• Malaisie Episode 3 : Le Taman Negara. Tout ce qui reste de la forêt primaire, un parc d'attraction ?

    du 23 au 25 avril 2008 (on ne pédale pas dans la forêt primaire)

    Alors voila, c'est décidé, nous allons faire un tour dans ce qui reste de la forêt primaire. Au début, c'est vrai, il a fallu nous convaincre d'aller dans cette destination à touristes, avec l'angoisse de nous voir contraint de suivre un circuit touristique bien balisé sur une portion de forêt bien aménagée.

    En fait, en arrivant à l'entrée principale du parc, nous constatons que l'hébergement est plutôt rudimentaire, pas cher, et les touristes ne semblent pas si nombreux. Peut-être que nous sommes en basse saison, ou peut-être qu'un site dédié à la forêt primaire n'est pas vraiment la priorité du gouvernement de Malaisie, clairement et ouvertement pro-palmiers et pro-déforestation.

    Pour aller dans le parc, nous devons traverser une petite rivière. Des bateaux à moteur se chargent de nous emmener moyennant une petite pièce. Une fois dans le parc, la première chose qui apparaît devant nous, ce n'est pas la maison du parc où nous devons retirer nos autorisations mais la réception d'un hôtel de luxe. Plus d'un hectare à été déboisé pour construire des maisons de bois individuelles climatisées, à destination des touristes plus fortunés. Sans autorisation donc, nous commençons à nous promener la première journée. Aucun gardien du parc ne viendra nous contrôler. Officiellement si quelqu'un est pris sans permis, il risque très gros, de même que si l'on jette un papier dans la forêt et que l'on est pris, on risque quelque chose comme 3000 euros d'amende. Le deuxième jour, nous partons à l'aube. Nous sommes les premiers à traverser la rivière et cette fois-ci nous prenons nos permis pour circuler dans le parc. 1 RM!!! C'est le prix que nous payons pour l'autorisation de circuler dans cet endroit unique !!! Plus précieux que tout l'or du monde, pour cette petite miette de ce qui était, il y a encore 20 ou 30 ans, une gigantesque forêt primaire, nous devons payer 20 centimes d'euros !!! C'est dire encore une fois la valeur de ce joyau aux yeux du gouvernement de Malaisie. Nous aurions préféré payer 10 euros afin de rémunérer correctement de vrais gardiens et de vrais projets de conservation et protection de la forêt primaire.

    Notre permis en poche, nous commençons à nous enfoncer dans ce paradis. Chaque pas, nous fait découvrir une nouvelle forme, un nouvel insecte, de nouvelles odeurs, des sons différents. Tous nos sens sont sollicités au maximum, nous regrettons même d'avoir des yeux si peu nombreux et des oreilles si petites. Dans ce paradis, il y fait toutefois très chaud et humide et puis il y a des moustiques, des sangsues, des épines, de grosses fourmis, des araignées, des serpents et tout un tas de locataires qui pourraient rebuter pas mal de personnes. Mais, à la vue de l'un de ces arbres gigantesques, on oublie tout et l'émotion reprend le dessus !!! Parfois, on s'imagine « Dieu » en train de semer la vie sur terre et on se dit qu'il n'était quand même pas très bon jardinier. « Dieu » devait être aussi un peu fainéant sur les bords et il a du être un peu fatigué de semer la vie sur terre, alors il a abandonné son sac de graines sur place et ça a donné cette forêt. Nous ne voyons pas d'autre explication justifiant une telle richesse biologique. A la mi-journée, alors que nous étions en pleine contemplation au milieu d'un sentier peu fréquenté. Nous nous faisons rattraper par deux randonneurs, les seuls Homo-sapiens que nous verrons de la journée. Ils sont toulousains d'origine et ils baroudent depuis de nombreuses années. Vraiment très sympas, nous discutons ensembles un bon moment. Ils sont complètement effarés par la vitesse à laquelle on détruit ces forêts. Ils connaissent bien ce coin de la planète pour s'y balader régulièrement depuis un bout de temps. Ils voient la progression du palmier à huile, les grands arbres qui disparaissent, les orangs-outans massacrés, le tourisme de masse qui se développe et bétonne les côtes et les îles du Sud-Est asiatique. Comme nous, ils voient le monde aller de mal en pis et leur vision de l'avenir est plutôt pessimiste. Alors ils viennent profiter de ce musée de la forêt primaire, peut-être le seul endroit où l'on peut encore observer des grands arbres. Ils nous expliquent, par exemple, que dans d'autres parcs naturels, il est autorisé de couper les plus grands arbres pour le « business » du bois. Notre moral continue à tomber en chute libre. Notre seul espoir, c'est d'écrire dans ce blog en espérant qu'en lisant ces lignes, vous puissiez être touchés et soudain conscient que le plus important, ce n'est pas la crise économique ou votre revenu mensuel mais que la vraie urgence c'est de lutter quotidiennement pour sauver ce qui reste de notre planète. Il y a tellement de chose possible à faire et, en France, tellement d'initiatives et d'associations ! Vous pouvez aider des paysans Bio, leur donner un coup de main. Vous pouvez vous organiser à plusieurs pour manger bio et local pour pas cher. Même sans parler de label Bio, mais trouver des paysans qui se revendiquent comme tels et pas des ''agro managers'' qui gèrent leurs champs par satellite.

    Jardinez !!! Même en ville, il y a moyen de faire pression sur les politiques pour récupérer des terrains. Pour les petits budgets, la solution n'est pas chez LIDL ou dans les rayons top budget d' Auchan, mais bien dans le jardin où les légumes ne coûtent rien !! Vous récupérer vos graines d'année en année, les échanger avec les voisins et amis, vous arrosez à l'eau de pluie, vous engraissez la terre avec votre compost. Tout cela ne vous coûte qu'un peu de temps. A la maison, vous pouvez réduire votre consommation d'électricité. Regardez dans vos tiroirs, combien d'objets électriques inutiles vous avez, à commencer par votre téléphone portable ou votre télé! Ensuite vous avez la possibilité de quitter votre fournisseur d'électricité nucléaire pour des fournisseurs d'électricité renouvelable. Et ne vous imaginez pas par exemple qu'en quittant EDF, vous allez faire couler l'entreprise et que l'entretien des centrales va diminuer et donc la sureté nucléaire avec. C'est déjà le cas! EDF reverse un maximum d'argent pour ses actionnaires et un minimum pour la sureté dans les centrales.

    Bref, revenons dans notre forêt où ce soir la projection d'un film de propagande nous a révoltés. Nous pensions regarder un film instructif nous apprenant un tas de chose sur les animaux et les plantes. En fait, il s'agissait d'un film publicitaire pour inciter les gens à venir dans ce parc, ce qui est idiot puisque ceux qui voient le film y sont déjà. Le pire, c'est bien la petite propagande pour le palmier à huile. Pas un mot sur les grands arbres mais par contre, l'éloge sur la diversité des espèces de palmiers à huile de cette forêt. Il y a aussi un clin d'oeil aux tribus qui vivent dans le parc. Le gouvernement malaisien, dans toute sa grandeur et son immense bonté, a autorisé les tribus indigènes à continuer de vivre de manière traditionnelle et à prélever dans la forêt le nécessaire à leur survie, malgré le fait que ce soit un parc national. Une attraction touristique consiste d'ailleurs à aller observer ses ''sauvages'' qui vivent dans la forêt.

    Le samedi, c'est le week-end pour les gens du pays. Ils viennent en nombre s'amuser dans ce qui reste de leur vie passée. La forêt primaire se transforme en parc d'attraction, où les gens courent partout, crient, cueillent des plantes ou grattent l'écorce de certains grands arbres sous prétexte qu'ils ont des vertus médicinales et que désormais, ils ont complètement tous disparus. Les anciens nous racontent qu'autrefois, ils allaient pêcher sur la rivière. L'eau était claire et transparente, ils lançaient leur filet lorsqu'ils voyaient les poissons. Maintenant avec la déforestation et les plantations de palmiers, la terre est mise à nue et la pluie a transformé la rivière. Désormais couleur café au lait, l'eau est devenue complètement opaque, plus personne n'oserait y nager. De plus le trafic de bateaux est incessant et les gens ont abandonné la tranquillité de la rame pour des moteurs à essence bruyants et polluants.

    Même si nous avons un gros coup de déprime, nous nous considérons comme extrêmement chanceux d'avoir pu voir et marcher au coeur de ce vestige du poumon de la planète, régulateur des climats. Nous sommes conscients que ce cadeau là n'est pas donné à tout le monde. Ce que nous avons éprouvé au pied de ces arbres, ou bien devant ces insectes ou ces fleurs restera gravé à jamais en nous.

     

     

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