ne serait-ce que de l'odeur.
Puis tous les autres avec qui nous avons bien discuté et qui font bouger les choses dans leur pays.
A la fin du stage, nous avons remarqué que l'ensemble des participants avait fait le plein d'énergie et étaient plein de volonté et d'idées nouvelles pour agir dans leur pays.
Tout ce qui a été dit pendant cette semaine, nous le savions, et pourtant... Pour certains, réentendre des choses aussi simple que ''l'arbre est dans la graine'' a suffit pour redonner plein de courage et d'espoir.
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