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    Du 1er au 13 janvier 2009

    Cédric : ''Début d'année tranquille où je reprends doucement des forces après la pneumonie. A la fin du lourd traitement antibiotique, l'infection dans les poumons a été détruite, mais aussi les résistances naturelles dont je m'étais  progressivement paré tout au long du voyage. 2 jours après le traitement, la reprise d'une alimentation normale et indienne m'a provoqué une très forte diarrhée. J'ai donc droit à un nouveau traitement antibiotique accompagné d'un régime alimentaire spécial que me cuisine notre famille d'accueil".
    Nous passons le plus clair de notre temps avec Deepou et Neetou (diminutif de Navdeep et Navneet). Elles nous conduisent au grand temple de Nanakmata, l'un des plus fameux temples de la religion Sikh. Il est dédié au Gourou Nanak, le premier des 10 Gourous, le onzième étant incarné par le livre sacré. Voici comment se passe la visite quotidienne au temple : Nous devons d'abord nous déchausser et nous laver les mains avant d'entrer, puis à de nombreuses reprises, nous devons nous incliner au pied de chaque marche, au pas de chaque porte, devant chaque religieux et bien sûr devant le petit lit ou repose le livre sacré. Ce recueil des saintes écritures est d'après les Sikhs, vivant et donc traité comme tel. C'est pourquoi, chaque matin, le livre est transporté dans son trône de jour et chaque soir il va se reposer dans son lit. Toute la journée, un religieux est assis en tailleur derrière le Saint livre et récite les textes sacrés. Il est accompagné par deux autres religieux assis à coté du trône et de profil par rapport à l'entrée principale du temple. Ils chantent, jouent des tablas et de l'harmonium et la musique est diffusée à 2 km à la ronde grâce à de puissants haut-parleurs situés au sommet du temple. Après s'être courbé devant et derrière le livre et les religieux, nous sortons par une porte sur le coté. Là, un autre Sikh, distribue au creux de nos mains tendues, un genre de pâte sucrée et huileuse qui n'est pas mauvaise et dont les enfants redemandent volontiers. Derrière le bâtiment principal du temple se situe un grand plan d'eau carré dans lequel nagent paisiblement des carpes de toutes tailles. Nous allons nous tremper les pieds et certains courageux vont jusqu'à se baigner tout entier. Evidemment cette eau sacrée purifie le corps et l'esprit. En repartant du temple, nous devons nous retourner régulièrement et nous incliner autant de fois qu'à l'arrivée. Le 5 janvier à lieu une fête très importante pour les Sikhs. C'est la fête du 5ème Gourou et à cette occasion, le Livre Sacré va faire une sortie en public. Un camion spécial ressemblant à la papamobile mais en plus décoré et couvert de guirlandes de fleurs va transporter ce 11ème Gourou dans les rues du village. Avant son passage et dès le petit matin, tout l'itinéraire est nettoyé. La route est passée au jet d'eau haute pression, puis juste devant le véhicule du Gourou, encadré par les soldats de l'armée sainte, des centaines de Sikh balayent le chemin. Pendant un très court instant, nous ne reconnaissons plus le village de Nanakmata tellement les rues sont propres. Malheureusement, au passage du Dieu Livre, la distribution de nourriture refait des saletés et tous les stands sur le bord de la route distribuant gratuitement les litres de thé dans des gobelets en plastique feront que le soir et pendant deux jours, ces tas de plastiques seront incinérés sur place. Cette fête est l'occasion de montrer la richesse et la force de la religion Sikh. Les enfants des écoles et les étudiants défilent dans les rues en présentant des costumes ou des fanfares. Des soldats de l'armée du Gourou se livrent à des démonstrations de combat. Montrant leur force et leur maniement des armes classiques comme le sabre ou le bâton, mais aussi des armes peu ordinaires comme ces anneaux métaliques au bord tranchant ou cette épée souple de 6 mètres de long, maniée comme un fouet.

    La fête passée, nous retournons au Gourdouara. Nos liens se resserrent aussi avec ces braves gens que nous côtoyons tous les jours dans le temple. Lorsque nous ne mangeons pas chez Deepou et Neetou, nous prenons nos repas dans la cantine et c'est presque toujours Bapou qui nous sert. Il est très fier de nous, lorsqu'on lui répète un nouveau mot en Penjabi. Il aime aussi quand on l'appel Bapou ce qui signifie ''grand-père''.

    Alice : ''De voir Cédric manger à la cantine réconforte tout le monde car lorsqu'il était malade cloîtré dans la chambre, je devais constamment rassurer les inquiétudes de Bapou et des autres''.

    Cédric : ''Quelques jours avant notre départ, Navneet a dû retourner dans son lycée catholique et les deux petites soeurs et le petit frère dans leur école. L'oncle Saab Singh qui devait aussi repartir pour son travail de chauffeur routier m'a mis autour du poigné l'anneau métallique qu'il portait depuis au moins 25 ans. Ce bracelet en acier est l'un des symboles du peuple Sikh et dans le cas présent ce cadeau est d'une très grande valeur puisqu'il signifie que Saab Singh me considère désormais comme son frère''.

     

    Le 11 janvier au petit matin, avec l'aval de mes médecins, nous nous préparons à quitter Nanakmata pour commencer un nouveau voyage. Bapou nous sert notre dernier repas au temple. ''Vaheguru Perchata'' et nous tendons une dernière fois nos mains pour recevoir le pain qu'il nous donne. Cela nous fait bizarre de vider cette chambre où nous nous sommes fixés pendant presque un mois. Avant de partir définitivement du temple, nous allons dans le village et ramenons des sucreries très appréciés par les Sikhs, faites à base de lait et de sucre. Enfin, nous partons du temple. Tout le monde est venu nous voir redécoller y compris les voisins qui ont été mis au courant rapidement. En partant nous nous arrêtons bien évidemment dire au revoir à Deepou, sa grand-mère ainsi que son deuxième oncle. C'est un moment difficile pour tous, surtout pour la grand-mère qui nous appréciait beaucoup et qui, presque aveugle, va se retrouver seule lorsque Deepou sera partie à son tour à l'école et son oncle également chauffeur routier, au travail. Elle pleure et nous ne savons comment la consoler. Peut-on affirmer que nous reviendrons ?

    Finalement nous partons le coeur gros, direction Katima où nous allons aussi saluer notre médecin Rajkumar. Il rentre un peu tard chez lui et nous invite à rester une nuit. Nous passons une agréable soirée dans sa petite famille. Il nous passe le film des dents de la mer et nous explique qu'il a lui aussi deux petits requins bonzaï dans son aquarium.

    Le lendemain matin, nous appelons Deepou pour savoir si elle est bien retournée dans son lycée. Elle nous répond que non et qu'en plus ce soir c'est la fête de Lori, une fête familiale et que par conséquent toute la famille sera présente, exceptée Neetou qui reste coincée dans son lycée catholique. Evidemment, nous sommes les bienvenus. Rajkumar ne comprend plus rien. A l'instant nous le serrions dans nos bras et faisions nos adieux et maintenant, nous lui disons à demain car nous retournons à Nanakmata. Au village, c'est la surprise générale, après les adieux de la veille, nous revoici. Nous passons la journée en famille à préparés la fête du soir. Des plats spéciaux sont préparer à base de riz et de canne à sucre. A la tombée de la nuit, un grand feu de bouses séchées brule dans la cour et toute la famille avec quelques voisins se réchauffent autour du foyer. Sahab Singh est revenu lui aussi et aide des jeunes à l'installation d'une sono. Ils ont récupéré une vieille enceinte et un lecteur DVD tout cassé qu'ils branchent au cul de l'ampoule. En Inde, pas besoin de prise. Même dans la maison, tout est branché en mettant directement les fils dans les prises électriques. Ce système fait des étincelles mais fonctionne. Dès que la musique résonne dehors, une bande de garçon vient danser et nous demande sans cesse de faire comme eux. Ils sont assez énervants et la grand-mère qui a une autorité suprême nous fait assoir à coté d'elle, nous tient par le bras et nous met sous sa protection. La nuit est courte et nous dormons tous dans la maison. Certains dorment par terre et d'autres comme la grand-mère et nous, dorment sur des lits simples mais très confortables que l'on appel ''char paille'', ce qui veut dire 4 pieds. C'est un simple cadre sur lequel on a réalisé un filet très tendu, le tout sur 4 pieds.

     

    13 janvier 2009  Le vrai départ vers le Népal

    Après le petit déjeuner en famille, nous refaisons nos adieux et cette fois ci pour de bon. Nous repassons chez Rajkumar qui insiste pour que nous prenions un deuxième petit déjeuner, puis nous quittons l'Inde. Le passage de la douane indienne est assez aisé. Le fonctionnaire se fout de tout et n'aime pas les gens pressés qui posent trop de questions. Le passage de douane népalaise est autrement plus compliqué. Les roupies indiennes que nous avions mises de coté pour payer nos visas se voient refusées par les deux fonctionnaires complices. Ils nous demandent de payer en dollars. Nous insistons pour payer en roupies et nous leur demandons de quel droit deux français doivent utiliser la monnaie américaine entre le Népal et l'Inde. Pendant 2 heures nous essayons de les faire craquer. Nous les informons que nous n'avons pas d'autre moyen de paiement et que nous resterons dormir sur place jusqu'à ce qu'ils acceptent. Finalement, ils acceptent des euros. Mais cette option ne nous convient pas non plus. Nous avons heureusement un billet de 100 € qui nous restait de notre réserve de l'Iran, mais ces deux voleurs utilisent un vieux taux de change ou l'euro ne vaut que 90 roupies alors qu'il est actuellement à plus de 100. Ils nous font détester cet endroit et nous donnent une très mauvaise première image du Népal. Finalement, pour une fois, c'est nous qui craquons et on leur laisse notre billet de  100 euros. Nous payons 41 euros un visa d'un mois qui coûte en réalité 40 dollars. Ils se mettront 1400 roupies dans les poches ce qui, au Népal, est une grosse somme. Nous rencontrerons par la suite de nombreuses personnes qui ont eu le même problème, et des népalais désolés pour l'image que ces fonctionnaires corrompus donne de leur pays.

    Toujours est-il que nous sommes désormais au Népal et que ceci est un autre chapitre.

     


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    21 au 23 décembre    Cédric malade. Le voyage s'arrête à 40 km de la frontière népalaise.

    Alice : ''Pendant la nuit Cédric a eu de nouveau de la grosse fièvre et il a beaucoup transpiré. On soupçonne le paludisme. Avec un jeune sikh, nous appelons un médecin. Celui-ci vient vite sans prendre le temps de mettre son turban. Il propose un examen plus approfondi et envoi un infirmier pour une prise de sang. Le matériel est neuf et bien emballé ce qui nous rassure. En fin d'après midi, nous avons les résultats et c'est un nouveau médecin avec des grains de riz collés au front qui vient nous voir. Ouf ! Ce n'est pas le paludisme. Peut-être une infection alimentaire ou une petite hépatite. Un simple traitement de 3 jours d'antibiotique et d'anti-fièvre devrait suffir. Cédric va un peu mieux, mais il a toujours mal aux côtes. Je pars dans le village où il y a une connexion internet. J'envoie des messages pour prévenir la famille et Claude Landos, le médecin de Cédric. Dans le temple, nous sommes comme des rois. Tous les matins et même plusieurs fois par jour, un monsieur nous apporte du thé et à manger pour Cédric. Moi je vais prendre les repas dans la cantine du temple.

    Le dernier jour du traitement, le 23 décembre, Cédric a de plus en plus mal aux côtes. La douleur l'empêche de respirer et heure après heure, son état devient de plus en plus critique. J'essaye de faire venir un médecin mais aucun n'est disponible maintenant, on me dit qu'il passera demain matin de bonne heure. Mais demain matin, il sera trop tard !!!! Je téléphone à l'assurance qui me répond que pour un rapatriement en urgence il faudrait d'abord qu'il y ait un diagnostique médical. Merci l'assurance la prochaine fois on se passera de votre aide inutile, car dans ce village loin de tout et sans médecin qu'est ce qu'on peut faire ? De son coté Cédric fait tout pour éviter de bouger. La douleur le torture et le moindre effort l'essouffle. Il est presque persuadé, au vu de ses symptômes que c'est une pneumonie. Je décide d'appeler une ambulance et de ranger toutes les sacoches. Nous devons partir pour l'hôpital le plus proche sans attendre".

     

    Cédric : ''Ca c'est sûr, j'ai rarement été aussi mal. A moitié allongé sur le lit sans bouger, essayant de ne pas paniquer moi même et de rassurer Alice. Je n'arrête pas de me dire que ce serait trop con d'être enterré à Nanakmata, à 40 km du Népal.

    Quand toutes les sacoches ont fini d'être rangées, Soni Baba, le chef du temple  arrive avec le médecin sikh. Ce dernier se rend vite compte de la situation et démarre la vieille jeep du temple ! Pas question d'attendre une ambulance, on part tout de suite pour l'hôpital de Katima !!! Sur la route défoncée chaque trou est comme une lance qui me transperce le corps. Les gaz d'échappement qui refoulent dans la jeep me font encore plus ressentir le manque d'oxygène. Je regarde par la fenêtre ouverte, des gens dehors qui se réchauffent autour d'un feu de plastique et je me dis qu'ils sont tous en train de respirer sans s'en rendre compte. C'est tellement important de respirer ! Quand on arrête, on meurt ! Avec mon souffle si court je prends conscience que la qualité de l'air est d'une importance majeur. Ne pouvant inspirer qu'un tout petit peu à la fois, la moindre pollution de l'air réduit encore plus l'oxygénation de mon corps. De temps en temps, le docteur inquiet conduisant la jeep se retourne pour voir si je vis encore. Alice me tient fort la main. Arrivé à l'hôpital, la prise en charge est directe. Un médecin me demande de m'allonger, mais je suis recroquevillé et j'ai toutes les peines du monde à déplier mon corps. Pour l'électrocardiogramme, une jeune infirmière essaye en vain de me poser des ventouses sur le torse. Je lui dis que si elle veut elle peut me raser, mais elle s'obstine et devient rouge comme une tomate. Juste après, une radio des poumons confirmera mon diagnostique. C'est une pneumonie. Le médecin de l'hôpital me donne un traitement antibiotique lourd et des anti-inflammatoires. Je prends une première rafale de cachets et dans le bureau du médecin, nous attendons une heure que les médicaments commencent à faire leur effet. Je reprends un peu de souffle et accepte le thé qu'il nous offre. Il n'est pas question de rester trop longtemps dans cet hôpital sale, où l'intimité n'existe pas et les consultations ainsi que les urgences s'effectuent sous le regard des curieux. Une grande pièce accueille tous les lits et les malades qui auraient besoins de repos doivent supporter le bruit ambiant, le mouvement incessant, les visites des familles, la fumée et la poussière qui vient de dehors et la lumière des néons 24h sur 24. Quand je suis un peu mieux, mon médecin sikh nous ramène au Gourdouara (le temple Sikh). Sur la route, un brouillard épais comme on n'a jamais vu nous oblige à rouler au pas en nous guidant le long du fossé. Heureusement qu'il n'y avait pas encore cette purée de pois il y a 3 heures de cela.

    Le lendemain matin, le docteur Rajkumar vient me voir avec son riz sur le front. Il s'inquiète de ma santé et viendra me voir presque tous les jours. Il me force à sortir de la chambre et demande à ce que l'on m'installe sur le toit du Gourgouara pendant la journée lorsqu'il y a du soleil. Il prend le temps de boire un thé avec nous et nous discutons du voyage. Il me demande d'être patient car même après le traitement je vais rester fragile et je ne pourrais pas pédaler tout de suite. Le traitement est validé par Claude Landos mon médecin français qui avait diagnostiqué la pneumonie dès les premiers symptômes qu'Alice lui avait décrit dans le message Internet.

    Nous commençons à reprendre espoir, nous qui étions prêts à nous faire rapatrier la veille. On se dit que l'on va tenter de se débarrasser de la pneumonie ici, à Nanakmata et que le voyage pourra reprendre doucement après.

    Pendant que je me repose, physiquement je suis très très fatigué par la maladie et aussi par le traitement plus le fait de s'arrêter de bouger tous les jours, Alice participe à la vie du Gourdouara.''

    Alice : ''Le matin, quand Cédric est dehors au soleil, je balaye la chambre, puis je vais aider les femmes du temple qui travaillent aux cuisines. Cuire les chapatis, nettoyer la vaisselle inox avec la cendre qui est le lave vaisselle probablement le plus efficace, le moins cher et le plus utilisé au monde. Pour le réveillon de noël, nous dinons à la bougie dans notre petite chambre du temple. Nous essayons de manger quelque chose qui sort de l'ordinaire. En apéritif, Cédric avale ses médicaments et en dessert je fais un crumble aux pommes avec des biscuits. Ce n'est pas mauvais mais on rêve d'un bon fromage bio de chez nous !  Autour de notre repas sans viande (puisque ce voyage a fini par nous rendre complètement végétarien), nous discutons tous les deux de tout puis de rien, nos rêves, nos expériences, notre voyage. Nous repensons à toutes ces situations drôles ou dramatiques que nous vivons et auxquelles nous devons toujours faire face ensemble. Une fois couchés, sous la tente que nous avons installée sur le lit pour nous protéger des moustiques, il nous semble entendre un bébé pleurer sur la route. C'est la nuit de Noël ! Et si c'était le petit Jésus ? Nous enfilons rapidement nos habits et nous allons voir. Nous ne trouvons pas de bébé, par contre, en retournant au temple nous trouvons la grille fermée. Nous avons beau appelé, personne ne vient nous ouvrir. Il nous faut escalader la grille.

    Pour ce noël, pas de cadeaux. Il n'y a que Raju, un jeune indien très attiré par Cédric qui vient nous apporter une carte de Noël avec un petit bouquet de roses.''

     

    Le Docteur Rajkumar nous balade un peu dans sa voiture. Il nous montre le barrage qui a cédé lors de la dernière mousson; il nous fait visiter son hôpital et son logement de fonction où il reçoit les nombreux VRP qui viennent toujours avec un petit cadeau pour tenter d'acheter le médecin. Rajkumar apprécie les petits cadeaux ce qui ne veut pas dire qu'il va acheter les produits du labo.

    Il nous montre ses encyclopédies médicales et nous explique comment il travaille.

     

    Dans le Gourdouara, nous rencontrons Navdeep et Navneet, deux soeurs qui viennent spécialement pour nous voir. C'est leur grand oncle Bapou, le vieux sikh adorable du temple qui les avait informées de notre présence. Comme entre Bapou et nous la communication est difficile, il leur a demandé de venir traduire. Elles parlent très bien anglais et Navneet, l'ainée est dans une école catholique où le rythme est complètement fou. Elle ne peut dormir que 2 heures par nuit. De plus le régime alimentaire est très strict et les filles ne peuvent pas toujours manger à leur faim. Alors essayant de tromper la surveillance des ''soeurs'', elles se débrouillent pour faire entrer frauduleusement de la nourriture dans l'école. Elles nous invitent chez elles et nous nous lions vraiment d'amitié avec toute la famille.

     

    Cédric : ''Toujours sous antibiotiques, les journées passent tout doucement.  Baba Soni, le ''chef'' de la ferme du temple vient souvent nous rendre visite.  Parfois nous allons faire un tour dans le seul cybercafé du village, mais il est complètement impossible de travailler sur le blog ou le site internet. L'ordinateur est bourré de virus qui font que la connexion s'arrête toutes les 2 minutes, l'ordinateur redémarre toutes les 15 minutes et il y a une coupure générale d'électricité de 20 minutes toutes les heures. Nous ne payons qu'une fois sur deux et avec de la chance il nous arrive parfois de lire quelques mails et avec beaucoup de chance nous pouvons y répondre.

    3 jours avant la fin du traitement antibiotique, je ressens des effets secondaires de plus en plus désagréables. Fatigue extrême qui fait que je suis capable de dormir toute la journée, mais le pire, c'est le goût et l'odorat qui deviennent hyper sensibles. Je perds complètement l'appétit et rien que le fait de penser à de la nourriture ou de sentir quelque chose, me donne envie de vomir. Mon plat quotidien se résume à quelques biscuits le matin, puis une carotte arrosée de jus de citron le soir. Les médicaments sont terminés le 31 décembre. Je n'ai pas de temps pour m'en remettre car c'est le réveillon du nouvel an et le docteur Rajkumar souhaite que nous le passions ensembles chez lui à Katima, la ville voisine.''

     

    Le nouvel an 2009

    Ce soir 31 décembre, Rajkumar vient nous chercher avec sa petite voiture de médecin. Il nous fait énormément rire avec sa manie de faire le plein plusieurs fois par jour. Il met deux litres d'essence et son challenge est d'aller le plus loin possible avec ça. Il roule donc presque toujours sur la réserve. A Katima, nous rencontrons sa femme et sa fille de quelques mois, toutes les deux adorables. L'histoire de leur mariage est assez marrante, car comme la quasi-totalité des mariages indiens, le choix est imposé par les parents. Les sentiments d'amour ne rentrent donc pas en ligne de compte et les époux ressemblent plus souvent à des partenaires qui ont la charge de gérer et construire un foyer qu'à des amoureux. Pour Rajkumar et sa femme, ils ont été mis en relation par leur parents respectifs, mais tous deux s'étaient mis d'accord sur le fait qu'ils ne voulaient pas se marier. Rajkumar entre autre souhaitait voir du pays, travailler la médecine un peu partout et ne pensait pas du tout à fonder une famille. Ce point commun les a peu à peu rapprochés et finalement ils se sont mariés. Non seulement pour la satisfaction de leurs parents mais en plus par amour réciproque.

    Vers 20h, Rajkumar nous emmène dans une salle des fêtes qui ressemble plus à une usine désaffectée. Un parquet de danse lumineux du genre ''année disco'' a été monté et la musique est diffusée par un ordinateur commandé par 3 adolescents. A l'intérieur du bâtiment, un feu de camp allumé à même le sol, réchauffe un groupe de femme. A l'extérieur, un autre feu de camp réchauffe un groupe d'hommes.

    Cédric : ''C'est en fait un réveillon entre médecins et si les hommes sont à l'extérieur c'est parce que ce soir c'est la fête et qu'ils ont décidé de boire de l'alcool. Et comme me l'explique Rajkumar :”En public les mâles ne peuvent pas boire de l'alcool devant les femelles''. Quand je les vois tous se servir du whisky avec de l'eau et qu'ils m'en proposent, je demande d'abord avis à mon médecin, car je suis encore très fragile et fatigué par la pneumonie. Celui ci me répond qu'un verre ne me fera pas de mal. Il a sans doute raison mais à leur grand étonnement, je refuse de boire un whisky avec de l'eau préférant le prendre sec.''

    En fin de soirée, tout le monde est convié à danser. Toutefois femmes et hommes piétinent la piste à tour de rôle. Nous essayons d'adopter le rythme des danses indiennes.

     


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    7 décembre (87 km) et jusqu'au 14 décembre à Rishikesh

    Départ de Navdanya. Nous saluons tout le monde et nous faisons un bout de chemin avec quelques participants sur la piste de sable qui mène à la route. Tous vont prendre un bus vers Derah dun et nous les suivons de loin avec nos vélos. Juste avant de partir, Paolo et Francesco les deux ''bio italiens'' nous ont signalé qu'ils se rendaient ce soir à Rishikesh, la ville autoproclamée ''capitale mondiale du yoga'', à environ 70 km de la ferme. Nous décidons de nous donner rendez vous le soir dans cette ville pour boire un coup. Nous verrons ainsi qui du bus ou du vélo est le plus rapide. En chemin, nous allons voir la grande statue du Bouddha située à Clement Town, puis par la même occasion, nous tentons un raccourci par les petites routes. Manque de pot, c'est une zone militaire, nous devons faire demi-tour jusqu'à Derah dun. Avec plus de 2 heures de retard, nous décidons de pédaler sérieusement si l'on veut rejoindre les italiens ce soir. Mais sur la route il y a un trafic de folie, et nous devons affronter une multitude de dangers publics, spécialement les gros taxis jeep et les Bus très nombreux dans ce secteur.

    Cédric : '' Lors de la traversée d'une ville, un bus s'arrêtant prendre des passagers s'est rabattu sans voir Alice et l'a fait tomber. J'étais moi aussi coincé juste derrière et au niveau de la porte du bus, le sifflet à la bouche, j'ai sifflé de toute mes forces ce qui à stoppé net le chauffeur qui s'apprêtait à écraser Alice. Une rage, une colère m'envahi et l'envie d'étrangler ce danger public mais l'urgent c'est de voir où en est Alice. A priori, elle s'en sort pas mal et le vélo n'a pas grand chose.''

    Le reste du chemin nous maudissons tous les véhicules à moteur et supplions Dame Nature de bien vouloir se vider subitement de toutes ses ressources de pétrole. Il faut dire que lorsque l'on respire les sacs plastiques brulés, que l'on a le nez du matin au soir dans la fumée noire des pots d'échappements, que l'on a  le bruit des klaxons dans les oreilles et des chauffeurs qui sont autant de criminels en puissance, et bien la fin du pétrole, on en rêve toutes les nuits !!!

    Au crépuscule nous arrivons enfin au point de rendez vous et OH SURPRISE !!! Paolo et Francesco ne sont pas seuls. Delia et Max les accompagnent. Nous restons donc une semaine ensemble à discuter sur tout et n'importe quoi, à visiter la ville, croiser les vaches naines brouteuses de papier et plastique partout dans les rues jusque dans les restaurants (et pas dans l'assiette), combattre les macaques voleurs qui sautent brusquement de nulle part et volent la nourriture dans notre assiette ou nous prennent le pain de la bouche. Nous avons aussi quitté la jungle de la ville pour de longues promenades dans la vraie jungle. Le lendemain de notre arrivée à Laxman Jula l'endroit exact où nous nous trouvons à coté de Rishikesh, nous croisons Ricardo et Rachel, deux autres participants des rencontres de Navdanya. Nous sommes donc un groupe de 8 écolos et autant dire que malgré ce point commun, les débats et échanges de point de vue ont été riches durant cette semaine. Entre Ricardo le Vénézuélien qui ne peut se passer de manger de la viande tous les jours et Paolo qui est persuadé que la voiture même en usage limité reste absolument nécessaire, la semaine a été constructive pour tout le monde.

     

      

    15 Décembre 2008 (20 km)

    Nous avons eu du mal à quitter Rishikesh. Tout d'abord, envoyer un paquet en France, ensuite consulter une dernière fois nos mails, aller dire au revoir aux copains et à la grande cascade dans la jungle. Donner une petite interview à Delia pour qu'elle fasse paraitre un article sur le projet Portrait de Planète à son retour en Espagne. Il est presque 15 heures lorsque nous partons. Enfin, il ne nous reste plus que 2 heures à pédaler avant la nuit. Nous choisissons une toute petite route partiellement bitumée qui monte, monte, monte dans la montagne. Nous nous enfonçons dans la jungle et finalement, on se dit que le premier endroit plat sera notre campement et qu'il ne faudra pas trop faire les difficiles. Soudain, une clairière, des buffles, des singes et ... 2 belles huttes cachées sous les arbres à 200 mètres de la route. L'endroit est irréel. Dans le soleil couchant, les grandes huttes sont si belles, constituées essentiellement d'une très grande toiture en paille et d'un mur en terre crue de 1.80 mètre de haut. De la fumée s'échappe des ouvertures, il n'y a pas de porte. Les étables sont toutes faites en branches et feuillage de la jungle. Derrière nous, dans la cime de grands arbres, ce ne se sont pas seulement des singes qui sont en équilibre sur ces branches, mais aussi des femmes qui coupent des feuilles fraîches pour nourrir le bétail. L'une d'elles nous fait signe d'aller dans la maison. Nous pensons en profiter pour demander l'autorisation de camper. Une femme nous propose d'entrer dans sa hutte boire un thé. Pour ce qui est de poser la tente quelque part, il faut s'adresser à l'homme, chef de famille, qui est alité et souffre à de nombreuses articulations. Il nous montre les nombreux médicaments que l'hôpital lui a prescrits. On dirait qu'ils attendent de nous une confirmation du diagnostique et une quelconque critique sur le traitement. Nous essayons de leur faire comprendre que nous ne sommes pas médecins et que même avec notre allure d'extra-terrestres bénéficiant de toutes les technologies modernes, nous n'avons pas la science infuse. Apres le thé au lait de bufflonne, avec l'accord du chef, nous allons nous installer à 300 mètres des habitations. La tente montée, le diner finissant de cuire sur les braises du feu de bois et de bouses séchées, des enfants accompagnés d'un vieil homme nous demandent de bien vouloir plier la tente et de nous déplacer pour aller plus près de chez eux. Leur argument nous a fait bien rire au début, mais l'expression de leur visage nous a fait comprendre qu'ils ne plaisantaient pas. Chaque nuit, la fontaine du camp est visitée par les éléphants et nous nous sommes installés en plein sur leur passage. Ils nous aident tous à remonter le camp entre les deux huttes. Il y a dans ces deux familles au moins une vingtaine d'enfants. Tous ne vont pas à l'école. Tout d'abord, parce qu'ils n'ont pas assez d'argent et ensuite parce qu'il y a beaucoup de travail à la ferme. Dans malheureusement beaucoup de familles pauvres, on fait des enfants d'abord pour travailler et rapporter de l'argent comme on embauche des ouvriers. Les sentiments d'amour sont complètement absents. Comme le chantait Brassens ''me parlez pas d'amour ou je vous fiche mon poing sur la gueule, sauf le respect que je vous dois''. Tous les enfants sont très curieux et essaient de répéter ce que l'on dit en français. Ils insistent également pour qu'on leur donne un papier et un crayon pour écrire leur nom. Pour ce qui est des animaux de la jungle, ils les connaissent parfaitement car ils vivent avec. Ils n'ont jamais entendu parler de Mowgli et du livre de la jungle, ils n'ont pas la télé, pas de livres mais lorsqu'ils miment les animaux comme Baloo, Baguera ou Ati (ours, panthère ou éléphant en Hindi), on constate qu'ils ont une vraie connaissance de la jungle. Pendant la nuit, nous ne verrons pas les grandes trompes cachées dans l'obscurité et la brume, mais juste quelques sangliers venus roder près des maisons.

     

    16 décembre 2008 (70 km)

    Pour ne pas rester trop longtemps et perturber ainsi la vie du ''clan'', nous décidons de partir le plus vite possible sans prendre de petit déjeuner. Il fait très froid ce matin et pour la première fois nous devons sortir les gants. Les feuilles sur la routes, les branches cassées et les grosses crottes encore fumantes, nous indiquent que la nuit a été festive chez les éléphants. Régulièrement, des panneaux indiquent le croisement avec une route pour pachydermes. Le petit déjeuner a lieu dans la jungle, écartés de la route, nous prenons un immense plaisir à regarder la nature si vivante et si belle au lever du jour. En quittant la jungle, nous commençons par nous arrêter boire un thé dans un bouiboui. Juste derrière l'échoppe, des éléphants sans défenses (au figuré comme au sens propre), les pattes enchainées et guidés à grands coup de bâtons nous font pitié. Ces grands esclaves assurent des vacances inoubliables aux touristes qui se baladent sur leur dos et sans compter que ces safaris rapportent beaucoup d'argent, ce manque de respect total à leur égard nous dégoute. Plus loin sur la route, un soi-disant médecin nous arrête. Il nous propose de dormir dans son temple décoré de gigantesques statues de dieux divers. Un gros chien berger allemand monte la garde de ce lieu lugubre. Nous acceptons quand même le thé qu'il nous offre de bon coeur et nous repartons. Apres être passés à coté de la plus grande décharge de notre vie, c'est à dire des kilomètres et des kilomètres de déchets accumulés le long de la route, formant un véritable fleuve d'emballages plastiques, nous quittons complètement les paysages de jungle pour des zones plus plates de forêts monotones constituées d'une seule espèce d'arbre plantée en ligne à la manière des Douglas du Limousin. A une intersection, nous commettons l'erreur de demander notre route à des policiers. Ils sont tous un peu tarés, surtout un qui se prend pour un macaque (d'ailleurs nous avons fini par nous demander si se n'était pas un macaque en uniforme). Ils nous offrent un thé (encore un) et nous repartons. C'est absolument incroyable comment tout peut changer en une poignée de kilomètres. En seulement 5 km, nous passons de la forêt, du chant des oiseaux, des éléphants, de l'air pur, du ciel bleu, à un spectacle de désolation. L'air devient nauséabond, le ciel s'assombrit, ce n'est pas la nuit qui arrive mais c'est toute cette fumée qui sort des cheminées, puis à bien y regarder sur la carte nous ne sommes plus très loin de Delhi au nord, c'est peut être le vent qui nous ramène tout ce nuage de pollution. Dans cette brume à l'odeur de plastique brulé, la campagne est bien moins accueillante. Les gens ont pour beaucoup perdu le sourire. Au bord de la route et dans les marécages, pourrissent des carcasses de bovins qui se font dévorer par les chiens et les corbeaux. Nous pédalons depuis un bout de temps dans cet univers et la nuit fini par arriver sans que nous ayons trouvé où dormir. Soudain une station service avec un jardin potager. Un carré d'herbe bien plat pour nous accueillir et de grandes fleurs pour nous cacher de la route. Le jeune patron de la station nous autorise à dormir ici, nous sommes sauvés.

    Cédric : ''Depuis notre semaine avec les copains à Rishikesh, je sens que mes cervicales ne sont plus très bien en place, à cause probablement du lit et du gros oreiller. Une douleur dans la nuque finit généralement par me provoquer une migraine. Après trois jours d'un mal qui couve, il explose à 17h30 alors que nous commençons à diner derrière la station. Je tente d'aller me reposer tout de suite sans prendre de cachets mais à 19h30, le mal s'aggrave et je ne suis vraiment pas bien. J'ai beau m'enfiler deux cachetons derrière la cravate, ça ne passe pas. C'est un vrai moment en enfer, il n'y a pas d'autre mot. Toutefois, dans cet univers fait de souffrance, il y a Alice qui veille sur moi. Elle me donne des boules quiès pour lutter contre le bruit du vieux groupe électrogène qui pue à 10 mètres et qui tente de pallier aux coupures d'électricité. Elle me met de l'huile essentielle de menthe sur les tempes et de l'enfer où je suis plongé, j'arrive quand même à percevoir ses massages sur mes mains. J'essaye de m'accrocher à ce petit bonheur jusqu'a ce que je m'endorme. 23h30, je me réveille complètement trempé. J'ai beaucoup moins mal à la tête, l'orage est passé mais j'ai sué à grosses gouttes. Tout est trempé, l'oreiller, le drap, le duvet... Je pars en expédition prendre une douche glaciale aux toilettes avant de finir la nuit paisiblement''.

     

    17 décembre 2008 (65 km) Une journée pour rien

    Nous discutons un bon moment avec le patron de la station. C'est quelqu'un de très gentil, respectueux et honnête. Il nous offre un thé, nous le remercions et nous redécollons direction Najibabad. 10km plus loin, c'est la ville. Tout de suite nous la sentons très hostile et nous essayons de la quitter le plus vite possible. C'est très très sale, très, très pollué, plein de monde, surtout des hommes et pas les plus respectueux. Lorsque l'on s'arrête 5 minutes dans la ville, acheter quelques bananes, c'est tout de suite 200 hommes qui nous encerclent et nous fixent comme des bêtes. Ils se rapprochent au point que nous ne puissions même plus bouger. Dans ces cas là, il faut s'imposer et ne plus avoir peur du contact. Nous donnons des coups de derrières, faisons de grands gestes, remontons sur nos vélos et sans attendre que la foule se disperse il faut commencer à pédaler au risque d'en bousculer quelques uns. Sur la route pour Kotwara, nous traversons une belle forêt où le WWF a posé son empreinte sur tous les panneaux. Nous espérons que tous ces messages écrits en hindi et parfois traduits en anglais, font leur bout de chemin dans la tête des passants. Par exemple : ''La terre est notre unique planète, respectons la comme notre mère''.

    A Kotwara, nous ne trouvons pas la route qui mène à travers la jungle. Nous demandons à plusieurs personnes et toutes nous répondent la même chose : ''Il n'y a pas de route, seulement une piste et les vélos et piétons y sont interdits, à cause de la présence massive d'éléphants et d'animaux sauvages". Résignés, nous faisons demi-tour, même si nous nous sentons souvent plus en sécurité au milieu de ces animaux dits sauvages qu'au milieu de certains hommes. Dans la forêt où nous étions passés le matin, des policiers nous arrêtent. Ils nous offrent un thé et nous prennent tous en photo avec leurs portables.

    Cédric : ''En fait, ils sont tous un peu obsédés par Alice et la photographie sans cesse. L'un d'eux, véritable malade sexuel, nous montre des images de pin-up sur son portable et nous les présente comme membres de sa famille, soeur, belle soeur, ou femme numéro 1, 2, 3 ... 7 ou encore maîtresse numéro 1, 2, 3, 4, .... 11. Il nous propose ensuite de passer la nuit dans sa petite chambre de fonction en nous promettant qu'il n'y aurait pas d'attouchement (promesse qu'il ferait mieux d'éviter). Pas convaincus du tout par cette option, nous demandons s'il est possible d'aller plus loin pour camper. Ils sont d'accord et nous allons près des pépinières, à coté de la maison des gardes forestiers, beaucoup moins excités et plus respectueux que ces obsédés de policiers. Nous sommes prêts à poser les sacoches quand ces derniers reviennent à la charge mais nous demandent cette fois-ci de bien vouloir partir sur le champ. Devant ce changement radical de ton, nous préférons partir sans poser de questions. C'est presque certain, ils auraient préféré que nous dormions dans leur chambre''.
    De nouveau sur les vélos, nous les remercions pour leur hospitalité et nous reprenons notre route. Quelques kilomètres plus loin, le soleil orange a déjà disparu et nous ne pouvons pas prendre le risque de retourner de nuit dans cette horrible ville qu'est Najibabad. Nous stoppons dans un champ de canne à sucre. Un petit carré tout juste assez grand pour installer la tente, nous posons les vélos, mais... deux motards nous ont repérés et se sont arrêtés discuter avec des femmes un peu plus loin. 5 minutes plus tard, assis derrière un motard, fusil de chasse canons 12mm juxtaposés à la main, un policier puant l'alcool vient nous faire gentiment déguerpir du champ sous les yeux à moitié désolés des paysannes qui commençaient à comprendre que nous ne voulions rien faire de mal, à par dormir. On reprend les vélos et nous nous arrêtons plus loin dans un genre d'ashram. Nous demandons si nous pouvons poser la tente dans le jardin. Ils nous répondent que non, par contre ils peuvent nous proposer une chambre vétuste pour 200 roupies. Il y a pourtant de la place dehors, nous insistons, ils refusent. Nous remontons sur les vélos, il fait nuit. Soudain, une école. Nous demandons à un instituteur qui était encore là : nouveau refus en raison de la présence d'animaux sauvages la nuit dans l'école (mais bien sûr monsieur le professeur, il nous prend encore pour des touristes celui-là). A nouveau sur les vélos jusqu'au prochain refus, nous voici en plein coeur de la ville. Nous demandons à une station service : NON !!! Mais cette fois-ci, on nous invoque une raison plus plausible, cette ville a très mauvaise réputation et il ne fait pas bon dormir dehors. On nous oriente vers un hôtel de luxe. Le prix de la chambre est exorbitant. Nous demandons à dormir dans le jardin, évidemment, c'est non. Nous ne sommes pas vraiment sans abris puisque nous avons une tente, mais sans place pour nous installer, l'inquiétude grandit et nous sommes tous les deux près de craquer ! Une dernière info nous conduit dans un hôtel*** sponsorisé par Coca-Cola. Une cour intérieure avec une belle pelouse serait parfaite pour nous mais on nous impose la chambre à 350 roupies entre la voie de chemin de fer et le gros groupe électrogène. Complètement extenués au bord des larmes, nous acceptons. Tout de suite le ton est donné, on nous demande de rentrer les vélos dans la chambre car même dans le hall de l'hôtel, on ne nous garantit pas la sécurité. Pendant la soirée alors que nous étions déjà au lit, quelqu'un frappe à la porte, nous demandons qui est-ce ? Pas de réponse. Ca sonne, resonne, frappe à la porte, essaye d'ouvrir la porte, mais ça ne dit jamais son nom. Au bout de 20 minutes de ce petit jeu débile, nous essayons de voir par la serrure qui cela peut-il bien être ? Manque de pot, le gars se cache derrière la porte. Compte tenu de la réputation de cette ville, nous hésitons à ouvrir. C'est étrange, quand nous demandons qui est-ce, jamais de réponse. Enfin décidés à ouvrir la porte, le solide bâton qui sert de béquille de vélo à la main, prêts à en donner un grand coup sur ce personnage dont on ne sait pas s'il nous veut du bien. 1, 2, 3 on ouvre la porte ! Plus personne. Nous nous recouchons et ne dormons que d'un oeil.

     

    18 décembre (65 km)

    Ce matin très tôt, nous sommes toujours au lit, ça recommence à frapper et à sonner à la porte. Fou de colère, nous nous habillons, le bâton en l'air, nous ouvrons et qui voit-on ? Le garçon de chambre tranquillement installé à la porte en train de lire le journal qu'il nous apportait.  Nous lui faisons comprendre que nous aurions préféré dormir encore un peu, plutôt que de regarder les images d'un journal écrit en Hindi. Quelques minutes plus tard, le gars revient nous demander si nous voulons prendre un petit déjeuner. NOOONN !!!!!

    Décidés à fuir ce lieu au plus vite, nous faisons rapidement le paquetage et nous partons.... pas sur la bonne route. Ce n'est pas très grave car c'est une route plus tranquille. En Inde, nous voyons toujours des choses incroyables, comme ce barbier installé en pleine campagne, au bord de la route. Une petite glace et une tablette accrochées sur le tronc d'un arbre, quelques ciseaux, savons, après-rasage, et un bonhomme qui se fait couper les cheveux sous le regard bovin des buffles qui tractent des remorques de canne à sucre. En passant dans les villages et petites villes, nous sommes effarés par la crasse qui règne partout. L'Inde serait tellement plus belle sans tous ces plastiques qui brulent sur le bord des routes, sans l'huile de vidange qui noircit un peu plus l'eau croupie des plans d'eau, sans tous ces chiens galeux, porcs, vaches et enfants qui cherchent subsistances dans les gros tas de déchets ici et là. En milieu d'après-midi, une moto, des journalistes nous arrêtent. Ils prennent des photos et nous posent seulement 3 questions. D'ou venez-vous ? Comment vous appelez-vous ? Où allez-vous ? Avec ça nous verrons demain qu'ils ont réussi à faire un gros article sur nous. Qu'est ce qu'ils ont bien pu raconter ?

    A la tombée de la nuit, nous demandons hospitalité dans une ferme. Le propriétaire est un Sikh très gentil qui possède aussi un palace, autrement dit, une grande salle de fête louée pour les mariages. Il nous propose de passer la nuit dans le Palace. Sur le chemin de la ferme, nous découvrons une quantité incroyable de bidons de produits phytosanitaires disséminés autour de la pompe à eau. Il est gentil mais comme la plupart des paysans de la caste des Sikh ce n'est pas un Bio. Nous essayons de parler de la ferme de Navdanya qui fonctionne très bien et obtient de très bons rendements sans aucun produit chimique et en utilisant des semences traditionnelles, mais apparemment ses amis que nous rencontrons le soir sont le commerçant de pesticides et le banquier.

     

    19 décembre (68 km)

    8h00, nous sommes attendus pour le petit déjeuner. Un marchand de miel passe dans la ferme, il nous offre une bouteille de miel de jungle, d'un goût assez léger, on dirait presque du sirop de canne. Ce matin, il y a un brouillard bien épais qui rafraîchit l'air. Vers midi le soleil a fini par prendre le dessus sur la brume. Les abords de la grande route ne sont guère accueillants. Tout est très sale et excessivement pollué par les plastiques brulés. Le trafic routier est incessant et nous ne sommes jamais tranquilles. Le midi, pour manger, nous bifurquons sur une petite route qui se transforme rapidement en chemin. Même ici il y a tout le temps du monde. Alors évidemment, au détour d'un virage, lorsque nous voyons ces arbres aux branches basses et personne devant nous, sans hésiter un seul instant, nous fonçons nous cacher. Enfin tranquilles, nous pouvons manger. Sauf que même ici, nous ne sommes pas seuls. Un couple de paysans vient à notre rencontre. Ce sont les propriétaires. Nous leur expliquons que nous mangeons et que nous reprenons la route juste après. Ils sont très gentils et nous invitent chez eux. Nous pouvons y manger, dormir et repartir demain. Un peu désolés de refuser leur invitation, nous acceptons juste le thé et quelques biscuits. Avant de repartir ils nous font visiter leur maison et nous offrent un moli (genre de gros radis) qu'ils arrachent de leur champ. De nouveau nous mettons le cap plein Est, direction le Népal. Nous sommes maintenant à 150 km de la frontière. C'est sûr (pensons nous), nous serons au Népal pour Noël. En fin de journée, nous bifurquons à nouveau de la route principale en espérant trouver un endroit tranquille pour passer la nuit. Une belle maison avec une pelouse bien plate serait parfaite. Nous commençons à entrer dans le jardin quand un Sikh sur un tracteur nous demande ce que nous voulons. Sans autre explication, il refuse que nous allions demander dans cette maison qui n'est pourtant pas la sienne. Soudain un autre sikh arrive en moto. Les deux hommes discutent et le motard nous invite chez lui. Mieux que la tente, selon lui, nous sommes ses invités et nous auront droit à un vrai lit. Pour plus de sureté il fait entrer les vélos et tous nos bagages dans sa nouvelle maison en béton. Il n'y a aucune finition ni dehors ni dedans et visiblement il n'y en aura jamais. Ce sera du béton gris pour la vie. Notre langage est limité néanmoins nous arrivons à nous faire comprendre. Très fier de son exploitation, il nous fait visiter sa ferme. Dans la cour, la remorque pleine de cannes à sucre est attelée au tracteur, prête à être conduite à l'usine de raffinement. Au passage il prend une canne qu'il nous offre comme une friandise. A son grand étonnement, nous savons comment manger de la canne à sucre brute. Sur la route, nous avons regardé les enfants prendre la canne à un bout, l'éplucher avec les dents en arrachant l'écorce puis en croquant à pleine dents dans la pulpe sucrée. Toutefois nous ne sommes pas si enjoués de manger de cet hybride PE105 ou quelque chose comme ça, issu des labos de l'agro-business et ayant poussé dans des sols riches en pesticides et engrais chimiques divers. Les Sikhs, bien que très gentils, serviables et hospitaliers sont aussi les plus gros agriculteurs pollueurs de l'Inde. Notre hôte nous fait visiter le hameau habité pour la plupart par la famille. Une de ses nièces parle très bien anglais et nous restons un moment dans sa maison. Deux heures plus tard en allant préparer notre lit pour la soirée nous découvrons que toutes nos sacoches ont été maladroitement fouillées. Très facile à vérifier car tout est organisé et rangé de telle manière que si l'on ne connait pas la combine, il est impossible de refermer les sacoches. Notre Sikh ne comprend pas ce qui ce passe, il était avec nous tout le temps. Mais un regard sur sa fille, sa femme et l'un de ses petits fils suffit à cerner les coupables. Depuis la cuisine, visiblement très mal à l'aise, ils nous observent vérifier tout le contenu de nos sacoches. Nous leur faisons comprendre que nous ne sommes vraiment pas contents et que s'ils avaient souhaité savoir ce que nous transportions, ils n'avaient qu'à le demander. La confiance que nous avions envers eux est tombée et l'ambiance à été beaucoup moins chaleureuse jusqu'à notre départ.

    La nuit est très courte. Ils se couchent très tard. La moustiquaire qu'ils ont mise à notre disposition n'empêche pas quelques moustiques parmi les centaines qui tournent autour de nous de venir nous piquer. En plus pendant la nuit, ils dorment la lumière allumée, un couple fait l'amour, le bébé pleure, un frère débarque au milieu de la nuit avec sa moto et entre dans la maison. A 4h du matin, tout le monde se lève. Le père fait sa prière, le marchand de lait vient collecter le lait de la ferme. Les femmes font leur toilette et préparent à manger. Enfin, le soleil pointe son nez, la lumière est enfin éteinte.

     

    20 décembre (91 km)

    Avant de partir, notre hôte nous indique un endroit ou nous pourrons passer la nuit prochaine. Il s'agit du temple Sikh de Nanak Mata à environ 90 km. Nous le remercions et nous partons avec des poches de fatigue sous les yeux. Comment font-ils pour dormir si peu ? Sur la route, c'est toujours le même trafic et les mêmes gars en moto ou en voiture qui nous doublent et s'arrêtent juste devant pour nous voir passer et recommencent leur cinéma 3 ou 4 fois. Dans la ville désorganisée de Kicha, nous cherchons notre route quand un homme crade postillonnant son tabac à chiquer sur nous quand il parle, nous demande de suivre sa jeep. Il veut juste nous mettre sur la bonne route. C'est très gentil à lui et nous acceptons. Toutefois, nous croisons des doigts pour qu'il ne nous parle plus. Soudain, il s'arrête devant un poste de police, sort de son véhicule et va tout de suite serrer la main des policiers. Il pose sa vieille veste bleue déchirée et sort de sa poche son béret et son sifflet. Il apparait alors comme le chef de la police. Il donne ses ordres, remonte dans sa voiture et nous postillonne qu'il va nous escorter jusqu'au Népal ! Nous essayons de lui expliquer que ça va aller, que l'on va se débrouiller, rien à faire, il prend cette mission au sérieux. Nous le suivons donc sur cette route, ou plutôt cette piste crade et poussiéreuse. Plusieurs fois il s'arrête pour nous parler, cracher sa chique et baver sur son uniforme. A quelques kilomètres de la ville, il s'arrête enfin et nous souhaite bon voyage. Nous le remercions de nous avoir crachés dessus si bien et il nous répond qu'il n'a fait que son devoir. Le midi, nous nous arrêtons manger à l'écart de la route, dans une bananeraie. Les pauvres gens qui travaillent là (principalement des femmes) ne comprennent pas ce que nous faisons. Quand le chef arrive, nous nous faisons gentiment virer de la propriété. Nous nous installons donc au bord de la route devant la grille et nous mangeons sous leurs yeux désolés.

    Alice : ''En reprenant la route, Cédric a comme une douleur dans les côtes, comme un point de coté qui l'empêche de respirer correctement. En plus chaque trou sur la route le fait grimacer de douleur. Il sent qu'il a de la fièvre. Que faire ?  Nous sommes au milieu des champs et il reste 30 km pour arriver au temple.''

    Cédric : ''Non sans mal, nous arrivons à Nanakmata. On s'arrête dans le premier temple Sikh que l'on voit. En plus de la douleur dans les côtes et de la fièvre qui est de plus en plus forte, j'ai une énorme envie de pisser. Dans le temple, il n'y a que des vieux qui ne comprennent rien. Nous essayons de leur expliquer qu'on veut aller aux toilettes, rien à faire. Un vieux me demande de me déchausser et de me couvrir la tête. Malade ou pas, je suis dans un temple Sikh, il faut respecter la religion. Il me demande de me laver les mains. Manque de bol, pas d'eau au robinet. Un autre vieux revient quelques minutes plus tard avec un pichet d'eau. Je me lave enfin les mains et demande toujours à aller pisser. Le vieux barbu me fait monter les escaliers et ouvre la porte du temple. Il n'y a que le livre sacré, des instruments de musique et des décorations religieuses. Je me retourne et me demande s'il n'est pas en train de se foutre de ma gueule et il me fait signe de faire le tour de la pièce ce que j'exécute sans perdre de temps. En ressortant il me montre une boite à dons. J'ouvre mon porte monnaie qui par malchance est vide de chez vide. Le vieux me sourit, me tape sur l'épaule, l'air de dire “ce n'est pas grave mon p'tit, allez, viens, on redescend”. En bas je retrouve Alice à qui j'explique que je n'ai toujours pas pu pisser, c'était juste le protocole d'entrée dans le temple. Un jeune sikh arrive et parle deux mots d'anglais. Je lui demande TOILETTE et il me montre un bâtiment de l'autre coté de la cour. Sans prendre le temps de remettre mes chaussures, j'y courre et me soulage. Enfin !!!

    Ensuite, la nuit arrivant, et mon état physique au plus bas, nous demandons s'il est possible de monter la tente sur l'herbe à coté d'un tas de bois. Les vieux qui sont là, semblent ne pas comprendre mais sont d'accords, jusqu'à ce que l'un d'eux arrive à nous expliquer que nous pouvons dormir dans une chambre.

    Ils nous guident dans une pièce équipée d'un grand lit et de toilettes. J'avale deux cachés contre la fièvre et me couche sans manger.''

     


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  • mardi 3 décembre (20 km) NAVDANYA

    Ce matin, nous sommes attendus pour le thé. Pas de prière mais le moment est venu de payer la nuit où plutôt de faire un ''don obligatoire''. Disons que vu la qualité de la chambre sans la douche, si on la compare à un hôtel, ça doit tourner dans les 150 à 200 roupies maximum. Comme la veille nous les avions entendus parler de prix et de quelque chose comme 500 roupies. Nous décidons de donner 250 roupies pour nous deux ce qu'il refuse en nous montrant sur son carnet à souche que quelqu'un avait donné 300 roupies il y a longtemps et que ce serait mieux qu'on donne la même chose. De toute façon il nous a imposé son tarif. Alors va pour 300. Pour ce prix là, nous qui voulions camper la veille, on aurait mieux fait d'aller à l'hôtel.

    Nous quittons vite ces lieux, direction les bureaux de Navdanya. Après avoir un peu tourné en rond, nous rencontrons enfin les salariés de l'association. Les bureaux se situent à l'écart de la circulation et au milieu d'un beau parc où nous aurions pu camper très tranquilles. Mais nous préférons ne pas y penser, ça nous fait trop de mal. Nous obtenons les informations nécessaires et précises pour nous rendre aux rencontres internationales sur la ferme expérimentale. En début d'après midi, après un petit message internet envoyé pour rassurer la famille, nous sommes sur la route. Ce que l'on ne sait pas c'est que l'Internet n'a pas fonctionné et que la semaine que nous avons passé à Navdanya qui s'ajoutait à déjà deux semaines sans donner de nouvelles à fini par vraiment inquiéter la famille (enfin... plutôt les parents de Cédric) qui a appelé l'ambassade de France à la rescousse. Cette dernière a fait des recherches très efficaces et a d'ailleurs retrouvé notre trace dans la ferme de Navadanya, perdue dans la campagne Indienne. Et puis nous avons par la suite reçu des messages d'espérantistes népalais contactés par l'ambassade de France au Népal qui nous recherchait aussi.

    En fin d'après midi, nous quittons la ''old shimla road'' et nous empruntons un petit chemin sur la gauche 15,5km après la grande horloge de Derah Dun. Des cailloux, puis du sable, puis enfin des chauffes eau solaires, nous sommes arrivés. ''Welcome to Navdanya''.

    Nagi fait partie de l'équipe qui travaille sur la ferme. Il nous accueille et nous présente le programme et le fonctionnement. Comme il n'y a pas assez de chambre, nous devons nous séparer et aller chacun respectivement dans le dortoir des gars ou des filles. Le programme des journées est très intéressant et ce qui nous rassure un peu, c'est que l'on ne fera pas que parler. Car selon eux, la participation financière ne fait pas tout et ils considèrent à juste titre que la participation physique est encore plus importante. Le matin donc, avant que ne commencent les conférences et débats, les participants au stage sont invités à travailler aux cuisines, dans les champs ou à l'entretien des bâtiments. C'est un peu le fonctionnement d'un Ashram à la mode Gandhi. A l'aube, pour ceux qui le souhaitent, il y a une séance de yoga, puis le petit déjeuner. En fin de matinée, et dans l'après midi se déroulent les conférences et ateliers. Le soir après le repas, il y a toujours un créneau de prévu pour le partage de connaissances ou la réflexion sur des sujets divers que chaque participant peut proposer. Les moments libres sont mis à profit pour lire les ouvrages très intéressants de la bibliothèque, discuter entre participants de tous pays ou bien redonner un coup de main dans les champs.

    ''Cédric : Pour ma part, je suis resté le plus souvent planté dans les champs, tandis qu'Alice restait scotchée le nez planté dans les bouquins de la bibliothèque''.

    Le premier jour après notre arrivée, un chercheur nous fait visiter la ferme. Nous découvrons l'ampleur des travaux réalisés ici. Cela n'a rien à voir avec une simple ferme de néo-baba-cool, refusant tout progrès technique et cultivant à l'ancienne avec des boeufs. Cette ferme est bien au contraire A LA POINTE DU PROGRES. Un laboratoire permet d'étudier les plantes, et les caractéristiques physico-chimiques du sol après telle ou telle culture. On étudie aussi les coéxistences entre plantes et recherche des techniques naturelles pour lutter contre les parasites.

    En allant visiter la banque de graines, nous traversons des champs où sont expérimentés en mélange de nombreuses plantes traditionnelles. L'idée étant de trouver les combinaisons les plus bénéfiques pour le sol, la qualité de la production, l'auto résistance face aux parasites et la régularité du rendement permettant au paysan d'étaler la récolte sur toute l'année et donc d'avoir un revenu régulier. Evidemment tous les produits chimiques sont exclus et la réponse est toujours trouvée dans la nature. Notre guide nous rappelle des choses simples : ''Il suffit d'être attentif et de bien observer le fonctionnement et la réaction des plantes et des insectes. Par exemple, si un insecte ravageur ne va jamais sur telle ou telle plante, c'est qu'elle n'est pas bonne pour lui donc elle aura peut-être un effet répulsif. Peut-être aussi que la plante sera toxique pour l'insecte, dans ce cas nous pourrons l'utiliser comme insecticide naturel.''

    Dans la Banque de graine, comme dans un temple (d'ailleurs c'est un peu un temple), nous devons poser nos chaussures. Il n'est pas question de rapporter des graines non-invitées sous nos chaussures dans le bâtiment. Après avoir franchi la porte, plusieurs armoires s'étalent devant nous renfermant des centaines de variétés de plantes traditionnelles. Un tableau vient récapituler de manière très synthétique la collection. Rien que pour le riz, plus de 400 variétés ont été recensées et analysées. Chacune des variétés possèdent des qualités propres qui justifient à chaque fois un peu plus l'inutilité des OGM. Sur plus de 400 riz, imaginez un peu les formes, les couleurs, les qualités nutritionnelles, les goûts et surtout les différents sols auxquelles il sont adaptés ! Sols plus ou moins secs, humides, chauds, froids, argileux, filtrant, etc...

    En utilisant des boeufs comme force de travail, les recherches scientifiques portent aussi sur la valorisation de la bouse. Fertilisants, engrais hyper-concentrés, ou spécial pour le démarrage des jeunes plants, insecticides, compostage rapide en un mois grâce à différentes espèces de lombrics. Biogaz utilisé pour les cuisines. La vache est non seulement un moyen d'enrichir gratuitement le sol, mais aussi un moyen pour le paysan de gagner en autonomie et indépendance par rapport au prix du pétrole et du gaz.

    De retour sur le site des conférences, nous faisons connaissances avec les participants. Venus d'un peu partout dans le monde, il y a de tous les âges mais surtout des jeunes. Nous sommes les seuls à être venus en vélo mais beaucoup sont venus sans utiliser l'avion. Il y a des Anglais, Indiens, Espagnoles, Américains, Australiens, Italiens, Allemands, Suédois, Sud-Africains et Sud Américains.

    Les repas bio nous font beaucoup de bien et en discutant avec les autres, nous nous rendons comptes que ça bouge de partout dans le monde. Et bien NON, il n'y a pas qu'en France qu'il y a des vilains irréductibles gaulois qui luttent contre les OGM, la malbouffe et l'emprise des grosses multinationales. Il y a par exemples les très sympathiques et joyeux Paolo et Francesco père et fils, paysans maraichers Bio qui nous expliquent qu'en Italie lors du débat sur les OGM au sein des syndicats agricoles, les paysans bio ont fait une telle pression que certains leaders qui étaient d'abord favorables à l'invasion des OGM se sont finalement prononcés contre. Et aujourd'hui encore, les OGM sont complètement interdits dans toute l'Italie. Nous avons beaucoup sympathisé aussi avec Max le militaire pacifiste anglais. Suite à un accident qui lui a fragilisé le dos, il est en vacances prolongées. Il a toujours le statut de militaire anglais, mais il a décidé d'aller de l'Angleterre jusqu'en Afghanistan à pied et sans un sous. A son départ il ira voir son gouvernement pour lui signaler qu'il se rend en Afghanistan à pied et qu'à son arrivée à Kaboul, il veut pouvoir marcher en paix sans courir le risque d'être fusillé ou bombardé. Il ira demander à tous les gouvernements des pays qu'il va traverser de s'engager définitivement sur le chemin de la paix. Aux pouvoirs politiques de prendre leur responsabilité (si toute fois ils se sentent encore un brin responsables d'autre chose que de leur porte monnaie et s'ils arrivent à porter encore un peu d'intérêt à autre chose qu'à leur carrière personnelle).

    Entre autres personnes super que nous avons rencontré à Navdanya, il y a aussi Delia, une Française de l'Argentine vivant à Ibiza. Adi, une autre Italienne très active. Rachel l'Espagnole et Ricardo le Vénézuélien, tous deux en mal du pays, ils sont devenus fous avec l'aventure d'un fromage et d'un jambon qui leur a été envoyé mais dont ils n'ont jamais pu bénéficier ne serait-ce que de l'odeur.

    Puis tous les autres avec qui nous avons bien discuté et qui font bouger les choses dans leur pays.

    A la fin du stage, nous avons remarqué que l'ensemble des participants avait fait le plein d'énergie et étaient plein de volonté et d'idées nouvelles pour agir dans leur pays.

    Tout ce qui a été dit pendant cette semaine, nous le savions, et pourtant... Pour certains, réentendre des choses aussi simple que ''l'arbre est dans la graine'' a suffit pour redonner plein de courage et d'espoir.



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