• Du 19 au 23 juin 2009 (150 km)

    Et voila. Vendredi matin, nous quittons Key et sa petite famille toute très occupée à l'organisation de la cérémonie de pendaison de crémaillère de leur maison. En reprenant la route, nous avons un petit pincement au coeur en repensant à l'accueil extraordinaire de Key et de toute sa famille. Nous ne savons pas encore comment, mais nous aimerions bien les revoir et même, pendant les premiers kilomètres, nous avons souvent envie de faire demi-tour.

    En achetant du pain à la sortie de Phnom Penh, les jeunes vendeurs nous servent les baguettes dans un sac plastique. Nous leur expliquons que nous n'en voulons pas car nous avons déjà un sac. Ils acquiessent et nous remontons sur nos vélos. L'un des deux jeunes, prend le sac plastique inutilisé et va sur le bord de la route pour le mettre dans la ''poubelle Terre''. Nous rattrapons le sac et sans pouvoir nous en empêcher, nous commençons à leur expliquer l'impact de ce geste. Un autre jeune vient prendre part à la discussion et il parle bien anglais, il se charge donc de la traduction. Nous en avons vraiment raz le bol de l'inconscience écologique de tous ces pays d'Asie. Il y a 15 ans encore, tout le monde était à vélo. Maintenant, les seuls à se déplacer sans émettre de fumée toxique, c'est nous : deux fous d'étrangers et quelques pauvres à vélo !!! Tout le monde jette le plastique dans la nature et à l'occasion, on fait des tas de déchets que l'on brûle. Malgré les progrès de la médecine, quelle sera la tête des enfants qui vont naître dans les prochaines années ? Combien de temps vont vivre les enfants d'aujourd'hui et avec combien de cancers à survivre et combien de handicaps à assumer et surtout à surmonter ? Après ce coup de gueule qui on l'espère sans en être sûr, aura permis à ces jeunes gens de développer un terrain favorable à la naissance d'un embryon de conscience éco-citoyenne, le climat humide de la mousson vient nous changer les idées.

    Nous essayons de nous réfugier sous des abris rudimentaires au bord de la route mais à la fin de la journée, la pluie ne s'arrête plus et nous avançons trempés, sur des routes parfois inondées et boueuses. Pour vivre ici, avec ce contact quasi-permanent avec le milieu aquatique, nous finissons par nous inventer des légendes comme quoi, il y a bien longtemps, un homme serait tombé amoureux d'une grenouille et les enfants nés de cet union auraient donné naissance au peuple cambodgien. Il pleut comme ce n'est pas permis et nous voyons des gens se promener, des hommes discutent sous la pluie, des enfants chassent les grenouilles au lance-pierres, des pêcheurs sont dans l'eau jusqu'au coup et lancent leur filet, des paysans repiquent le riz toute la journée les mains et les pieds toujours dans l'eau boueuse. Nous réalisons à quel point l'eau fait partie de leur quotidien et à quel point elle est présente dans leur vie.

    Soir du premier jour après Phnom Penh, une heure avant la nuit, nous trouvons l'entrée d'une pagode proche de la route. Nous essayons de demander asile. Dehors, il y a un préau avec une salle de classe et un genre de grand sommier en bambou posé là, à l'abri de la pluie. Voilà qui pourrait faire notre affaire et nous protéger de la vieille truie qui tourne autour de nous. Quelques habitants se sont rapprochés, mais personne de veut nous parler ou même tenter de comprendre ce que l'on dit. Un jeune homme bien sympathique fini par venir à notre rencontre. Il parle anglais mieux que nous et nous apprend qu'il est l'instituteur de cette classe qui a été installée dans le temple, faute de place et de moyen dans l'école du village. Nous lui expliquons que nous sommes à la recherche d'un endroit pour dormir et que sa classe nous conviendrait parfaitement. A ce moment précis, la vieille truie passe entre les tables d'école. Le jeune instit' essaye de la virer et il nous raconte que souvent, même lorsqu'il y a cours, la truie s'invite dans la classe et sème sa zone faisant rire les élèves et énervant le professeur. Il a très envie d'exercer son anglais avec nous mais nous avons très envie de dormir et nous sommes mouillés et affamés. Il finit par nous emmener voir le maître du temple qui est un jeune moine d'un quart de siècle. Pour demander à être hébergé dans le temple, il nous guide car il y a un protocole très strict à respecter. Nous devons saluer le moine sans le toucher, nous agenouiller devant lui, nous incliner en joignant les deux mains, puis enfin, sans expliquer qui nous sommes et d'ou nous venons, nous devons lui demander s'il nous autorise à dormir ici ce soir. Jusque là, c'est le suspens... Nous nous plions docilement à tout ce protocole mais nous avons l'impression que le moine n'en tient pas rigueur. FAut-il vraiment faire ainsi? Surement! Finalement, on nous installe dans une chambre, au rez de chaussé inondé. Par chance, la chambre est sèche et le moine qui y vit est parti en stage en Thaïlande. Pour nous laver nous allons dehors nous doucher avec l'eau de pluie récoltée dans de grandes jarres en ciment. La grosse truie vient nous harceler et pour la chasser nous devons lui balancer violemment des gamelles d'eau sur le groin. Après un diner à la bougie avec l'instituteur dans la grande salle du réfectoire du temple, nous allons dormir bercés par le chant puissant des grenouilles surexcitées, dans les rizières qui nous entourent.

    5h00 du matin, réveil. Le jour se lève et le ciel nous promet une journée chaude.
    Effectivement, nous avons très très chaud et à la mi journée nous devons combattre un début d'insolation. Il n'y a pas de vent et nous ne trouvons pas d'endroit où manger. Un vieux monsieur nous parle en français. Il est en bonne santé et a toutes ses dents. Lorsqu'il nous serre la main, on ne peut pas s'empêcher de repenser aux Khmers rouges. Contrairement à ceux qui on été persécutés et affamés dans des camps de travail, les Khmers rouges étaient bien mieux nourris et n'ont pas eu de carence alimentaire. Ils ont donc généralement mieux vieilli que les autres, d'où notre angoisse soudaine, et si nous avions serré la main d'un assassin de l'armée de Pol Pot ? Bien entendu, ceci n'est que le travail de notre imagination mais vu le traumatisme qu'a connu ce pays, l'état de suspicion générale et de méfiance à tendance à déteindre sur nous. Nous arrivons en piteux état à Kompong Cham et comme nous ne pensons qu'à faire des économies, nous choisissons de dormir dans la chambre la moins chére de la guest house la moins chère de la ville. En clair nous logeons dans l'armoire électrique. Un petit lit à été installé et sur une petite table bancale, un ventilateur.

    Cédric : ''Le soleil qui m'a tapé sur la tête pendant les 90 kilomètres de la journée m'a donné un gros mal de crâne. Après une douche et une immersion complète dans l'eau froide de la réserve d'eau de la salle de bain, je me suis installé sous le ventilateur avec deux cachets pour le mal à la tête. Alice ne se sent pas bien dans cette chambre étroite et commence à regretter. La soirée se passe très mal d'autant plus que ma diarrhée est revenue.''

    Nous sommes complètement crevés et nous n'arrivons pas à faire taire le boucan des propriétaires de l'établissement. Jusqu'à tard dans la nuit, malgré nos demandes polies, nous entendons le va et vient des motos dans la maison, le bruit de la musique des téléphones portables, les jeunes qui chantent et qui parlent comme en plein jour. Au petit matin, nous avons des têtes de cafards. Avançant au radar, nous allons directement dans l'hôtel voisin, plus cher. Nous prenons une chambre tranquille et nous y dormons presque toute la journée.

    Alice : ''Après une deuxième nuit à Kampong Cham, les problèmes de ventre de Cédric ne sont toujours pas passés. Impossible donc d'envisager de repartir à vélo. Cédric prend de quoi se retenir pour la journée et nous prenons un minibus jusqu'à Kratié. Les négociations sont toujours difficiles lorsque l'on est occidental. Je laisse Cédric discuter des tarifs avec un gars qui finalement nous laisse tomber.''

    De la chance dans notre malheur, nous finissons par rencontrer une équipe de deux jeunes hommes qui font la navette avec Kratié. Ils sont tous les deux adorables et honnêtes. Sur la route, ils font des courses pour des clients ou des amis. En s'arrêtant acheter une cargaison de fruits, ils partagent avec nous des fruits du jacquier, délicieux, dont la sève nous colle aux doigts pendant le reste de la journée.

    Cédric : ''A Kratié, nous trouvons un bistrot qui vend du yaourt. J'en profite pour me renforcer la flore intestinale et au bout de deux jours je vais beaucoup mieux. ''

    Notre dernier soir à Kratié, nous rencontrons Gordon, un américain qui travaille au Cambodge pour le WWF sur un programme de sauvetage des derniers dauphins du Mékong. Nous mangeons ensembles et il nous explique un peu la situation catastrophique de ce sympathique animal. Principale activité touristique de la région, les sorties en bateau à la découverte des dauphins ne seront bientôt plus possible parce que le dauphin aura définitivement disparu. Gordon nous explique que les études sur cet animal ont montré qu'il avait concentré une forte dose de pesticide, en particulier le DDT (agent orange de Monsanto utilisé par les américains pendant la guerre du Vietnam. Petit rappel sur Monsanto, c'est lui qui fabrique le Round up et la plupart des OGM.) et de mercure (à cause de l'orpaillage). Le DDT ne se dégrade pas et bien pire que cela, il se concentre au fil des générations dans les tissus graisseux. Le dauphin étant carnivore, il récupère le DDT dans les poissons qu'il consomme. Les Cambodgiens qui vivent près du Mékong consomment également énormément de poisson. L'empoisonnement des dauphins est donc aussi l'empoisonnement des hommes. Le WWF soupçonne même les agriculteurs d'utiliser encore aujourd'hui du DDT. Gordon nous explique que le gouvernement ferme complètement les yeux sur la situation ce qui est carrément criminel de leur part. En réponse au rapport du WWF, le gouvernement nie les faits, selon lui, la population de dauphins se porte très bien et le tourisme rapporte toujours de l'argent donc, pas d'affolement. De toute façon, au nom de la lutte contre les gaz à effet de serre, la Chine, le Laos et le Cambodge veulent construire d'immenses barrages sur le Mékong. Ainsi il en sera définitivement fini des poissons, dauphins et tout ce qui fait que le Mékong était un fleuve remarquable.

    Pour plus d'information sur les dauphins du Mékong, le site du WWF Mékong

     


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  • du 12 au 18 juin 2009 (86 km)

    Pendant ce temps, nos jours de visas s'écoulent et nous avons encore du kilomètre à parcourir pour rejoindre le Laos. Alors avec Key qui nous attend chez lui à Phnom Penh, nous décidons de quitter l'école de cirque et tous ces gens formidables pour rejoindre la capitale en car. Le voyage est rapide et nous nous retrouvons embarqués dans un bus à deux étages dont le rez de chaussé à été aménagé pour transporter de la marchandise. Il y a des motos, et surtout une énorme quantité de fruits en provenance de Thaïlande qui sera revendue par les petits commerçants de rue. A cause d'une erreur dans l'enregistrement des billets, nos places sont déjà prises et nous nous retrouvons entassés tout au fond en compagnie d'une dame très malade avec de la fièvre. Quand la climatisation fonctionne nous avons très froid et puis après une demie heure, lorsqu'elle tombe en panne, nous avons à nouveau plus que chaud et la sueur vient également du mélange d'odeur de pieds et de durian avec la vision de nos voisins en train de s'empiffrer de criquets sautés.

    Arrivés à Phnom Penh, nous sommes accueillis par Key, un vieil ami du père d'Alice. Avec son fils, il nous guide jusque chez lui dans sa belle maison tout juste terminée. Nous passons une très agréable soirée au restaurant à la découverte d'un buffet riche de spécialités culinaires cambodgiennes.

    Cédric : '' Malheureusement, vu l'état de mes intestins, je dois me cantonner au riz blanc et tout ce qui peu parvenir à me constiper.''

    A peine arrivés chez Key, nous avons eu une très belle surprise venant de France. Un colis plein de choses n'alourdissant nos sacoches qu'avec du pur bonheur. Notre famille nous a envoyé des pièces de vélos que nous devons changer ainsi que quelques journaux intéressants et aussi des produits Bio qui nous ont été offerts par l'Espace Bio de Châteauroux. Franchement, nous devons encore remercier Josette, Christian et Valérie de l'Espace Bio pour tout l'aide qu'ils nous donnent. Cette fois-ci, en plus d'un soutien financier, ils ont glissé dans le colis différentes huiles essentielles et produits Bio dont nous avions déjà pu apprécier l'efficacité. Alors oui, oui, oui, nous n'allons pas nous gêner pour leur faire encore de la pub, parce qu'ils le méritent car ils savent ce qu'ils vendent et ils restent vigilants sur la qualité de leurs produits. En plus ils sont militants et soutiennent toujours les bonnes causes.

    A Phnom Penh, nous retrouvons aussi Pascale de l'école de Phare Ponleu Selpak. Nous passons un après midi ensembles à discuter au centre culturel français puis à siroter un jus de fruit au coin d'une rue. Plus tard, entre la visite du musée nationale et une ballade au bord du Mékong, nous passons devant une école où il est écrit sur le mur : Saluton ! Ce qui signifie pour ceux qui ne parlent pas encore espéranto : ''bonjour !''. N'ayant aucun contact d'espérantophones au Cambodge, nous sommes très agréablement surpris. Nous demandons à deux jeunes femmes à l'accueil de l'école, qui a bien pu écrire Saluton sur ce mur. Elles nous répondent : « you speak Espéranto ? you see Mister school director.» nous finissons par rencontrer le directeur de l'école qui parle Espéranto depuis très longtemps. Il nous explique qu'il a du arrêter d'enseigner l'espéranto depuis quelques années car il est très occupé. En plus du poste de directeur d'école, il travaille dans une administration au Nord de Phnom Penh pour l'environnement et le développement de l'agriculture. Nous discutons un bon moment ensemble. Il est en train de créer une méthode pour apprendre l'Espéranto traduite pour les Khmers.

    Notre séjour dans la capitale est une vraie pause au milieu du voyage. Key fait son maximum pour nous redonner le goût de la France avec les saveurs du Cantal, Roquefort, camembert, etc, arrosées de vin de Bordeaux.
    Le week end en famille nous donne l'occasion de bécher le jardin de Key et la terre au pied des jeunes bananiers. Cela fait si longtemps que nous n'avons pas eu l'occasion de travailler la terre que ça commençait à très sérieusement nous manquer.

    Cédric : ''Après une semaine de bons soins et de nourriture saine, j'ai les boyaux en bien meilleur état. Le récit est mis à jour, nous sommes fin prêts pour reprendre notre route à vélo couché.''

     


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  • Du 4 au 11 juin 2009 (215 km)

    Pendant 3 jours, nous avons arpenté Angkor Vat dans une atmosphère plutôt pluvieuse. Nos ballades étaient souvent interrompues par de grosses averses.

    Le 4 juin, nous faisons demi-tour. Nous avons décidé de rendre visite tout de suite à l'école de cirque de Battambang et pour nous y rendre, nous devons contourner le grand lac Tonlé. La journée est terrible ! Nous quittons Siem Reap sous une pluie fine pas trop désagréable. Au bout de 20 km, la pluie s'arrête et laisse place à un vent de face qui ne fait que s'intensifier. Malgré nos vélos couchés nous sommes quand même beaucoup ralentis et la vision de cette route droite jusqu'à l'horizon, dans cet univers plat et sans arbre nous fout le moral à zéro.
    Vers midi, nous faisons une pause sous un abri en béton, au milieu de nulle part. C'est très propre et carrelé par terre. Sur les deux murs qui nous protègent du vent, une fresque du Bouddha sur sa fleur de lotus, veille sur nous. Au menu, un pain de campagne à la française acheté à Siem Reap. Vraiment très bon, on dirait presque un Bio, c'est génial, nous avons les papilles hyper-sensibles, le cerveau en transe et l'estomac qui en redemande. Seul ombre au déjeuner, la ''vache qui rit'' étalée sur le pain. C'est français aussi mais c'est tout sauf du fromage. Après cette petite pause, retour dans la galère. Nous appuyons aussi fort que possible sur nos pédales en essayant de penser à autre chose. Le vent de tempête nous apporte des nuages menaçants. Juste après la traversée d'un village le vent tourne et nous l'avons en tempête dans le dos pendant quelques secondes seulement. Rapidement, nous sentons l'odeur de la route mouillée et enfin, le déluge au loin qui avance vers nous tel un monstre. A peine le temps de faire demi-tour, ''la vague de tsunami'' nous rattrape. Nous fonçons sous l'abri en taule d'une boutique de bord de route. La jeune fille n'a pas le temps d'être effrayée de voir deux vélos foncer droit sur elle que le ciel tombe sur les 4 mètres carrés de taules qui nous protège. La pluie s'abat sur nous avec une violence phénoménale.

    Cédric : '' Dans ce tout petit abri de fortune, Alice a réussi à se mettre dans un coin sec, mais moi, tel Pierre Richard, je me retrouve sous un coin de taule plein de trous. Au début, comme à la flûte, j'essaie de boucher les trous, mais très vite je me rends compte que ça ne sert à rien, j'ai des crampes dans les bras et puis je suis déjà trempé.''

    Après la pluie, pas de soleil, mais toujours ce satané vent de face. Le soir arrive et nous pédalons encore. La nuit arrive et nous pédalons toujours. Sur les derniers 20 km, ce sont les vers luisants volants qui nous guident. Le vent s'est calmé, mais nous n'avons plus la force d'appuyer sur les pédales. Au bout de 110 km, à une vitesse moyenne de 10 km/h, nous arrivons enfin chez notre ami Wendy à Sisophon. Il nous accueille comme s'il nous attendait et nous rassure alors que nous sommes tout honteux d'arriver à une heure si tardive. Nous utilisons nos dernières forces pour discuter avec lui et tenir nos yeux ouverts. Écrasés par la fatigue, nous finissons par nous écrouler sur la planche de notre lit dehors, sous une moustiquaire. Le temps de fermer les yeux et nous nous endormons sans avoir le courage de faire taire les rats qui se bastonnent juste à coté de nous pour un reste de viande.

    Le lendemain matin, c'est à peine remis de notre étape de la veille que nous partons pour Battanbang, en espérant avoir suffisamment la forme pour y arriver en une seule étape de 85 km. La route numéro 5 à l'Ouest de grand lac Tonlé est très poussiéreuse et avec ce flot continu de cars qui roulent comme des dingues, nous ne nous sentons pas vraiment en sécurité. Nous comprenons le code de la route cambodgien qui consiste à laisser la priorité au plus gros véhicule. Par exemple, si un 4x4 arrive en face et qu'un bus veut nous doubler et qu'il n'a pas l'espace, c'est à nous de sauter dans le fossé et ce n'est même pas la peine d'essayer de s'imposer et de faire ralentir le boulet de 15 tonnes car il ne pourra et ne voudra pas ralentir sa course folle. Pendant une pause rafraîchissement dans les toilettes d'une station service, nous rencontrons un monsieur suisse cambodgien qui après avoir fuit les Khmers rouges et travaillé 30 ans dans la poste suisse, a décidé de revenir prendre sa retraite au pays. Il nous parle du Cambodge qu'il connaissait avant de partir et du pays d'aujourd'hui. Le business des mines anti-personnelles ''made in France, Chine, ou Malaisie''. Il nous raconte quelques horreurs sur le monde selon Pol Pot, ce qui nous donne la nausée. Après cette pause instructive, nous reprenons la route et vers midi, alors que nous cherchons un endroit où manger, nous ne trouvons que des gens très bizarres. Le premier petit restaurant veut nous vendre une assiette de riz 5 fois son prix, un gars vient derrière Cédric et lui donne une grande tape dans le dos, comme ça, pour rien. Plus loin, un autre restaurant veut nous servir de la viande alors que nous demandons le prix d'une assiette de riz. Nous faisons des mîmes très clairs, nous parlons Khmer, nous montrons de l'argent, mais les gens de ce magasin ne semblent pas, ou ne veulent pas comprendre. Pendant ce temps derrière notre dos, un autre mec passe et nous arrache des bananes que nous avions accrochées sur nos sacoches. Le gars nous fait un grand sourire en épluchant une banane et en la mangeant sous nos yeux l'air de dire ''Regardez, bande de gros barang (étrangers), je vous vole votre bouffe, je la mange sous vos yeux et j'en ai rien à foutre car je vous em...''. Nous lui demandons de nous dire merci et de nous payer les bananes mais le gars nous tourne le dos et s'en va fier de lui. A ce moment nous repensons au suisse de ce matin qui nous expliquait que Pol-Pot voulait exterminer tous les intellectuels du pays!  En remontant sur nos vélos, nous passons à proximité du voleur qui en nous voyant nous lance un regard de tueur et fait tourner un sac à bout de bras en essayant de nous le lancer à la figure. Dans cette petite ville, les hommes parfois nous hurlent dessus comme des bêtes. On se demande ce qui s'est passé ici et quels traumatismes profonds y a t'il dans la tête de ces gens. Ceci dit, les cambodgiens ne sont pas tous comme ça et nous rencontrons sur le bord de la route une majorité de gens adorables, honnêtes et généreux.

    En milieu d'après midi, nous arrivons enfin à l'école de Phare Ponleu Selpak et c'est Youri qui nous  fait  visiter l'école.

    1400 élèves de la maternelle au lycée fréquentent l'école publique qui est sur place. A coté, il y à l'école des arts où les enfants choisissent en fonction de leur préférences. L'enfant qui aime faire des blagues ira dans la classe des clowns ou dans le groupe de théâtre. Celui qui fait des galipettes sur le toboggan ira naturellement vers les acrobaties du cirque. Celui qui est plus calme et aime avoir un crayon dans les mains ira dans la classe de dessin. Celui qui tape sur sa table en classe ira naturellement aux cours de musique. L'enfant qui reste scotché devant le magasin d'informatique ira avec le groupe d'infographistes. Celui qui aime le dessin et l'ordinateur pourra s'épanouir en réalisant des dessins animés pour des ONG faisant la prévention sur le SIDA ou la préservation de l'eau, etc . En parlant d'eau potable, l'école de cirque possède son propre centre de purification de l'eau car c'est un problème majeur en Asie du Sud Est. Il y a de l'eau partout mais elle n'est pas potable. Alors pour subvenir aux besoins de l'école et vendre le surplus pour se faire un peu d'argent, l'association ''1001 fontaines pour demain'' a mis en place cette station. L'eau d'un étang est traitée, filtrée et mise dans de gros bidons consignés. Sur le site de l'école, une maison est habitée par plus de trente enfants qui sont sans parents ou bien qui ont été abusés ou issues de familles extrêmement pauvres.

    Pour faire fonctionner toute cette structure, il y a de nombreux volontaires qui viennent souvent de France ou des environs. Nous avons rencontré entre autre Youri de Belgique, Pascale, Xavier et Vanessa de France, Leila d'Algérie, Dan de Hollande...

    Cette école fonctionne très bien et connait un succès grandissant. Certains élèves du cirque sont professionnels et vont tourner à l'étranger, en Europe et même à Châteauroux dans le Berry!
    Ce qui est intéressant aussi, c'est que tous les groupes sont interconnectés. Par exemple, pour un spectacle de cirque, le groupe de musiciens interviendra pour  créer la musique. Les groupes d'infographistes et dessinateurs réaliseront les affiches, etc.
    Un dernier point intéressant, c'est la rémunération directe des élèves car pour chaque oeuvre ou billet vendu, ils perçoivent une partie des recettes. Dans un pays où certains parents préfèrent envoyer leurs enfants travailler à ramasser les déchets dans la rue plutôt que de les envoyer à l'école. Le fait qu'à Phare Ponleu Selpak les élèves puissent apprendre et rapporter un peu d'argent à la maison, incite les parents à les envoyer à l'école.

    Pour plus d'information sur cette école, voici leur site  ICI

    Alice : ''Nous avons beaucoup aimé cette école et d'ailleurs, nous y sommes restés plus longtemps que prévu, car Cédric est tombé malade la nuit avant de repartir. Nous dormions dans notre tente installée sur un balcon de l'école et pendant toute la nuit, Cédric a eu une énorme fièvre, en plus de la chaleur ambiante. Au petit matin, il a pris des cachets pour faire descendre la fièvre et nous nous sommes installés dans une chambre réservée aux travailleurs volontaires de l'école. Bandol vient nous voir et nous explique que tous ceux qui viennent travailler dans cette école tombent malades comme cela. Selon lui il ne faut pas s'alarmer et si Cédric tient à rester en vie, il vaut mieux éviter d'aller à l'hôpital voir un médecin qui lui fera des examens pour lui vendre tout un tas de traitements et de soins pour tout sauf la maladie dont il souffre. Pascale vient nous voir et nous propose d'aller nous installer dans une chambre qu'elle loue chez une vieille chinoise. Nous déménageons 300 mètres en dehors de l'école et nous écoutons les conseils de Pascale concernant la fièvre. Selon elle, avec la chaleur qui règne dans ce pays, il ne faut surtout pas laisser la fièvre s'installer et donc prendre des médicaments dès que la température remonte et se rafraîchir dans l'eau aussi souvent que possible. Lorsque Cédric va un peu mieux, nous sommes invités chez Bandol pour un repas en compagnie des salariés et bénévoles de l'école. Au menu, une soupe au milieu des convives chauffe doucement, on l'agrémente de mousse de soja, de légumes, de nouilles, de crevettes panées et de boulettes de viande pour les carnivores. Dan qui pense à tout à ramené une bouteille de rouge. C'est un vin du Chili mais on dirait presque un mélange de Cahors et de Bordeaux. C'est bon et ça nous rappel la France quand même.''

    Cédric : ''Lorsque la fièvre est définitivement tombée, nous avons découvert qu'en fait elle était le signal de départ d'une énorme diarrhée qui aura été très dure à combattre et à faire disparaître. Vu l'hygiène du stand auquel nous avions mangé dans le marché de Battambang, avec les rats qui se promènent au milieu des fruits et légumes suspendus au dessus d'un bouillon de culture, il est probable qu'une fois encore le germe pathogène est frappé Pierre Richard n°2. N'empêche que cette fois ci, je préfère prendre un abonnement aux toilettes plutôt que de me droguer aux antibiotiques. Alors forcément, c'est un peu long à rétablir.''

     

     


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  • Du 28 mai au 03 juin 2009 (358 km)

        Après avoir bien amusé les douaniers thaïlandais avec nos vélos, voici que du coté cambodgien, les policiers nous courent après, pour nous prendre la température. Tous les fonctionnaires se cachent derrière leur masque de chirurgien et avec ces histoires de virus, grippe et autres maladies contagieuses, le bilan de santé est devenu obligatoire au passage des frontières. Un homme nous prend la température avec un thermomètre jamais nettoyé, enfoncé dans l'oreille. Nous devons répondre à un questionnaire et déclarer si nous avons un traitement en cours ou bien une infection quelconque.

    Cédric : ''Comme mon pied va beaucoup mieux, évidemment, pour ne pas prendre le risque d'être refoulé, je déclare que je n'ai rien à déclarer.''

    Au passage, les gars nous donnent des masques. Un cadeau bien utile contre la poussière soulevée par les 4x4 et les camions. Le Cambodge est d'apparence plus pauvre et sale qu'en Thaïlande. Une quantité incroyable de fruits et de légumes traverse la frontière vers le Cambodge, sur des vieux charriots de bois tirés et poussés par des hommes. On se croirait presque revenus en Inde ou au Moyen-Age sauf que les fruits transportés sont issus de l'agro-industrie chimique la plus moderne et polluante qui soit.

    Nous pédalons les premiers kilomètres dans un nuage de poussière soulevé par les vieux camions. Nous devons nous forcer à reprendre de vieux réflexes car ici, enfin, on roule à droite. Au bout d'une vingtaine de kilomètres, nous doublons un mec avec de grandes rastas attachées sur la tête, un peu comme un sadou de Kathmandou. Le gars est perché sur un vieux cyclo-pousse en bois repeint en vert. Nous nous arrêtons et non sans un drôle de pressentiment, nous lui adressons un grand ''bonjour''. Bingo !!! Du tac au tac, le gars qui commençait à nous interpeller en anglais se met à parler un bon français. Il n'y a que les français pour voyager sur des engins pareils ! Nous faisons donc la connaissance de Jean-Pierre, un couturier-cyclo-styliste, barman et baroudeur qui s'est lancé dans la folle aventure de découvrir le Sud-Est asiatique au guidon d'un vieux cyclo-pousse racheté au Cambodge. Nous voyageons jusqu'à Siem-Reap avec J-P. Nous avançons lentement, mais il faut dire que l'on passe la journée à papoter sur les pédales. Le premier soir, nous nous arrêtons dormir dans une famille qui a beaucoup de chance. En effet, le jardin de ces gens a été choisi par une compagnie de téléphonie mobile pour recevoir une antenne relais. Au Cambodge, il faut savoir que les gens se battent pour avoir une antenne relais dans leur jardin. Non seulement parce que c'est très grassement rémunéré (350 dollars par mois), et puis dans un secteur où l'électricité n'est pas distribuée partout, le groupe électrogène de l'antenne fournit de la lumière et des prises de courant pour recharger les téléphones portables. Retenez seulement qu'un instituteur gagne environ 35 dollars par mois.

        Le deuxième jour nous nous arrêtons chez Wendy, un garçon fils de restaurateur à Sisophon. Aménagé sous un hangar en brique et en taule, le restaurant de Wendy est des plus modestes, mais la soupe de nouilles préparée par son père remporte un énorme succès. Vers 7hoo du matin, 12h00 puis 19h00, le restaurant est toujours plein à craquer. Nous sommes assez gênés de ne pas payer pour ce que nous consommons de café glacé et de nourriture mais nous sommes invités et Wendy veut exercer son anglais avec nous.

    Cédric : ''Le lendemain matin avant de repartir, Wendy m'offre une écharpe colorée. En échange, pour le remercier, je regonffle les pneus de son vélo et ... j'explose la valve de la chambre à air avant ! J'ai moins de 10 minutes pour aller acheter une chambre neuve et réparer son vélo sinon, il va être en retard à l'école. Heureusement il y a un revendeur de vélo à 300 mètres. Oouff !! Quel exploit !!! J'arrive à tenir le délai.''

        Pour notre troisième nuit, nous nous arrêtons dans une pagode. L'accueil des moines est assez étrange. Pas curieux, ils ne viennent pas vers nous. Quand nous leur demandons si nous pouvons dormir une nuit dans la pagode, les jeunes moines se contentent de rigoler. Doit-on prendre cela pour un oui ? Sûrement. La nuit tombée, nous nous installons dans la salle sur pilotis, à quelques mètres d'un groupe de joyeuses vieilles nonnes en débardeur, nous préparons nos nouilles en compagnie d'une bande de chatons dont un, a une jambe cassée et manque de passer à plusieurs reprises dans les trous du plancher. En dessous de nous, une grosse truie remue du groin en attendant les restes. Après avoir rempli nos estomacs, ceux des chatons et celui de la grosse truie rose, nous allons nous coucher quelque part au milieu de la salle. Il est environ 23h, Jean Pierre installe son hamac entre deux poteaux et nous installons la toile intérieure de notre tente pour nous préserver des moustiques. 4h00 du matin, nous dormons depuis peu car il fait vraiment très chaud dans la tente. Les nonnes se réveillent, elles parlent fort et balayent la salle. Vers 5h00 du matin, un défilé continu de lampes torches vient nous éclairer à travers la moustiquaire de la tente. Est-ce qu'on peu dormir tranquille ? Des motos, des voitures arrivent et se garent au pied du temple. Soudain, la messe commence. A moitié endormis, nous essayons de nous relever pour voir et comprendre ce qui se passe et là : SURPRISE ! Nous n'avons pas vu tous ces gens arriver et s'installer autour de nous. Au milieu des fidèles venus prier, une tente abrite deux français, dévêtus, en train d'étouffer à cause de la chaleur que conserve la toile ''isothermique''. En attendant la fin de la messe, les chants de prières nous bercent et nous rendorment. Vers 6h15, nous pouvons enfin sortir de la tente, la messe est finie.

    La route qui mène à Siem Reap est toute neuve, elle n'a pas encore été déformée par la chaleur et le passage des camions trop lourds. Nous pédalons sur une large bande d'arrêt d'urgence qui est plutôt une voie réservée au véhicules lents et spéciaux comme les vélos couchés, les triporteurs, les motoculteurs à remorque, les motos avec de grosses cages bourrées de porcelets, les motos avec deux porcs fraîchement saignés, couchés sur le dos sur une planche derrière le chauffeur, ou bien les motos de marchands de volailles qui se promènent avec 80 poulets vivants à l'envers, pendus par les pattes à des tiges de bambous de chaque cotés du pilote.

    Enfin, nous arrivons à Siem Reap. Nous allons dans une petite guest house et après une longue réflexion et une bonne dose d'information, nous décidons d'aller visiter les temples d'Angkor. Nous avons longuement hésité car le prix est très dissuasif. 20 dollars par personne pour une journée, ou 40 dollars pour un permis de 3 jours. Officiellement, l'argent doit être utilisé pour le développement du pays, l'ouverture de nouveaux hôpitaux, la restauration des temples... Malheureusement, le Cambodge est un pays où la corruption atteint un niveau phénoménal ! Reste à vérifier donc, ce que fait le gouvernement avec tout cet argent.

    En route pour trois jours de visites dans ces merveilleux temples. Et c'est vrai que c'est magnifique. Ces constructions datent d'environ 1000 ans et sont disséminées dans la jungle. Plus ou moins grands, plus ou moins en ruines, il se dégage de ces lieux une ambiance parfois étrange si l'on arrive à faire abstraction de la reine ''industrie touristique''. Quand certains temples disparaissent derrière les racines d'arbres immenses, on prend conscience de la force de la nature qui reprend ses droits. On réalise aussi que l'homme doit travailler avec la nature s'il veut réaliser quelque chose de beau. Pour nous, ce mélange de pierres sculptées et de racines de géants est vraiment la plus belle chose à voir à Angkor-Wat. Évidemment le plaisir simple de la contemplation est parfois un peu gâché car à l'entrée de chaque temple, nous sommes harcelés pour acheter des livres, de l'eau, des cartes postales, des tee-shirts, des flûtes, des peintures, des écharpes de soie... La plupart de ces revendeurs sont des enfants. Quelle belle perspective dans la vie. Aucune instruction ou presque, la plupart ne vont pas à l'école. Leur avenir est tout tracé et plein d'ambition : devenir le meilleur vendeur de cartes postales des temples d'Angkor. Ces enfants sont près à tout pour vendre. Ils connaissent même le nom de la plupart des pays riches et leur capitale. Ils sont capables aussi de discuter du prix en japonais, français, anglais, allemand, espagnol... Si seulement ils allaient à l'école.


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