• Japon Episode 3 : Du lac Biwako aux crabes par milliers

    Du 20 au 24 septembre (191 km)

    Malgré la grosse fatigue qui succède à cette nuit blanche sous la tempête, nous décidons de continuer à pédaler vers le Nord. Au cours de l'après midi, nous nous arrêtons dans un grand magasin, faire le plein de nourriture et de batteries pour nos lampes frontales et notre petit ordinateur. Alors que nous sommes assis dans l'espace détente du magasin et que nous regardons notre carte pour préparer notre itinéraire, un allemand vêtu d'un cuissard et tee-shirt de cycliste vient à notre rencontre. Il se nomme Swen et adore le Japon. Il nous conseille sur la route et les beaux endroits à ne pas louper. La nuit dernière, il a aussi entendu le vent souffler, mais ce chanceux avait trouvé un toit. Pour la nuit, il nous oriente vers une plage à quelques kilomètres de la, où le camping est libre. Le vent à cessé et le ciel est clair, nous décidons de pédaler vers le camping gratuit, de toute façon l'hôtel est hors de prix et le camping sauvage tellement agréable (quand il n'y a pas de tempête). Sur la plage indiquée, nous retrouvons une foule de vacanciers japonais venus profiter des couleurs du début d'automne. Il faut dire qu'à ce moment précis de la journée, lorsque le soleil pointe son nez au dessus des montagnes à l'Ouest et qu'il éclaire de sa lumière orangée, le lac, les fleurs, les sous-bois et les montagnes émergeant dans la brume à l'Est du lac, c'est tout simplement extraordinaire. Ca nous fout des frissons partout et on a les poils qui se dressent sur les bras et la tête. C'est ça l'effet Japon, quand on est au bon endroit au bon moment et qu'on a conscience de sa chance.

    Pour en revenir au camping gratuit, si le paysage est à couper le souffle, les WC le sont aussi. Sales comme nous n'en avons encore jamais vu dans ce pays ! Après avoir fait quelques réserves d'eau potable, nous décidons de tenter notre chance plus loin. Il ne nous faut pas longtemps pour trouver LA plage de rêve avec vue imprenable, tables, bancs, abris sous les arbres et toilettes de luxes très propres et même équipées d'un système de douche pour les handicapés. Il ne manque que l'eau chaude ! Avant de monter la tente, nous demandons la permission à deux pêcheurs. La réponse n'est pas ce que nous espérions. ''Tento damé'', nous disent-ils en pointant du doigt un panneaux d'information sur lequel il est écrit que presque tout est interdit sur cette plage. Nous sommes fatigués et nous nous sommes déjà fait virer hier alors, nous rappelant soudain que lorsqu'il nous manque le droit, nous avons toujours le gauche, nous décidons d'attendre la nuit et de nous installer discrètement, cachés sous les branches basses d'un vieux pin. Nous passons une nuit des plus agréables, bercés par le chant des grenouilles, chouettes et autres insectes, le tout sur fond de clapotis des vaguelettes de l'eau du lac. Une ambiance sonore et une tranquillité tellement agréable que malgré la fatigue nous cherchons à profiter le plus longtemps possible de cette paix et personne ne viendra troubler notre repos.

    Au petit matin, le soleil nous sort du lit peu de temps avant la sonnerie du réveil. Bien vite, nous plions la tente et nous nous installons pour un bon petit déjeuner.

    En jetant un dernier coup d'oeil sur la carte, à la recherche de la route secondaire vers le Japon sauvage des Tanoukis, ours noirs et autres bestioles, un cycliste japonais nous croise et s'arrête quelques dizaines de mètres plus loin (car il roule très vite). Il fait demi-tour et vient à notre rencontre. C'est un sacré sportif ce gars là. Il revient de l'île Hokkaïdo à vélo et s'est arrêté de temps en temps pour escalader les plus hauts sommets de l'archipel. Il est en grande forme physique et rentre aujourd'hui chez lui à Osaka en une seule étape de plus de 200 km. Bravo ! De notre coté, comme tous les jours, c'est plutôt la ballade du dimanche. Nous prenons le temps de voir le paysage, discuter ou au moins essayer de communiquer avec les gens que l'on croise. Nous nous arrêtons regarder les arbres, les maisons, les gens qui ramassent les châtaignes, les ruisseaux de montagnes, les fleurs, les oiseaux... Arrivés avec un tel plaisir au sommet de la montagne qu'on en oublie complètement la difficulté, nous nous laissons griser par la longue et interminable descente qui doit nous déposer à l'entrée de la ville de Tsuruga. Manque de chance, nous nous sommes laissé distraire par la beauté du paysage et au lieu de redescendre la montagne par une petite route au Nord, nous avons pris un autre chemin qui nous à conduit à l'Est. Qu'à cela ne tienne, nous rejoignons une route plus importante et nous escaladons à nouveau la montagne jusqu'aux stations de ski avant de redescendre à 70 km/h vers Tsuruga. En d'autres circonstances, une erreur de navigation comme celle-ci aurait pu entamer sérieusement notre enthousiasme, mais dans le cas présent nous sommes presque contents de nous être trompé, prolongeant ainsi le plaisir du déplacement à vélo.

    Dans la soirée, nous sommes enfin à Tsuruga. Nous cherchons un endroit idyllique pour camper. Voyons voir, qu'est ce qui nous ferait plaisir ? un endroit avec vue sur la mer ? Abrité du vent, tranquille, proche de la nature et proche de toilettes propres et équipées d'une douche dans les WC pour  handicapés ? Et bien cet endroit, nous le trouvons entre la mer et le parc des pins sylvestres de la ville.

    Nous passons de nouveau une nuit douce et paisible au rythme des vagues. Au petit matin, le ciel s'est couvert et ça sent la pluie. Nous longeons la mer sur une route accrochée à la montagne. Ou plus exactement, nous pédalons tantôt sur un pont au dessus des vagues qui se brisent sur les rochers, tantôt nous traversons des tunnels plus ou moins longs et plus ou moins éclairés. Les villages de bord de mer sont étranges. Des dizaines de boutiques sont fermées. Un restaurant sur deux est abandonné et il semble peu probable qu'ils fonctionnent en été à la belle saison touristique. Seul subsistent quelques marchands de poissons et crabes ainsi que quelques clubs de plongée. Il faut dire que l'eau est très poissonneuse et d'une transparence remarquable. Le temps est frais et humide. En conséquence, nous nous arrêtons souvent boire du thé et manger quelques biscuits. Nous avons de l'eau chaude à volonté et gratuite dans toutes les épiceries. En soirée, nous décidons de nous arrêter dans une petite ville. Nous repérons des toilettes, un bel espace vert, des tables abritées et en prime un onsen (bain public) où pour 3 euros par personne, nous allons nous relaxer et nous réchauffer dans l'eau bouillante d'un bassin avec vue sur la mer. Lorsque l'on ressort du bain, nous avons chaud et nous sommes propres comme rarement nous l'avons été. Il fallait bien cela pour nous préparer à affronter une mauvaise nuit sous la pluie avec une tente qui a perdu 100 % de son étanchéité. En catastrophe, nous avons transféré tout le campement sous l'abris des tables de pique-nique. Désormais nous savons qu'un nouveau problème se pose pour camper en cas de mauvais temps. Il nous faudra absolument trouver un toit pour mettre notre tente. Heureusement que nous sommes au Japon. Pendant la nuit la pluie cesse et le vent se lève, séchant le tout pour l'heure du petit déjeuner. Nous consacrons néanmoins notre matinée à la révision des vélos et à la réparation de la bâche qui a été toute déchirée lors de la tempête au bord du lac Biwako. Cette nouvelle journée de pédalage est souvent interrompue par de courtes giboulées que nous transformons en ''tea time''. Le problème, c'est que bien vite les boissons diurétiques font leur effet et la fréquence des pauses pipi augmente à un rythme effrayant. Deux des WC publics que nous avons visité ont retenu notre attention. Le premier parce qu'il y avait à l'intérieur des nids d'hirondelles préservés. En France c'est certain, l'oiseau qui aurait osé squatter des toilettes et salir les murs de ses fientes aurait reçu illico presto un coup de balai. Mais ici au Japon, les salissures provenant du nid du fragile animal sont recueillies dans un carton fixé sur le mur et serviront d'engrais. Les deuxièmes toilettes surprenant sont situés près de la côte. Ce sont des toilettes à économie d'eau. Ils fonctionnent en circuit presque fermé. L'eau est recyclée au maximum et un ruisseau de couleur marron mais sans odeur, coule en permanence au fond de la cuvette. Un peu hésitant à nous laver les mains en sachant le fonctionnement de ces étranges WC, l'agent d'entretien nous rassure tout de suite, l'eau du robinet n'est pas issue du recyclage. Ce système de toilettes à l'avantage de réduire la quantité de déchets puisqu'il évacue en priorité les matières solides. Il ne manque plus qu'une station biogaz pour produire de l'électricité et nous aurions ainsi des WC ultramodernes écologiques et autonomes !

    Fin de journée, le ciel se dégage nous offrant un merveilleux spectacle de soleil couchant sur la mer tranquille s'étalant derrière la célèbre côte de granit de Tonjinbo. C'est un lieu très prisé des japonais qui viennent en masse voir ce qui ressemble à certains coins de la côte bretonne française. Même si ça n'a rien voir avec la côte de granit rose, c'est quand même très beau et le paysage revêt une fois de plus ses couleurs irréelles. Nous installons le campement là où c'est le mieux. Pour cette nuit nous sommes perchés au bord d'une falaise. Les vagues s'écrasent en contrebas, la lune fait son apparition, cette nuit pas de pluie, tout baigne, nous sommes bien. Nous nous disons que nous n'avons toujours pas rencontré d'espérantistes Japonais. Cela ne saurait tarder. Nous sortons de notre sacoche un téléphone portable. OUI ! Pour ceux qui nous connaissent et savent notre dégout pour ce petit objet de consommation qui détruit l'Afrique, le Tibet, l'Inde, la communication entre les hommes, la santé des utilisateurs actifs et passifs et détruit les libertés, oui, nous avons un téléphone portable. Rassurez-vous, ce n'est que temporaire. En effet, Arisa avait peur que nous ne puissions nous en passer pendant notre virée au Japon. Comme le portable a supprimé les cabines téléphoniques ainsi que les capacités d'organisation des hommes et leur ponctualité, nous avons à notre disposition un téléphone portable qui nous permet d'envoyer des messages internet gratuit partout dans le monde et de donner des rendez-vous aux espérantistes sur notre route. Nous pouvons aussi utiliser l'option réveil (encore faut-il réussir à le configurer correctement). Toujours est-il que nous lançons à tout hasard un message à Monsieur Kitagawa de la ville d'Obama, pour savoir si nous pourrions le rencontrer, lui ou d'autres espérantistes du Japon.

    La matinée déjà bien entamée, nous nous installons sur nos fauteuil de plage roulant. Il est difficile d'avoir une vitesse moyenne régulière car nous aimons flâner en chemin. Nous nous arrêtons à plusieurs reprises regarder la mer, les poissons, les rochers, les oiseaux... Sur la petite route qui nous mène à Kanazawa, nous traversons une zone replantée de divers essences d'arbres et arbustes pour stopper l'érosion des sols littoraux et protéger les habitations du vent. En nous éloignant à peine du bord de mer, nous retrouvons un petit chemin longeant un lac. C'est très tranquille et reposant de pédaler juste au bord de l'eau. Une vingtaine de kilomètres après Tonjinbo, nous trouvons une petite bourgade déserte où il y a un vieux temple, un beau parc avec un gazon tondu raz et des toilettes luxueuses autant que spacieuses. Nous nous arrêtons ici pour le déjeuner. La popote et toutes les sacoches à peine rangées, un vieux monsieur nous invite à remanger au resto. Il est très curieux de savoir qui nous sommes et d'où nous venons avec nos étranges montures. Il parle quelques mots d'anglais, presque autant que nous parlons le japonais. Il s'assied avec nous et invite ses trois copains à se joindre à la tablée mais ces derniers refusent de s'assoir avec des étrangers. Notre nouvel ami nous fait découvrir le soba. C'est un plat de nouilles froides préparées à base de farine de sarrasin. Les nouilles sont posées sur un petit caillebotis en bambou. Dans une petite assiette, nous avons du wasabi en purée, des fines herbes et des rondelles fines d'oignon. Nous vidons cette petite assiette dans une tasse moitié remplie de ce qui semble être de la sauce de soja. On touille, on touille, puis on vient tremper quelques nouilles attrapées à la baguette avant de porter à la bouche. C'est un plat simple, énergétique, vraiment très très bon et pas cher. Nous savons d'ores et déjà que soba sera l'un de nos mets favoris au Japon. A peine le repas terminé, notre vieil ami nous remercie et nous fait comprendre que nous pouvons disposer. Voilà une bien étrange coutume que nous avons du mal à intégrer. Au Japon, les rencontres peuvent être très amicales, elle n'en sont pas moins expéditives. De retour à nos vélos laissés à proximité des WC publics, nous décidons de vérifier si monsieur Kitagawa nous a répondu. ''Bip Bip, un nouveau message dans votre boîte aux lettres''. C'est lui. Il nous attend après-demain à l'intersection d'un pont et d'une célèbre allée de vieux cerisiers à Fukui. Nous regardons notre carte pour situé la ville de rendez-vous. Catastrophe, Il faut que nous retournions plein Sud ! Comme l'endroit où nous sommes est très confortable, nous décidons d'y rester camper et demain, nous ferons demi-tour. Après 16h00, Le village est complètement vide de ses habitants, les magasins sont tous fermés. Il n'y a même plus de circulation. L'ambiance est fantomatique. Au crépuscule, nous installons la tente et nous nous attendons à voir apparaître des spectres. Au lieu de cela, c'est l'invasion des crabes. Des crabes par centaines viennent courir dans l'herbe et grimper sur notre tente. C'est affreux ! viennent-ils nous dévorer ? Nous fermons bien nos sacoches et mettons les chaussures dans la tente. Nous comprenons maintenant pourquoi dans les toilettes il y avait des carreaux de faïence décorés de dessins de crabes. Tant que nous sommes enfermés dans la tente, nous ne risquons pas grand chose, mais lorsque le besoin d'aller au petit coin se fait ressentir, que faire ? Nous décidons d'affronter cet envahisseur nocturne. D'un bond nous sortons de la tente, puis nous courrons jusqu'aux toilettes où les crabes sont aussi nombreux que dehors, à la recherche de quelques restes à se mettre sous les pinces. Nous vivons une expérience digne du film ''les oiseaux'' d'hitchcock. De retour à la tente, nous ne pouvons éviter d'écraser sous nos chaussures quelques crustacés. Pendant la nuit nous écoutons ces bestioles se glisser entre nos saccoches, s'insérer sous notre tapis de tente, jouer de la harpe avec les rayons de nos roues de vélos. Il y en a même qui s'amusent à se pendre à la fermeture éclair de notre tente. Tard dans la nuit, le sommeil prend le dessus et nous nous laissons tomber dans les pinces géantes de Morphée. Drôle de nuit !

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 25 Juillet 2016 à 17:02

    Thank you for the detailed description of your traveling. I have noticed some advices here. Your stories can appear useful for those who want to visit this country soon.

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