• Inde Episode 6 : La Jungle, la vraie !!!

     

    7 décembre (87 km) et jusqu'au 14 décembre à Rishikesh

    Départ de Navdanya. Nous saluons tout le monde et nous faisons un bout de chemin avec quelques participants sur la piste de sable qui mène à la route. Tous vont prendre un bus vers Derah dun et nous les suivons de loin avec nos vélos. Juste avant de partir, Paolo et Francesco les deux ''bio italiens'' nous ont signalé qu'ils se rendaient ce soir à Rishikesh, la ville autoproclamée ''capitale mondiale du yoga'', à environ 70 km de la ferme. Nous décidons de nous donner rendez vous le soir dans cette ville pour boire un coup. Nous verrons ainsi qui du bus ou du vélo est le plus rapide. En chemin, nous allons voir la grande statue du Bouddha située à Clement Town, puis par la même occasion, nous tentons un raccourci par les petites routes. Manque de pot, c'est une zone militaire, nous devons faire demi-tour jusqu'à Derah dun. Avec plus de 2 heures de retard, nous décidons de pédaler sérieusement si l'on veut rejoindre les italiens ce soir. Mais sur la route il y a un trafic de folie, et nous devons affronter une multitude de dangers publics, spécialement les gros taxis jeep et les Bus très nombreux dans ce secteur.

    Cédric : '' Lors de la traversée d'une ville, un bus s'arrêtant prendre des passagers s'est rabattu sans voir Alice et l'a fait tomber. J'étais moi aussi coincé juste derrière et au niveau de la porte du bus, le sifflet à la bouche, j'ai sifflé de toute mes forces ce qui à stoppé net le chauffeur qui s'apprêtait à écraser Alice. Une rage, une colère m'envahi et l'envie d'étrangler ce danger public mais l'urgent c'est de voir où en est Alice. A priori, elle s'en sort pas mal et le vélo n'a pas grand chose.''

    Le reste du chemin nous maudissons tous les véhicules à moteur et supplions Dame Nature de bien vouloir se vider subitement de toutes ses ressources de pétrole. Il faut dire que lorsque l'on respire les sacs plastiques brulés, que l'on a le nez du matin au soir dans la fumée noire des pots d'échappements, que l'on a  le bruit des klaxons dans les oreilles et des chauffeurs qui sont autant de criminels en puissance, et bien la fin du pétrole, on en rêve toutes les nuits !!!

    Au crépuscule nous arrivons enfin au point de rendez vous et OH SURPRISE !!! Paolo et Francesco ne sont pas seuls. Delia et Max les accompagnent. Nous restons donc une semaine ensemble à discuter sur tout et n'importe quoi, à visiter la ville, croiser les vaches naines brouteuses de papier et plastique partout dans les rues jusque dans les restaurants (et pas dans l'assiette), combattre les macaques voleurs qui sautent brusquement de nulle part et volent la nourriture dans notre assiette ou nous prennent le pain de la bouche. Nous avons aussi quitté la jungle de la ville pour de longues promenades dans la vraie jungle. Le lendemain de notre arrivée à Laxman Jula l'endroit exact où nous nous trouvons à coté de Rishikesh, nous croisons Ricardo et Rachel, deux autres participants des rencontres de Navdanya. Nous sommes donc un groupe de 8 écolos et autant dire que malgré ce point commun, les débats et échanges de point de vue ont été riches durant cette semaine. Entre Ricardo le Vénézuélien qui ne peut se passer de manger de la viande tous les jours et Paolo qui est persuadé que la voiture même en usage limité reste absolument nécessaire, la semaine a été constructive pour tout le monde.

     

      

    15 Décembre 2008 (20 km)

    Nous avons eu du mal à quitter Rishikesh. Tout d'abord, envoyer un paquet en France, ensuite consulter une dernière fois nos mails, aller dire au revoir aux copains et à la grande cascade dans la jungle. Donner une petite interview à Delia pour qu'elle fasse paraitre un article sur le projet Portrait de Planète à son retour en Espagne. Il est presque 15 heures lorsque nous partons. Enfin, il ne nous reste plus que 2 heures à pédaler avant la nuit. Nous choisissons une toute petite route partiellement bitumée qui monte, monte, monte dans la montagne. Nous nous enfonçons dans la jungle et finalement, on se dit que le premier endroit plat sera notre campement et qu'il ne faudra pas trop faire les difficiles. Soudain, une clairière, des buffles, des singes et ... 2 belles huttes cachées sous les arbres à 200 mètres de la route. L'endroit est irréel. Dans le soleil couchant, les grandes huttes sont si belles, constituées essentiellement d'une très grande toiture en paille et d'un mur en terre crue de 1.80 mètre de haut. De la fumée s'échappe des ouvertures, il n'y a pas de porte. Les étables sont toutes faites en branches et feuillage de la jungle. Derrière nous, dans la cime de grands arbres, ce ne se sont pas seulement des singes qui sont en équilibre sur ces branches, mais aussi des femmes qui coupent des feuilles fraîches pour nourrir le bétail. L'une d'elles nous fait signe d'aller dans la maison. Nous pensons en profiter pour demander l'autorisation de camper. Une femme nous propose d'entrer dans sa hutte boire un thé. Pour ce qui est de poser la tente quelque part, il faut s'adresser à l'homme, chef de famille, qui est alité et souffre à de nombreuses articulations. Il nous montre les nombreux médicaments que l'hôpital lui a prescrits. On dirait qu'ils attendent de nous une confirmation du diagnostique et une quelconque critique sur le traitement. Nous essayons de leur faire comprendre que nous ne sommes pas médecins et que même avec notre allure d'extra-terrestres bénéficiant de toutes les technologies modernes, nous n'avons pas la science infuse. Apres le thé au lait de bufflonne, avec l'accord du chef, nous allons nous installer à 300 mètres des habitations. La tente montée, le diner finissant de cuire sur les braises du feu de bois et de bouses séchées, des enfants accompagnés d'un vieil homme nous demandent de bien vouloir plier la tente et de nous déplacer pour aller plus près de chez eux. Leur argument nous a fait bien rire au début, mais l'expression de leur visage nous a fait comprendre qu'ils ne plaisantaient pas. Chaque nuit, la fontaine du camp est visitée par les éléphants et nous nous sommes installés en plein sur leur passage. Ils nous aident tous à remonter le camp entre les deux huttes. Il y a dans ces deux familles au moins une vingtaine d'enfants. Tous ne vont pas à l'école. Tout d'abord, parce qu'ils n'ont pas assez d'argent et ensuite parce qu'il y a beaucoup de travail à la ferme. Dans malheureusement beaucoup de familles pauvres, on fait des enfants d'abord pour travailler et rapporter de l'argent comme on embauche des ouvriers. Les sentiments d'amour sont complètement absents. Comme le chantait Brassens ''me parlez pas d'amour ou je vous fiche mon poing sur la gueule, sauf le respect que je vous dois''. Tous les enfants sont très curieux et essaient de répéter ce que l'on dit en français. Ils insistent également pour qu'on leur donne un papier et un crayon pour écrire leur nom. Pour ce qui est des animaux de la jungle, ils les connaissent parfaitement car ils vivent avec. Ils n'ont jamais entendu parler de Mowgli et du livre de la jungle, ils n'ont pas la télé, pas de livres mais lorsqu'ils miment les animaux comme Baloo, Baguera ou Ati (ours, panthère ou éléphant en Hindi), on constate qu'ils ont une vraie connaissance de la jungle. Pendant la nuit, nous ne verrons pas les grandes trompes cachées dans l'obscurité et la brume, mais juste quelques sangliers venus roder près des maisons.

     

    16 décembre 2008 (70 km)

    Pour ne pas rester trop longtemps et perturber ainsi la vie du ''clan'', nous décidons de partir le plus vite possible sans prendre de petit déjeuner. Il fait très froid ce matin et pour la première fois nous devons sortir les gants. Les feuilles sur la routes, les branches cassées et les grosses crottes encore fumantes, nous indiquent que la nuit a été festive chez les éléphants. Régulièrement, des panneaux indiquent le croisement avec une route pour pachydermes. Le petit déjeuner a lieu dans la jungle, écartés de la route, nous prenons un immense plaisir à regarder la nature si vivante et si belle au lever du jour. En quittant la jungle, nous commençons par nous arrêter boire un thé dans un bouiboui. Juste derrière l'échoppe, des éléphants sans défenses (au figuré comme au sens propre), les pattes enchainées et guidés à grands coup de bâtons nous font pitié. Ces grands esclaves assurent des vacances inoubliables aux touristes qui se baladent sur leur dos et sans compter que ces safaris rapportent beaucoup d'argent, ce manque de respect total à leur égard nous dégoute. Plus loin sur la route, un soi-disant médecin nous arrête. Il nous propose de dormir dans son temple décoré de gigantesques statues de dieux divers. Un gros chien berger allemand monte la garde de ce lieu lugubre. Nous acceptons quand même le thé qu'il nous offre de bon coeur et nous repartons. Apres être passés à coté de la plus grande décharge de notre vie, c'est à dire des kilomètres et des kilomètres de déchets accumulés le long de la route, formant un véritable fleuve d'emballages plastiques, nous quittons complètement les paysages de jungle pour des zones plus plates de forêts monotones constituées d'une seule espèce d'arbre plantée en ligne à la manière des Douglas du Limousin. A une intersection, nous commettons l'erreur de demander notre route à des policiers. Ils sont tous un peu tarés, surtout un qui se prend pour un macaque (d'ailleurs nous avons fini par nous demander si se n'était pas un macaque en uniforme). Ils nous offrent un thé (encore un) et nous repartons. C'est absolument incroyable comment tout peut changer en une poignée de kilomètres. En seulement 5 km, nous passons de la forêt, du chant des oiseaux, des éléphants, de l'air pur, du ciel bleu, à un spectacle de désolation. L'air devient nauséabond, le ciel s'assombrit, ce n'est pas la nuit qui arrive mais c'est toute cette fumée qui sort des cheminées, puis à bien y regarder sur la carte nous ne sommes plus très loin de Delhi au nord, c'est peut être le vent qui nous ramène tout ce nuage de pollution. Dans cette brume à l'odeur de plastique brulé, la campagne est bien moins accueillante. Les gens ont pour beaucoup perdu le sourire. Au bord de la route et dans les marécages, pourrissent des carcasses de bovins qui se font dévorer par les chiens et les corbeaux. Nous pédalons depuis un bout de temps dans cet univers et la nuit fini par arriver sans que nous ayons trouvé où dormir. Soudain une station service avec un jardin potager. Un carré d'herbe bien plat pour nous accueillir et de grandes fleurs pour nous cacher de la route. Le jeune patron de la station nous autorise à dormir ici, nous sommes sauvés.

    Cédric : ''Depuis notre semaine avec les copains à Rishikesh, je sens que mes cervicales ne sont plus très bien en place, à cause probablement du lit et du gros oreiller. Une douleur dans la nuque finit généralement par me provoquer une migraine. Après trois jours d'un mal qui couve, il explose à 17h30 alors que nous commençons à diner derrière la station. Je tente d'aller me reposer tout de suite sans prendre de cachets mais à 19h30, le mal s'aggrave et je ne suis vraiment pas bien. J'ai beau m'enfiler deux cachetons derrière la cravate, ça ne passe pas. C'est un vrai moment en enfer, il n'y a pas d'autre mot. Toutefois, dans cet univers fait de souffrance, il y a Alice qui veille sur moi. Elle me donne des boules quiès pour lutter contre le bruit du vieux groupe électrogène qui pue à 10 mètres et qui tente de pallier aux coupures d'électricité. Elle me met de l'huile essentielle de menthe sur les tempes et de l'enfer où je suis plongé, j'arrive quand même à percevoir ses massages sur mes mains. J'essaye de m'accrocher à ce petit bonheur jusqu'a ce que je m'endorme. 23h30, je me réveille complètement trempé. J'ai beaucoup moins mal à la tête, l'orage est passé mais j'ai sué à grosses gouttes. Tout est trempé, l'oreiller, le drap, le duvet... Je pars en expédition prendre une douche glaciale aux toilettes avant de finir la nuit paisiblement''.

     

    17 décembre 2008 (65 km) Une journée pour rien

    Nous discutons un bon moment avec le patron de la station. C'est quelqu'un de très gentil, respectueux et honnête. Il nous offre un thé, nous le remercions et nous redécollons direction Najibabad. 10km plus loin, c'est la ville. Tout de suite nous la sentons très hostile et nous essayons de la quitter le plus vite possible. C'est très très sale, très, très pollué, plein de monde, surtout des hommes et pas les plus respectueux. Lorsque l'on s'arrête 5 minutes dans la ville, acheter quelques bananes, c'est tout de suite 200 hommes qui nous encerclent et nous fixent comme des bêtes. Ils se rapprochent au point que nous ne puissions même plus bouger. Dans ces cas là, il faut s'imposer et ne plus avoir peur du contact. Nous donnons des coups de derrières, faisons de grands gestes, remontons sur nos vélos et sans attendre que la foule se disperse il faut commencer à pédaler au risque d'en bousculer quelques uns. Sur la route pour Kotwara, nous traversons une belle forêt où le WWF a posé son empreinte sur tous les panneaux. Nous espérons que tous ces messages écrits en hindi et parfois traduits en anglais, font leur bout de chemin dans la tête des passants. Par exemple : ''La terre est notre unique planète, respectons la comme notre mère''.

    A Kotwara, nous ne trouvons pas la route qui mène à travers la jungle. Nous demandons à plusieurs personnes et toutes nous répondent la même chose : ''Il n'y a pas de route, seulement une piste et les vélos et piétons y sont interdits, à cause de la présence massive d'éléphants et d'animaux sauvages". Résignés, nous faisons demi-tour, même si nous nous sentons souvent plus en sécurité au milieu de ces animaux dits sauvages qu'au milieu de certains hommes. Dans la forêt où nous étions passés le matin, des policiers nous arrêtent. Ils nous offrent un thé et nous prennent tous en photo avec leurs portables.

    Cédric : ''En fait, ils sont tous un peu obsédés par Alice et la photographie sans cesse. L'un d'eux, véritable malade sexuel, nous montre des images de pin-up sur son portable et nous les présente comme membres de sa famille, soeur, belle soeur, ou femme numéro 1, 2, 3 ... 7 ou encore maîtresse numéro 1, 2, 3, 4, .... 11. Il nous propose ensuite de passer la nuit dans sa petite chambre de fonction en nous promettant qu'il n'y aurait pas d'attouchement (promesse qu'il ferait mieux d'éviter). Pas convaincus du tout par cette option, nous demandons s'il est possible d'aller plus loin pour camper. Ils sont d'accord et nous allons près des pépinières, à coté de la maison des gardes forestiers, beaucoup moins excités et plus respectueux que ces obsédés de policiers. Nous sommes prêts à poser les sacoches quand ces derniers reviennent à la charge mais nous demandent cette fois-ci de bien vouloir partir sur le champ. Devant ce changement radical de ton, nous préférons partir sans poser de questions. C'est presque certain, ils auraient préféré que nous dormions dans leur chambre''.
    De nouveau sur les vélos, nous les remercions pour leur hospitalité et nous reprenons notre route. Quelques kilomètres plus loin, le soleil orange a déjà disparu et nous ne pouvons pas prendre le risque de retourner de nuit dans cette horrible ville qu'est Najibabad. Nous stoppons dans un champ de canne à sucre. Un petit carré tout juste assez grand pour installer la tente, nous posons les vélos, mais... deux motards nous ont repérés et se sont arrêtés discuter avec des femmes un peu plus loin. 5 minutes plus tard, assis derrière un motard, fusil de chasse canons 12mm juxtaposés à la main, un policier puant l'alcool vient nous faire gentiment déguerpir du champ sous les yeux à moitié désolés des paysannes qui commençaient à comprendre que nous ne voulions rien faire de mal, à par dormir. On reprend les vélos et nous nous arrêtons plus loin dans un genre d'ashram. Nous demandons si nous pouvons poser la tente dans le jardin. Ils nous répondent que non, par contre ils peuvent nous proposer une chambre vétuste pour 200 roupies. Il y a pourtant de la place dehors, nous insistons, ils refusent. Nous remontons sur les vélos, il fait nuit. Soudain, une école. Nous demandons à un instituteur qui était encore là : nouveau refus en raison de la présence d'animaux sauvages la nuit dans l'école (mais bien sûr monsieur le professeur, il nous prend encore pour des touristes celui-là). A nouveau sur les vélos jusqu'au prochain refus, nous voici en plein coeur de la ville. Nous demandons à une station service : NON !!! Mais cette fois-ci, on nous invoque une raison plus plausible, cette ville a très mauvaise réputation et il ne fait pas bon dormir dehors. On nous oriente vers un hôtel de luxe. Le prix de la chambre est exorbitant. Nous demandons à dormir dans le jardin, évidemment, c'est non. Nous ne sommes pas vraiment sans abris puisque nous avons une tente, mais sans place pour nous installer, l'inquiétude grandit et nous sommes tous les deux près de craquer ! Une dernière info nous conduit dans un hôtel*** sponsorisé par Coca-Cola. Une cour intérieure avec une belle pelouse serait parfaite pour nous mais on nous impose la chambre à 350 roupies entre la voie de chemin de fer et le gros groupe électrogène. Complètement extenués au bord des larmes, nous acceptons. Tout de suite le ton est donné, on nous demande de rentrer les vélos dans la chambre car même dans le hall de l'hôtel, on ne nous garantit pas la sécurité. Pendant la soirée alors que nous étions déjà au lit, quelqu'un frappe à la porte, nous demandons qui est-ce ? Pas de réponse. Ca sonne, resonne, frappe à la porte, essaye d'ouvrir la porte, mais ça ne dit jamais son nom. Au bout de 20 minutes de ce petit jeu débile, nous essayons de voir par la serrure qui cela peut-il bien être ? Manque de pot, le gars se cache derrière la porte. Compte tenu de la réputation de cette ville, nous hésitons à ouvrir. C'est étrange, quand nous demandons qui est-ce, jamais de réponse. Enfin décidés à ouvrir la porte, le solide bâton qui sert de béquille de vélo à la main, prêts à en donner un grand coup sur ce personnage dont on ne sait pas s'il nous veut du bien. 1, 2, 3 on ouvre la porte ! Plus personne. Nous nous recouchons et ne dormons que d'un oeil.

     

    18 décembre (65 km)

    Ce matin très tôt, nous sommes toujours au lit, ça recommence à frapper et à sonner à la porte. Fou de colère, nous nous habillons, le bâton en l'air, nous ouvrons et qui voit-on ? Le garçon de chambre tranquillement installé à la porte en train de lire le journal qu'il nous apportait.  Nous lui faisons comprendre que nous aurions préféré dormir encore un peu, plutôt que de regarder les images d'un journal écrit en Hindi. Quelques minutes plus tard, le gars revient nous demander si nous voulons prendre un petit déjeuner. NOOONN !!!!!

    Décidés à fuir ce lieu au plus vite, nous faisons rapidement le paquetage et nous partons.... pas sur la bonne route. Ce n'est pas très grave car c'est une route plus tranquille. En Inde, nous voyons toujours des choses incroyables, comme ce barbier installé en pleine campagne, au bord de la route. Une petite glace et une tablette accrochées sur le tronc d'un arbre, quelques ciseaux, savons, après-rasage, et un bonhomme qui se fait couper les cheveux sous le regard bovin des buffles qui tractent des remorques de canne à sucre. En passant dans les villages et petites villes, nous sommes effarés par la crasse qui règne partout. L'Inde serait tellement plus belle sans tous ces plastiques qui brulent sur le bord des routes, sans l'huile de vidange qui noircit un peu plus l'eau croupie des plans d'eau, sans tous ces chiens galeux, porcs, vaches et enfants qui cherchent subsistances dans les gros tas de déchets ici et là. En milieu d'après-midi, une moto, des journalistes nous arrêtent. Ils prennent des photos et nous posent seulement 3 questions. D'ou venez-vous ? Comment vous appelez-vous ? Où allez-vous ? Avec ça nous verrons demain qu'ils ont réussi à faire un gros article sur nous. Qu'est ce qu'ils ont bien pu raconter ?

    A la tombée de la nuit, nous demandons hospitalité dans une ferme. Le propriétaire est un Sikh très gentil qui possède aussi un palace, autrement dit, une grande salle de fête louée pour les mariages. Il nous propose de passer la nuit dans le Palace. Sur le chemin de la ferme, nous découvrons une quantité incroyable de bidons de produits phytosanitaires disséminés autour de la pompe à eau. Il est gentil mais comme la plupart des paysans de la caste des Sikh ce n'est pas un Bio. Nous essayons de parler de la ferme de Navdanya qui fonctionne très bien et obtient de très bons rendements sans aucun produit chimique et en utilisant des semences traditionnelles, mais apparemment ses amis que nous rencontrons le soir sont le commerçant de pesticides et le banquier.

     

    19 décembre (68 km)

    8h00, nous sommes attendus pour le petit déjeuner. Un marchand de miel passe dans la ferme, il nous offre une bouteille de miel de jungle, d'un goût assez léger, on dirait presque du sirop de canne. Ce matin, il y a un brouillard bien épais qui rafraîchit l'air. Vers midi le soleil a fini par prendre le dessus sur la brume. Les abords de la grande route ne sont guère accueillants. Tout est très sale et excessivement pollué par les plastiques brulés. Le trafic routier est incessant et nous ne sommes jamais tranquilles. Le midi, pour manger, nous bifurquons sur une petite route qui se transforme rapidement en chemin. Même ici il y a tout le temps du monde. Alors évidemment, au détour d'un virage, lorsque nous voyons ces arbres aux branches basses et personne devant nous, sans hésiter un seul instant, nous fonçons nous cacher. Enfin tranquilles, nous pouvons manger. Sauf que même ici, nous ne sommes pas seuls. Un couple de paysans vient à notre rencontre. Ce sont les propriétaires. Nous leur expliquons que nous mangeons et que nous reprenons la route juste après. Ils sont très gentils et nous invitent chez eux. Nous pouvons y manger, dormir et repartir demain. Un peu désolés de refuser leur invitation, nous acceptons juste le thé et quelques biscuits. Avant de repartir ils nous font visiter leur maison et nous offrent un moli (genre de gros radis) qu'ils arrachent de leur champ. De nouveau nous mettons le cap plein Est, direction le Népal. Nous sommes maintenant à 150 km de la frontière. C'est sûr (pensons nous), nous serons au Népal pour Noël. En fin de journée, nous bifurquons à nouveau de la route principale en espérant trouver un endroit tranquille pour passer la nuit. Une belle maison avec une pelouse bien plate serait parfaite. Nous commençons à entrer dans le jardin quand un Sikh sur un tracteur nous demande ce que nous voulons. Sans autre explication, il refuse que nous allions demander dans cette maison qui n'est pourtant pas la sienne. Soudain un autre sikh arrive en moto. Les deux hommes discutent et le motard nous invite chez lui. Mieux que la tente, selon lui, nous sommes ses invités et nous auront droit à un vrai lit. Pour plus de sureté il fait entrer les vélos et tous nos bagages dans sa nouvelle maison en béton. Il n'y a aucune finition ni dehors ni dedans et visiblement il n'y en aura jamais. Ce sera du béton gris pour la vie. Notre langage est limité néanmoins nous arrivons à nous faire comprendre. Très fier de son exploitation, il nous fait visiter sa ferme. Dans la cour, la remorque pleine de cannes à sucre est attelée au tracteur, prête à être conduite à l'usine de raffinement. Au passage il prend une canne qu'il nous offre comme une friandise. A son grand étonnement, nous savons comment manger de la canne à sucre brute. Sur la route, nous avons regardé les enfants prendre la canne à un bout, l'éplucher avec les dents en arrachant l'écorce puis en croquant à pleine dents dans la pulpe sucrée. Toutefois nous ne sommes pas si enjoués de manger de cet hybride PE105 ou quelque chose comme ça, issu des labos de l'agro-business et ayant poussé dans des sols riches en pesticides et engrais chimiques divers. Les Sikhs, bien que très gentils, serviables et hospitaliers sont aussi les plus gros agriculteurs pollueurs de l'Inde. Notre hôte nous fait visiter le hameau habité pour la plupart par la famille. Une de ses nièces parle très bien anglais et nous restons un moment dans sa maison. Deux heures plus tard en allant préparer notre lit pour la soirée nous découvrons que toutes nos sacoches ont été maladroitement fouillées. Très facile à vérifier car tout est organisé et rangé de telle manière que si l'on ne connait pas la combine, il est impossible de refermer les sacoches. Notre Sikh ne comprend pas ce qui ce passe, il était avec nous tout le temps. Mais un regard sur sa fille, sa femme et l'un de ses petits fils suffit à cerner les coupables. Depuis la cuisine, visiblement très mal à l'aise, ils nous observent vérifier tout le contenu de nos sacoches. Nous leur faisons comprendre que nous ne sommes vraiment pas contents et que s'ils avaient souhaité savoir ce que nous transportions, ils n'avaient qu'à le demander. La confiance que nous avions envers eux est tombée et l'ambiance à été beaucoup moins chaleureuse jusqu'à notre départ.

    La nuit est très courte. Ils se couchent très tard. La moustiquaire qu'ils ont mise à notre disposition n'empêche pas quelques moustiques parmi les centaines qui tournent autour de nous de venir nous piquer. En plus pendant la nuit, ils dorment la lumière allumée, un couple fait l'amour, le bébé pleure, un frère débarque au milieu de la nuit avec sa moto et entre dans la maison. A 4h du matin, tout le monde se lève. Le père fait sa prière, le marchand de lait vient collecter le lait de la ferme. Les femmes font leur toilette et préparent à manger. Enfin, le soleil pointe son nez, la lumière est enfin éteinte.

     

    20 décembre (91 km)

    Avant de partir, notre hôte nous indique un endroit ou nous pourrons passer la nuit prochaine. Il s'agit du temple Sikh de Nanak Mata à environ 90 km. Nous le remercions et nous partons avec des poches de fatigue sous les yeux. Comment font-ils pour dormir si peu ? Sur la route, c'est toujours le même trafic et les mêmes gars en moto ou en voiture qui nous doublent et s'arrêtent juste devant pour nous voir passer et recommencent leur cinéma 3 ou 4 fois. Dans la ville désorganisée de Kicha, nous cherchons notre route quand un homme crade postillonnant son tabac à chiquer sur nous quand il parle, nous demande de suivre sa jeep. Il veut juste nous mettre sur la bonne route. C'est très gentil à lui et nous acceptons. Toutefois, nous croisons des doigts pour qu'il ne nous parle plus. Soudain, il s'arrête devant un poste de police, sort de son véhicule et va tout de suite serrer la main des policiers. Il pose sa vieille veste bleue déchirée et sort de sa poche son béret et son sifflet. Il apparait alors comme le chef de la police. Il donne ses ordres, remonte dans sa voiture et nous postillonne qu'il va nous escorter jusqu'au Népal ! Nous essayons de lui expliquer que ça va aller, que l'on va se débrouiller, rien à faire, il prend cette mission au sérieux. Nous le suivons donc sur cette route, ou plutôt cette piste crade et poussiéreuse. Plusieurs fois il s'arrête pour nous parler, cracher sa chique et baver sur son uniforme. A quelques kilomètres de la ville, il s'arrête enfin et nous souhaite bon voyage. Nous le remercions de nous avoir crachés dessus si bien et il nous répond qu'il n'a fait que son devoir. Le midi, nous nous arrêtons manger à l'écart de la route, dans une bananeraie. Les pauvres gens qui travaillent là (principalement des femmes) ne comprennent pas ce que nous faisons. Quand le chef arrive, nous nous faisons gentiment virer de la propriété. Nous nous installons donc au bord de la route devant la grille et nous mangeons sous leurs yeux désolés.

    Alice : ''En reprenant la route, Cédric a comme une douleur dans les côtes, comme un point de coté qui l'empêche de respirer correctement. En plus chaque trou sur la route le fait grimacer de douleur. Il sent qu'il a de la fièvre. Que faire ?  Nous sommes au milieu des champs et il reste 30 km pour arriver au temple.''

    Cédric : ''Non sans mal, nous arrivons à Nanakmata. On s'arrête dans le premier temple Sikh que l'on voit. En plus de la douleur dans les côtes et de la fièvre qui est de plus en plus forte, j'ai une énorme envie de pisser. Dans le temple, il n'y a que des vieux qui ne comprennent rien. Nous essayons de leur expliquer qu'on veut aller aux toilettes, rien à faire. Un vieux me demande de me déchausser et de me couvrir la tête. Malade ou pas, je suis dans un temple Sikh, il faut respecter la religion. Il me demande de me laver les mains. Manque de bol, pas d'eau au robinet. Un autre vieux revient quelques minutes plus tard avec un pichet d'eau. Je me lave enfin les mains et demande toujours à aller pisser. Le vieux barbu me fait monter les escaliers et ouvre la porte du temple. Il n'y a que le livre sacré, des instruments de musique et des décorations religieuses. Je me retourne et me demande s'il n'est pas en train de se foutre de ma gueule et il me fait signe de faire le tour de la pièce ce que j'exécute sans perdre de temps. En ressortant il me montre une boite à dons. J'ouvre mon porte monnaie qui par malchance est vide de chez vide. Le vieux me sourit, me tape sur l'épaule, l'air de dire “ce n'est pas grave mon p'tit, allez, viens, on redescend”. En bas je retrouve Alice à qui j'explique que je n'ai toujours pas pu pisser, c'était juste le protocole d'entrée dans le temple. Un jeune sikh arrive et parle deux mots d'anglais. Je lui demande TOILETTE et il me montre un bâtiment de l'autre coté de la cour. Sans prendre le temps de remettre mes chaussures, j'y courre et me soulage. Enfin !!!

    Ensuite, la nuit arrivant, et mon état physique au plus bas, nous demandons s'il est possible de monter la tente sur l'herbe à coté d'un tas de bois. Les vieux qui sont là, semblent ne pas comprendre mais sont d'accords, jusqu'à ce que l'un d'eux arrive à nous expliquer que nous pouvons dormir dans une chambre.

    Ils nous guident dans une pièce équipée d'un grand lit et de toilettes. J'avale deux cachés contre la fièvre et me couche sans manger.''

     

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