• Malaisie Episode 2 : En route vers le Taman Negara, au coeur de la péninsule

    17 au 22 avril (138 km)

    De retour à Khota Bharu, un jour de repos est nécessaire car nous ne pouvons toujours pas nous asseoir. On a vraiment l'air fin, tous les deux couchés sur le ventre, le ventilateur et la serviette humide conjugués pour nous refroidir le feu des coups de soleil.

    Le 18 avril, nous quittons enfin Khota Bharu. Il fait vraiment très chaud et nous souffrons beaucoup sur les vélos. Pas seulement à cause de la chaleur, mais surtout, à cause du trafic intense et de la conduite dangereuse, voire criminelle de certains automobilistes. Les camions nous enfument les poumons de leurs particules hautement cancérigènes. Malgré le fait que nous pédalons sur la bande d'arrêt d'urgence, il y a toujours des malades qui doublent par là et certains ont bien faillis nous tuer. Autant dire qu'en plus de la trouille, on avait vraiment envie de les retrouver et de leur casser leur bagnole !!! Ensuite, mélangée à l'odeur des pots d'échappements, il y a en permanence l'odeur des cadavres d'animaux. Il y a des chats, des chiens, des poulets, mais aussi de beaux félins sauvages, des grosses tortues, la carapace explosée, des centaines de serpents, des énormes varans, des oiseaux de toutes les tailles, des civettes, etc... Et oui, conduire une voiture c'est exactement comme mettre entre les mains de n'importe qui un fusil de chasse chargé. Nous sommes définitivement des traumatisés de la bagnole. Parfois on entend encore le bruit des roues qui passent sur les cadavres, la peur de recevoir un bout de viande sur la figure, l'odeur de la mort... C'est horrible !!! Nous sommes désolés pour ce paragraphe un peu morbide, mais c'est notre traumatisme et notre incompréhension face à l'obstination de l'humanité toute entière à vouloir persévérer à tout prix dans l'ère de la voiture. Personne ne conçoit ses déplacements autrement. Regardez les hommes politiques locaux, la plus part se font élire avec des ronds points et des routes ! Regardez les scientifiques qui cherchent des alternatives au pétrole ! Et les citoyens qui n'attendent que la possibilité de rouler dans un 4x4 électrique nucléaire, ou une Mercédès qui fonctionne à l'huile de palme bio, ou une Citroën qui roule à l'hydrogène et pourquoi pas une Fiat en plastique recyclé qui roulerait à l'eau !!! Tout le monde vit dans l'attente du nouveau modèle de voiture propre, qu'on devrait baptiser Jésus. Mais en attendant, tout le monde continue de prendre son vieux char polluant pour faire 5 km, alors que l'extrême état d'urgence climatique dans lequel nous sommes voudrait que l'on remette immédiatement en cause l'utilisation, même, de la voiture. Malheureusement, nous sommes en train de constater que si l'homme, par rapport au reste des animaux, est doué d'une grande intelligence et d'une conscience, en revanche il semble de plus en plus évident que ce qui manque à l'humanité, c'est l'instinct de survie.

    Nous aurons l'occasion de revenir sur le thème de la bagnole car il y a encore beaucoup de choses à dire dessus. Déjà, nous voyons d'immenses zones déforestées, replantées avec du palmier à huile. Notre journée se termine avec une énorme migraine. Plusieurs chinois nous viennent en aide et nous dessinent un plan pour trouver un hôtel pas cher. Après 80 kilomètres nous sommes lessivés. Dans la salle de bain, on se balance des gamelles d'eau sur la tête pour nous refroidir. Puis on se couche sous le ventilateur. Dehors, le ciel s'assombrit très vite, le tonnerre ne tarde pas à se faire entendre, puis le vent et le déluge.

    Le 19 avril, cela fait maintenant un an que nous sommes sur les routes et aujourd'hui nous avons beaucoup moins la pêche qu'il y a un an. Le coup de chaud de la veille nous a mis K.O. Impossible de décoller ce matin, nous continuons à nous arroser régulièrement pour refroidir notre organisme en surchauffe. En essayant de regarder les cartes de plus près, nous constatons qu'il n'y a pas de petite route pour continuer vers le Sud. Les gens d'ici nous conseillent plutôt de continuer en pirogue ou en train. Le bateau est une option très chère et c'est un peu risqué de mettre nos deux vélos sur une pirogue de 80 centimètres de large. En début d'après midi, nous décidons d'avancer, pour aujourd'hui, en train.

    Nous installons les vélos au bout du dernier wagon. Il y a une faune terrifiante autour de nous. Des drôles de types pas très clairs viennent s'installer en face de nous. Ils fument, mangent et jettent tout le plastique par la fenêtre. Devant nous, c'est presque de la provocation, surtout quand ils nous soufflent la fumée de mégot à la figure. Dehors le paysage alterne entre vastes étendues fraîchement déforestées, palmeraies et lambeaux de forêt primaire.

    Arrivés à Dabong, il commence à pleuvoir, le tonnerre gronde et nous n'arrivons pas à trouver un endroit suffisamment à l'abri pour nous installer. Tournant en rond dans ce petit village, une femme finit par nous montrer une guest house. En voyant ce bâtiment, style préfabriqué, avec des versés du coran affichés, nous n'aurions jamais pu imaginer, qu'il s'agissait d'un hébergement. Le malais qui tient les lieux ne nous inspire pas vraiment confiance. Il traine des pieds, s'intéresse un peu trop au prix de nos vélos et veut nous faire payer le prix fort pour une chambre qui sent le moisi. Finalement, nous négocions un demi-tarif.

    Le lendemain, nous reprenons la route et notre homme décide de nous accompagner sur les premiers kilomètres, pour nous mettre sur la bonne voie. Au moment de nous laisser, il nous montre dans les montagnes une grande cascade et il nous paye un café glacé. Finalement, il était louche comme gars mais bien gentil. Sur la petite route, dans la jungle, le bitume est parfois complètement défoncé, ce qui est normale étant donné le nombre et le poids des camions qui transportent des grumes d'arbres gigantesques, sur un bitume léger, recouvrant le sol argileux et humide de la jungle. Cette zone au relief assez marqué, à rendu la déforestation difficile jusqu'à présent. Toutefois, certaines entreprises chinoises se sont spécialisées également dans l'abattage des arbres quelque soit le relief. C'est ce qui s'appelle le cerveau humain au service de la destruction planétaire.

    Il fait super chaud, la végétation qui nous entoure, rend l'air saturé en eau. Dans les montées, nous n'avançons plus qu'à 4 km/h. La sueur ruisselle sur notre peau. Dans les descentes, nous séchons un peu. Le sel se cristallise alors sur nos jambes, nos bras et notre visage. Nous sommes de vraies petites salières ambulantes. Vers midi, nous sommes complètement épuisés et nous avons quelques doutes sur la direction à prendre. Normalement nous aurions déjà dû dépasser une ville. A un carrefour, nous nous arrêtons à l'ombre du petit préau d'une maison. La porte ne tarde pas à s'ouvrir et c'est Zura qui nous invite à boire un coup chez elle. Nous acceptons sans nous faire prier, nous sommes en surchauffe. Elle nous prépare un délicieux thé glacé. Il y a aussi son père, sa mère et ses 2 frères. Ils sont très gentils et nous proposent de prendre une douche. Là encore, nous acceptons facilement. Après la douche, ils nous donnent des habits traditionnels ''Sarong'', c'est à dire un simple tissu léger cousu de manière à former un tunnel, dans lequel on se glisse. Les garçons roulent simplement le tissu au niveau de la taille et les filles au dessus de la poitrine. On se sent vite beaucoup mieux et la famille pousse la générosité jusqu'à nous inviter à manger et dormir une nuit. Comme cela, nous pourrons visiter, dans l'après-midi, leur jardin familial, où, nous disent-ils, il y a une très belle grotte.

    Après le repas, le fils aîné nous montre comment fabriquer un cerf-volant. Avec une rapidité et une précision incroyable, il assemble des bouts de bambous taillés très fin, puis colle du papier vitrail pour faire la voile. Et voila, en même pas 10 minutes, nous avons un très beau cerf-volant prêt à voler.

    Le père vient nous chercher pour aller au jardin. Nous nous attendons à trouver un genre de potager avec des légumes et quelque chose qui ait l'air d'être cultivé, mais après avoir marché dans la forêt, ils nous expliquent que c'est ça leur jardin. Le père nous montre des arbres d'où il récolte quantité et variété de fruits. Certaines herbes sont également utilisées en cuisine ou en médecine. Au milieu de ses arbres nous faisons la dégustation de tout ce qu'il nous propose. Les enfants qui nous ont accompagnés, réclament certains fruits, alors le grand frère sort sa machette et coupe une grappe à chacun. Au milieu de leur ''jardin'', il y a un énorme rocher de plus de cent mètres de haut. Véritable gruyère, nous partons à la découverte de toutes ces cavités. Le père est très heureux de nous montrer son domaine. Les enfants tapent des mains pour déranger les chauves-souris. En haut des plus grandes entrées, il y a des nids d'hirondelles et des essaims d'abeilles. Notre exploration, nous fait progressivement escalader le rocher, jusqu'à ce que la hauteur nous permette d'apprécier la beauté du paysage. Le soleil va bientôt se coucher, on rentre juste avant qu'il ne fasse vraiment nuit. Le frère de Zura, spécialiste des cerfs-volants, nous fait une belle démonstration. Le vent est nul mais il arrive à le faire voler quand même.

    La soirée est agréable en compagnie de ces gens adorables, on va se coucher dans leur maison qui est en fait un hangar et on s'endort, en regardant les acrobaties des geckos sur la taule ondulée du plafond, à la chasse aux moustiques. Allez-y les gars, mangez-les tous!!!

    Nous repartons de chez eux chargés de cadeaux. Ils nous offrent 2 kgs de fruits de leur ''jardin'', le cerf-volant fabriqué la veille et deux petites corbeilles fabriquées par un jeune voisin, sur le principe de la vannerie, mais avec de la récupération de papier journal roulé. Zura nous explique qu'il n'y a vraiment pas grand chose jusqu'à l'entrée du parc national et que la meilleure entrée se trouve du coté de Jerantut. Ils décident de nous accompagner jusqu'à la gare et de voir avec nous si nous pouvons mettre les vélos dans le petit train. En famille sur la moto, ils viennent pour nous dire au revoir. Nous comprenons mieux pourquoi personne ne possède de voiture dans le petit hameau de Zura. Car pour rejoindre la petite ville, il faut traverser une rivière et le seul pont, c'est celui du train. Les motos et vélos traversent sur une passerelle métallique. La chaleur humide nous assomme complètement, nous sommes presque contents de prendre le train.

    Ceci dit, une fois dans le wagon, nous avons bien vite regretté la chaleur tropicale. Il y fait une froideur extraordinaire. Blottis tous les deux sur une paire de siège, nous essayons de ne pas mourir de froid. Cet usage abusif de l'air climatisé est tout simplement ridicule. Nous sommes pendant presque tout le trajet, les seuls dans le wagon et on comprend pourquoi, car seul des individus ayant connu la froideur hivernale peuvent résister à l'enfermement dans ce frigidaire à roulettes.

    Enfin à Jerantut, nous sommes crevés. Des jeunes gens travaillant pour les hôtels viennent chercher tous les blancs becs comme nous, pour nous emmener dans leur hôtel. Il s'avère que les jeunes, ici présents, proposent une chambre vraiment pas cher. Nous les suivons et ils nous installent dans une toute petite piaule à peine plus grande que le lit, sous le toit. Repos tout l'après-midi, nous nous réveillons au crépuscule comme des chauves-souris qui partent en quête de nourriture avant de rentrer se coucher.

     

     

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