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Inde Episode 7 : La pneumonie et les amis
21 au 23 décembre Cédric malade. Le voyage s'arrête à 40 km de la frontière népalaise.
Alice : ''Pendant la nuit Cédric a eu de nouveau de la grosse fièvre et il a beaucoup transpiré. On soupçonne le paludisme. Avec un jeune sikh, nous appelons un médecin. Celui-ci vient vite sans prendre le temps de mettre son turban. Il propose un examen plus approfondi et envoi un infirmier pour une prise de sang. Le matériel est neuf et bien emballé ce qui nous rassure. En fin d'après midi, nous avons les résultats et c'est un nouveau médecin avec des grains de riz collés au front qui vient nous voir. Ouf ! Ce n'est pas le paludisme. Peut-être une infection alimentaire ou une petite hépatite. Un simple traitement de 3 jours d'antibiotique et d'anti-fièvre devrait suffir. Cédric va un peu mieux, mais il a toujours mal aux côtes. Je pars dans le village où il y a une connexion internet. J'envoie des messages pour prévenir la famille et Claude Landos, le médecin de Cédric. Dans le temple, nous sommes comme des rois. Tous les matins et même plusieurs fois par jour, un monsieur nous apporte du thé et à manger pour Cédric. Moi je vais prendre les repas dans la cantine du temple.
Le dernier jour du traitement, le 23 décembre, Cédric a de plus en plus mal aux côtes. La douleur l'empêche de respirer et heure après heure, son état devient de plus en plus critique. J'essaye de faire venir un médecin mais aucun n'est disponible maintenant, on me dit qu'il passera demain matin de bonne heure. Mais demain matin, il sera trop tard !!!! Je téléphone à l'assurance qui me répond que pour un rapatriement en urgence il faudrait d'abord qu'il y ait un diagnostique médical. Merci l'assurance la prochaine fois on se passera de votre aide inutile, car dans ce village loin de tout et sans médecin qu'est ce qu'on peut faire ? De son coté Cédric fait tout pour éviter de bouger. La douleur le torture et le moindre effort l'essouffle. Il est presque persuadé, au vu de ses symptômes que c'est une pneumonie. Je décide d'appeler une ambulance et de ranger toutes les sacoches. Nous devons partir pour l'hôpital le plus proche sans attendre".
Cédric : ''Ca c'est sûr, j'ai rarement été aussi mal. A moitié allongé sur le lit sans bouger, essayant de ne pas paniquer moi même et de rassurer Alice. Je n'arrête pas de me dire que ce serait trop con d'être enterré à Nanakmata, à 40 km du Népal.
Quand toutes les sacoches ont fini d'être rangées, Soni Baba, le chef du temple arrive avec le médecin sikh. Ce dernier se rend vite compte de la situation et démarre la vieille jeep du temple ! Pas question d'attendre une ambulance, on part tout de suite pour l'hôpital de Katima !!! Sur la route défoncée chaque trou est comme une lance qui me transperce le corps. Les gaz d'échappement qui refoulent dans la jeep me font encore plus ressentir le manque d'oxygène. Je regarde par la fenêtre ouverte, des gens dehors qui se réchauffent autour d'un feu de plastique et je me dis qu'ils sont tous en train de respirer sans s'en rendre compte. C'est tellement important de respirer ! Quand on arrête, on meurt ! Avec mon souffle si court je prends conscience que la qualité de l'air est d'une importance majeur. Ne pouvant inspirer qu'un tout petit peu à la fois, la moindre pollution de l'air réduit encore plus l'oxygénation de mon corps. De temps en temps, le docteur inquiet conduisant la jeep se retourne pour voir si je vis encore. Alice me tient fort la main. Arrivé à l'hôpital, la prise en charge est directe. Un médecin me demande de m'allonger, mais je suis recroquevillé et j'ai toutes les peines du monde à déplier mon corps. Pour l'électrocardiogramme, une jeune infirmière essaye en vain de me poser des ventouses sur le torse. Je lui dis que si elle veut elle peut me raser, mais elle s'obstine et devient rouge comme une tomate. Juste après, une radio des poumons confirmera mon diagnostique. C'est une pneumonie. Le médecin de l'hôpital me donne un traitement antibiotique lourd et des anti-inflammatoires. Je prends une première rafale de cachets et dans le bureau du médecin, nous attendons une heure que les médicaments commencent à faire leur effet. Je reprends un peu de souffle et accepte le thé qu'il nous offre. Il n'est pas question de rester trop longtemps dans cet hôpital sale, où l'intimité n'existe pas et les consultations ainsi que les urgences s'effectuent sous le regard des curieux. Une grande pièce accueille tous les lits et les malades qui auraient besoins de repos doivent supporter le bruit ambiant, le mouvement incessant, les visites des familles, la fumée et la poussière qui vient de dehors et la lumière des néons 24h sur 24. Quand je suis un peu mieux, mon médecin sikh nous ramène au Gourdouara (le temple Sikh). Sur la route, un brouillard épais comme on n'a jamais vu nous oblige à rouler au pas en nous guidant le long du fossé. Heureusement qu'il n'y avait pas encore cette purée de pois il y a 3 heures de cela.
Le lendemain matin, le docteur Rajkumar vient me voir avec son riz sur le front. Il s'inquiète de ma santé et viendra me voir presque tous les jours. Il me force à sortir de la chambre et demande à ce que l'on m'installe sur le toit du Gourgouara pendant la journée lorsqu'il y a du soleil. Il prend le temps de boire un thé avec nous et nous discutons du voyage. Il me demande d'être patient car même après le traitement je vais rester fragile et je ne pourrais pas pédaler tout de suite. Le traitement est validé par Claude Landos mon médecin français qui avait diagnostiqué la pneumonie dès les premiers symptômes qu'Alice lui avait décrit dans le message Internet.
Nous commençons à reprendre espoir, nous qui étions prêts à nous faire rapatrier la veille. On se dit que l'on va tenter de se débarrasser de la pneumonie ici, à Nanakmata et que le voyage pourra reprendre doucement après.
Pendant que je me repose, physiquement je suis très très fatigué par la maladie et aussi par le traitement plus le fait de s'arrêter de bouger tous les jours, Alice participe à la vie du Gourdouara.''
Alice : ''Le matin, quand Cédric est dehors au soleil, je balaye la chambre, puis je vais aider les femmes du temple qui travaillent aux cuisines. Cuire les chapatis, nettoyer la vaisselle inox avec la cendre qui est le lave vaisselle probablement le plus efficace, le moins cher et le plus utilisé au monde. Pour le réveillon de noël, nous dinons à la bougie dans notre petite chambre du temple. Nous essayons de manger quelque chose qui sort de l'ordinaire. En apéritif, Cédric avale ses médicaments et en dessert je fais un crumble aux pommes avec des biscuits. Ce n'est pas mauvais mais on rêve d'un bon fromage bio de chez nous ! Autour de notre repas sans viande (puisque ce voyage a fini par nous rendre complètement végétarien), nous discutons tous les deux de tout puis de rien, nos rêves, nos expériences, notre voyage. Nous repensons à toutes ces situations drôles ou dramatiques que nous vivons et auxquelles nous devons toujours faire face ensemble. Une fois couchés, sous la tente que nous avons installée sur le lit pour nous protéger des moustiques, il nous semble entendre un bébé pleurer sur la route. C'est la nuit de Noël ! Et si c'était le petit Jésus ? Nous enfilons rapidement nos habits et nous allons voir. Nous ne trouvons pas de bébé, par contre, en retournant au temple nous trouvons la grille fermée. Nous avons beau appelé, personne ne vient nous ouvrir. Il nous faut escalader la grille.
Pour ce noël, pas de cadeaux. Il n'y a que Raju, un jeune indien très attiré par Cédric qui vient nous apporter une carte de Noël avec un petit bouquet de roses.''
Le Docteur Rajkumar nous balade un peu dans sa voiture. Il nous montre le barrage qui a cédé lors de la dernière mousson; il nous fait visiter son hôpital et son logement de fonction où il reçoit les nombreux VRP qui viennent toujours avec un petit cadeau pour tenter d'acheter le médecin. Rajkumar apprécie les petits cadeaux ce qui ne veut pas dire qu'il va acheter les produits du labo.
Il nous montre ses encyclopédies médicales et nous explique comment il travaille.
Dans le Gourdouara, nous rencontrons Navdeep et Navneet, deux soeurs qui viennent spécialement pour nous voir. C'est leur grand oncle Bapou, le vieux sikh adorable du temple qui les avait informées de notre présence. Comme entre Bapou et nous la communication est difficile, il leur a demandé de venir traduire. Elles parlent très bien anglais et Navneet, l'ainée est dans une école catholique où le rythme est complètement fou. Elle ne peut dormir que 2 heures par nuit. De plus le régime alimentaire est très strict et les filles ne peuvent pas toujours manger à leur faim. Alors essayant de tromper la surveillance des ''soeurs'', elles se débrouillent pour faire entrer frauduleusement de la nourriture dans l'école. Elles nous invitent chez elles et nous nous lions vraiment d'amitié avec toute la famille.
Cédric : ''Toujours sous antibiotiques, les journées passent tout doucement. Baba Soni, le ''chef'' de la ferme du temple vient souvent nous rendre visite. Parfois nous allons faire un tour dans le seul cybercafé du village, mais il est complètement impossible de travailler sur le blog ou le site internet. L'ordinateur est bourré de virus qui font que la connexion s'arrête toutes les 2 minutes, l'ordinateur redémarre toutes les 15 minutes et il y a une coupure générale d'électricité de 20 minutes toutes les heures. Nous ne payons qu'une fois sur deux et avec de la chance il nous arrive parfois de lire quelques mails et avec beaucoup de chance nous pouvons y répondre.
3 jours avant la fin du traitement antibiotique, je ressens des effets secondaires de plus en plus désagréables. Fatigue extrême qui fait que je suis capable de dormir toute la journée, mais le pire, c'est le goût et l'odorat qui deviennent hyper sensibles. Je perds complètement l'appétit et rien que le fait de penser à de la nourriture ou de sentir quelque chose, me donne envie de vomir. Mon plat quotidien se résume à quelques biscuits le matin, puis une carotte arrosée de jus de citron le soir. Les médicaments sont terminés le 31 décembre. Je n'ai pas de temps pour m'en remettre car c'est le réveillon du nouvel an et le docteur Rajkumar souhaite que nous le passions ensembles chez lui à Katima, la ville voisine.''
Le nouvel an 2009
Ce soir 31 décembre, Rajkumar vient nous chercher avec sa petite voiture de médecin. Il nous fait énormément rire avec sa manie de faire le plein plusieurs fois par jour. Il met deux litres d'essence et son challenge est d'aller le plus loin possible avec ça. Il roule donc presque toujours sur la réserve. A Katima, nous rencontrons sa femme et sa fille de quelques mois, toutes les deux adorables. L'histoire de leur mariage est assez marrante, car comme la quasi-totalité des mariages indiens, le choix est imposé par les parents. Les sentiments d'amour ne rentrent donc pas en ligne de compte et les époux ressemblent plus souvent à des partenaires qui ont la charge de gérer et construire un foyer qu'à des amoureux. Pour Rajkumar et sa femme, ils ont été mis en relation par leur parents respectifs, mais tous deux s'étaient mis d'accord sur le fait qu'ils ne voulaient pas se marier. Rajkumar entre autre souhaitait voir du pays, travailler la médecine un peu partout et ne pensait pas du tout à fonder une famille. Ce point commun les a peu à peu rapprochés et finalement ils se sont mariés. Non seulement pour la satisfaction de leurs parents mais en plus par amour réciproque.
Vers 20h, Rajkumar nous emmène dans une salle des fêtes qui ressemble plus à une usine désaffectée. Un parquet de danse lumineux du genre ''année disco'' a été monté et la musique est diffusée par un ordinateur commandé par 3 adolescents. A l'intérieur du bâtiment, un feu de camp allumé à même le sol, réchauffe un groupe de femme. A l'extérieur, un autre feu de camp réchauffe un groupe d'hommes.
Cédric : ''C'est en fait un réveillon entre médecins et si les hommes sont à l'extérieur c'est parce que ce soir c'est la fête et qu'ils ont décidé de boire de l'alcool. Et comme me l'explique Rajkumar :En public les mâles ne peuvent pas boire de l'alcool devant les femelles''. Quand je les vois tous se servir du whisky avec de l'eau et qu'ils m'en proposent, je demande d'abord avis à mon médecin, car je suis encore très fragile et fatigué par la pneumonie. Celui ci me répond qu'un verre ne me fera pas de mal. Il a sans doute raison mais à leur grand étonnement, je refuse de boire un whisky avec de l'eau préférant le prendre sec.''
En fin de soirée, tout le monde est convié à danser. Toutefois femmes et hommes piétinent la piste à tour de rôle. Nous essayons d'adopter le rythme des danses indiennes.
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