• Thailande Episode 6 : Du voile au viol

     

    07 avril 2009 (68km)
    Ce matin, Boom nous conduit vers la grande route. Au revoir et en route. Sans nous retourner nous pédalons vite. Plus nous avançons vers Pattani, plus il y a de patrouilles militaires. Quelques kilomètres avant la ville, un 4x4 de police nous escorte. Arrivés, nous nous arrêtons faire des courses dans un supermarché. Ca ne rigole pas, tous les véhicules sont fouillés, scooter aussi! A l'entrée du magasin, nous sommes encore contrôlés! Ceci dit, en tant qu'étranger nous n'avons pas été embêtés, nous avons garé nos vélos avec dans une sacoche un réchaud et une bouteille d'essence, et dans le magasin, l'opinel dans la poche.
    A midi, nous sommes dans la chambre d'un grand hôtel où les clients ne semblent pas ou plus affluer. Cette espèce de guerre civile au dehors à dû réduire considérablement le tourisme. Nous pourrions nous dire ''chouette'' pas de gros touristes pervers qui viennent exploiter le corps des femmes. Malheureusement il n'en n'est rien, les locaux s'en charge.

    Imaginez un peu. Nous sommes à Pattani en pleine guerre civile. Nous nous sommes réfugiés dans une petite chambre au dernier étage de l'hôtel. Dehors des patrouilles de l'armée, des mitraillettes partout. Nous restons dans notre chambre et nous n'en sortons jamais. Nous préférons rester discrets.
    A 20h30, nous finissons à peine de dîner. Un bruit vient du couloir. On dirait un enfant qui pleure. Nous nous habillons rapidement et nous sortons. Tout au bout du couloir près des escaliers, une jeune fille avec un voile musulman rose et un ensemble jogging de la même couleur, une enfant de 13 ans tout au plus est couchée devant la porte ouverte d'une chambre. Elle pleure toutes les larmes de son corps. Dans la chambre, il n'y a plus personne. Elle pleure, elle pleure, elle pleure les bras tendus, les mains entre les jambes... et nous sommes là impuissants à ne pas savoir comment la réconforter. C'est une évidence, elle vient très probablement de se faire violer par un gros dégueulasse de pervers. Cette gamine est tellement innocente !!! Est-ce qu'elle s'en remettra ?! Elle subit un traumatisme dont elle gardera des séquelles à vie et demain il y aura un criminel libre qui se baladera dans la rue et aura tout oublié ?
    Dans ce couloir de l'enfer, nous cherchons de l'aide. Une porte de chambre s'ouvre, un couple de Thaïlandais en sort et vient regarder le spectacle. Un jeune homme arrive torse nu, mégot brillant de cigarette dans une main, pantalon treillis de militaire et sur sa chaîne en argent le pendentif est une balle de mitraillette. Il s'accroupi près de la petite et pose sa main sur son épaule. La fille chasse la sale patte de ce branleur qui repart en sens inverse dans le couloir et sort son téléphone portable. Quelques minutes plus tard, un flic, un gars de l'hôtel et un troisième type avec un sac de bouffe viennent et font rentrer la jeune fille dans la chambre. Nous repartons dans nos quartiers inquiets et en colère et nous restons vigilants, la porte entre-ouverte à guetter au bout du couloir. Une équipe de 3 personnes en blouses blanches composée de 2 hommes dont un avec une seringue (de contraceptif peut-être) et une femme musulmane avec un voile blanc.
    Dans ces moments là, nous repensons à l'émission de radio ''là bas si j'y suis'' de Daniel Mermet lorsqu'il s'était rendu dans cette même ville de Pattani en Thailande en 1992. Une émission intitulée : ''la petite pute de Bangkok'' (disponible à l'écoute sur le site internet http://www.la-bas.org ). A la suite de ce reportage, Daniel Mermet s'est vu interdit d'entrée sur le territoire de la Thaïlande. En 2005, les chiffres de la prostitution n'avaient quasiment pas bougé et c'était toujours 2 millions de travailleurs du sexe en Thaïlande dont 800 000 enfants (source UNICEF) enlevés et prostitués dans les hôtels plus ou moins chics du pays. Selon l'OIT (l'organisation Internationale du Travail), 75% des 4 milliards de dollars qui constituent les revenus du tourisme proviennent de la prostitution.
    Voilà de quoi ternir l'image de ce pays avec ses cocotiers penchés vers la mer sur les plages de sable blanc.
    Pour finir notre soirée de témoins de l'horreur, Le jeune homme torse nu nous invite avec son copain à une soirée en discothèque. Ils sont tous les deux musulmans, en vacances, et fument du haschisch. Naturellement méfiants, nous refusons de les suivre et bizarrement, nous sommes presque certains que si nous les avions suivi, nous ne serions jamais rentrés de ''leur discothèque''.


    8 avril (102 km)
    Dans les rues de Pattani, au petit matin, tout est calme. Il n'y a que les gens qui font naturellement la gueule. Nous pédalons sans nous arrêter, peu rassurés au milieu de toutes ces armes. Souvent au passage des Check-point, nous constatons que les militaires prennent leur boulot très au sérieux. Etalés sur des chaises, lunettes de soleil au bout du nez et musique rock diffusée derrière les barricades en sacs de sables, ils regardent passer les voitures.
    A midi, nous nous arrêtons manger à l'écart d'un village. Le repas nous est offert par des hommes en cravates qui nous disent être un groupe de leaders locaux. On aurait plutôt dit une bande de maffieux. Maffieux peut-être mais généreux!
    En reprenant le vélo, des coups de feu éclatent derrière un bâtiment gardé par l'armée. On accélère encore jusqu'à Narathiwat où nous trouvons un premier hôtel d'où nous partons tout de suite voyant la serveuse en mini short et décolleté avec de gros hématomes sur le visage. Sans aucun doute, elle à dû tomber de mobylette. Un peu plus loin, nous trouvons un autre hôtel de prostituées. Visiblement nous n'avons pas le choix. Dans cette région musulmane, on passe du viol au voile en une lettre!


    9 avril (40 km)
    Le jour se lève à peine et nous sommes réveillés par les mêmes inconsolables sanglots d'une jeune fille dans la chambre d'à coté. Nous sortons de notre chambre et nous trouvons sur le pallier, une jeune femme qui fait le ménage. Elle entend aussi les pleures et nous lui demandons si elle sait ce qui se passe. Elle nous dit qu'elle ne sait pas mais nous la voyons prête à fondre en larme aussi. Nous lui faisons comprendre que nous savons ce qui se passe ici comme dans le reste de la Thaïlande et que cela nous déplait énormément aussi. Au passage, nous en touchons deux mots à la réceptionniste.
    Nous arrivons un peu tard à la frontière et nous préférons rester une dernière nuit en Thaïlande, ce pays que nous aimons tant. Bizarrement, à la frontière, l'ambiance est plus détendue et les gens rigolent plus facilement. Nous allons dans le seul hôtel encore ouvert. A la réception, un tableau d'affichage avec des photos de femmes souriantes, parfois elles semblent très jeunes avec de grosses peluches Winnie l'ourson dans les bras. Dans la salle de restaurant karaoké, le décor est kitsch, très rose et brillant!
    Pour aller manger ce soir, nous utilisons le petit papier que nous a écrit Boom. C'est très efficace et l'on nous sert que des plats végétariens.

    Demain matin, nous passerons en Malaisie. Après presque un mois en Thaïlande.

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