• IRAN EPISODE 2 : TEHERAN ET LES VISAS

     

    Samedi 06 septembre (10 km)

    C'est la course aux visas. Déjà presque une semaine de passée en Iran, et nous ne savons toujours pas par où en sortir. Il y a beaucoup de choses à penser et trop de réponses à trouver. Nous prenons donc un bus pour Téhéran. Là-bas, nous pourrons aller questionner les ambassades et trouver la meilleure solution pour continuer notre route. A 19h, nous arrivons sur le terminal de bus de Tabriz. Nous trouvons rapidement un autocar pour Téhéran. 70000 rials par personnes et 50000 rials par vélos. Pour nous deux et les vélos, ça fait au total environ 17 euros. Au début, nous pensions ne jamais arriver à Téhéran. Le bus s'arrêtait tous les 50 mètres, faire le plein, laver les vitres, prendre des passagers, .... Il est parti avec 1 heure de retard. Mais lorsqu'il a commencé à rouler, nous avons littéralement survolé la route et nous sommes arrivés 1h30 en avance.


    Dimanche 07 septembre (25 km)

    Arrivés à Téhéran, le chauffeur de bus vient nous expliquer qu'il a été très rapide, qu'en plus nous avons des vélos et que surtout nous sommes des touristes, donc ça mérite bien une prime !!! Au début, nous avons fait mine de ne rien comprendre, puis comme c'était difficile de ne pas capter « give me money, euros, dollars, rials, give me give me money », nous lui avons expliqué qu'on avait déjà payé pour nous et les vélos avant le départ, et qu'en plus c'est pas lui ni ses copilotes qui se sont chargés de mettre les vélos dans la soute du bus car si cela avait été le cas, nous les aurions assurément retrouvé en kit à l'arrivée. Mais il ne voulait rien savoir ! Planté entre les bagages et les vélos, rouge de colère, le poing près à partir, son nez à 20 cm du nez (de Cédric), il a demandé de l'argent. Puis il a commencé à s'intéresser à la boussole accrochée à la poche (du pantalon de Cédric). Finalement, après un petit cours désintéressé d'orientation pour tenter de calmer ce chauffeur fou, il a fini par nous lâcher. Nous avons alors pu découvrir Téhéran à 5h du matin. La circulation est déjà intense et l'air est irrespirable. Le bruit, le mouvement et surtout la fumée des gaz d'échappement nous tournent la tête. Nous avons l'impression que la mort par asphyxie peut nous cueillir rapidement si nous ne changeons pas de place. Nous devons oublier tout ce que nous avons appris du code de la route français. Fini le respect des feux rouges, le stop, les priorités à droite, le sens giratoire des ronds-points, les limitations de vitesse et la circulation à droite. Ici le seul code, c'est la loi de la jungle. Au début, c'est quand même très surprenant et avec nos petits vélos, on sent qu'il va falloir vraiment tout donner pour nous faire respecter ! Et puis très vite, le sifflet à la bouche, on apprend à rouler comme eux, on force le passage et ça passe.

    Avec Ben et Sylvie, on passe quand même la matinée à chercher un logement pas cher. Finalement on trouve l'hôtel Naderi, suffisamment grand pour mettre nos 4 vélos. En plus, nous sommes prêts du quartier des ambassades. Une fois posés, douchés et remis de nos émotions, c'est l'estomac qui prend la parole. On a faim et avec ce fichu ramadan rendu obligatoire par la loi de la République Islamique d'Iran, il est impossible de manger devant les gens. Partis en quête de nourriture nous trouvons un autre hôtel qui nous propose un très bon repas pour 2 euros chacun. Cachés dans la salle de restaurant, on s'en met plein la panse et nous ne sommes pas les seuls, un flot continu de familles Iraniennes vient se restaurer secrètement, cachées du regard du « bon Dieu » de l'Islam.

    L'après midi, nous allons faire un tour à l'ambassade de France, histoire de passer dire bonjour et prendre des nouvelles du pays. En plus, ça rappelle des souvenirs de rencontrer des fonctionnaires français. On y apprend que l'on peut se rendre au Pakistan, mais seulement en avion. Si l'on veut passer par voie terrestre, il nous faut une lettre de recommandation que l'on peut obtenir seulement en France. Définitivement, nous devons oublier le passage par le Pakistan. Nous demandons donc des lettres de recommandations pour le Turmenistan, l'Ouzbékistan, et le Kazakstan. Nous nous préparons psychologiquement à payer 3 visas, plus le passage en Russie avec le Transsibérien, puis le bateau pour nous rendre au pays du soleil levant. En sortant de l'ambassade, nous croisons nos copains voyageurs, Bruno et Dimitri qui nous racontent qu'ils vont en Inde en passant par Dubaï Apparemment, il existe des bateaux pour Dubaï et des cargos vers l'Inde. Nous retournons dans l'ambassade demander notre lettre de recommandation pour l'Inde.

    La journée s'achève par une rencontre avec Hamze, un esperantophone de Téhéran. Il nous invite à une conférence demain dans la maison de l'association Espéranto de Téhéran.

    Complètement claqués par la nuit dans le bus et la circulation dans la jungle d'automobiles puantes de Téhéran, on se couche de bonne heure.


    Lundi 08 Septembre

    Nous essayons en vain de contacter Nouschin, une Iranienne qui a étudié en France et avec qui nous avons échangé par internet. Nous rendons la chambre car nous ne voulons pas payer une autre nuit d'hôtel. Nous retournons dans notre ambassade retirer nos lettres de recommandations et manger un peu dans ce refuge où l'on peut lever le voile et oublier un instant le ramadan. Nous retrouvons Chantal et Nicolas, 2 ch'tits français qui voyagent en bicyclette et qui se sont retrouvés sans un sous en Iran car ils pensaient pouvoir utiliser leur travellers chèques ou leur carte visa. Malheureusement, l'Iran est déconnectée du reste du monde et quand on voyage dans le pays, on a intérêt de prévoir suffisamment d'argent liquide en Euros ou en Dollars, que l'on peut facilement changer dans les banques où dans la rue contre des rials. Ils sont bien embêtés et noyés dans des combines pour obtenir de l'argent. Ils trouveront une solution avec l'ambassade.

    Dans l'après-midi, nous retrouvons Coco et Lolo, deux autres français qui voyagent en vélos couchés. Depuis le temps qu'on les suit, on les a enfin rattrapés. Malheureusement, nous ne ferons probablement pas de bout de route ensemble car ils sont prêts à repartir de Téhéran vers le Turkménistan. On passe quand même un dernier moment tous ensembles : Ben et Sylvie, Coco et Lolo, Bruno, Dimitri et un 9ème voyageur Français à pied et en stop. Dans le salon de cet hôtel un peu vieillot, on croirait assister à un congrès de voyageurs au temps d'Alain Bouvier. Chacun y va de ses anecdotes et astuces de voyageur, c'est marrant.

    A 18h, les vélos chargés, nous saluons tout le monde et partons à la conférence en Espéranto. Arrivés dans la maison de l'association, tout se passe dans un petit jardin. Il y a une projection d'images sur les jeux olympiques et c'est une jeune femme qui parle. Elle fait un rappel historique des jeux jusqu'à aujourd'hui. C'est intéressant mais nous regrettons qu'il n'y ait pas eu de débat à la suite de la conférence. C'est peut-être à cause de nous car on nous a demandé de faire une présentation de notre voyage. Nous avons donc parlé des objectifs du voyage, l'association, les écoles et un diaporama photos mal préparé (nous n'avons pas eu le temps d'enlever les photos où nous étions en short et où nous buvions de la bière en Turquie et en Roumanie! Les gens ont quand même aimé, surtout les photos des plages bondées de Bulgarie. Nous ne sommes d'ailleurs pas certains qu'ils aient bien compris le message, car alors que nous parlions de pollution, eux voyaient des images de rêve de liberté.

    Après la conférence, nous avons eu le choix pour trouver un toit. Les invitations on fusé. Finalement c'est Giti qui s'est imposée. Nous avons laissé les vélos dans la cour de l'association puis nous sommes partis chez elle. C'est une petite dame de 65 ans mais elle en paraît 15 de moins. Elle vit à l'Ouest de Téhéran à 50 minutes de métro et de train, au pied des montagnes. Dans le métro, un homme interpellé par notre langage en Espéranto, nous demande d'où nous venons. S'en suit une discussion très intéressante avec ce professeur d'université. Il parle très bien Anglais et nous explique, la peur au ventre et cela se voit, comment il vit dans son pays. A l'époque de la révolution contre le Shah, il avait 15 ans. Quand il a vu qu'après la révolution, c'est un gouvernement Islamique qui a prit le pouvoir, il n'y croyait pas. Il ne pouvait pas imaginer que jour après jour, toutes ses libertés pouvaient lui être enlevées. La musique, l'alcool, la libre expression, le voile pour les femmes, ... Il nous explique qu'il y a un véritable vent de révolte dans le coeur des gens du pays. Lui, rêve comme beaucoup d'autres, d'aller vivre en France ou encore plus, au Canada.


    Mardi 09 septembre

    On se lève de bonne heure pour aller à l'ambassade indienne. Malgré tout, nous n'y sommes qu'à 10h. On y retrouve Bruno et Dimitri qui font la queue et finissent par craquer car c'est leur 3ème jour de démarches et ils ne voient rien venir. A chaque fois, les fonctionnaires leur demandent de nouveaux documents comme ce « Télex » qui les à fait remonter sur le vélo et arrêter leur demande de visa. Ils retenteront le coup à Dubaï avec une compagnie aérienne. Pour nous c'est beaucoup plus simple. Giti est là et sert d'interprète. De nombreux jeunes gens qui sont là et qui ont l'habitude de ces fonctionnaires nous aident également à bien remplir les formulaires. Au bout de 2 heures, nos demandes sont en bonnes et dues formes, il ne nous reste plus qu'à attendre nos visas qui peuvent être prêts dans 2 ou 5 jours. Nous avons juste eu deux problèmes. Un avec le Télex. On ne sait pas ce que c'est, toujours est-il qu'il nous a coûté 10 euros chacun. Ensuite, malgré la lettre de recommandation, le guichetier indien nous a demandé de prendre contact téléphonique avec notre ambassade. Nous sommes donc allés dans un petit magasin de photocopie (qui vend des formulaires de demandes de visas) juste en face de l'ambassade indienne. Nous avons téléphoné au consulat français qui n'a rien compris non plus, puis nous sommes retournés faire la queue. Quand vint notre tour, nous avons dit au même guichetier que nous venions de prendre contact avec notre ambassade, que tout était OK. Il a pris nos papiers et semblait satisfait.

    Après ça nous avons pu passer un après midi tranquille chez Giti. Elle nous prépare pour chaque repas des spécialités du pays. Nous n'arrivons pas à retenir tous les noms des plats mais tout ce que l'on sait, c'est que c'est très bon !


    Mercredi 10 septembre

    Un petit coup de téléphone à l'ambassade d'Inde pour bien commencer la journée. Ils ont envoyé les papiers la veille, notre demande suit son cours et nous devrions les avoir pour dimanche. Nous décidons de rester chez Giti jusque là. En attendant, elle nous promène dans Téhéran. Nous allons au vieux musée de la capitale, celui où il y a de très beaux restes de la civilisation Perses, et aussi les restes d'un beau mec de 37 ans retrouvé dans une mine de sel en 1993. Le pauvre gars a dû mourir dans d'affreuses souffrances mais en tout cas 1700 ans après, il ne lui manque ni un cheveu, ni un poil de barbe. Même sa botte en cuir est restée intacte avec la jambe dedans !!! Bref, après le musée nous sommes allés au BAZAR ! Ca sent bon les épices, parfois un peu trop et ça nous fait éternuer. On se perd au milieu de tout ce fouillis et ce bruit. Pour manger ce midi, ce n'est pas facile. Nous nous arrêtons dans une boutique qui vend des plats à emporter. Il a tout ce qu'il faut en vitrine, du pain chaud, des produits frais etc. Le vendeur est là, le magasin est bien ouvert MAIS il ne veut rien vendre, ramadan oblige. Après insistance de Giti, expliquant que nous sommes des français tout ce qu'il y a de plus catholique, on fini par avoir nos sandwichs. Mais pour les manger, c'est une autre histoire, nous n'avons pas le droit, même catholique, de manger en public pendant le ramadan. Nous allons donc nous cacher dans la boutique d'un marchand de tapis. Il ferme le rideau pendant ½ heure rien que pour nous. Il vend de magnifiques tapis fabriqués à la main et nous sommes presque gênés de lui faire fermer son business, mais il a l'air content de nous rencontrer.

    Nous passons l'après-midi à chercher en vain, des pneus corrects pour nos vélos. Nous nous en ferons envoyer avec les comprimés antipaludiques.

    Dans les bus que nous empruntons, on se croirait en Afrique du Sud pendant l'apartheid, Les hommes devant et les femmes habillées en noir au fond du bus. Du coté des hommes il y a beaucoup de places et tout le monde peut s'asseoir. Chez les femmes, on est très serré.


    Jeudi 11 septembre
    Journée de repos chez Giti. On a RIEN fait de la journée !!! Nous voulions reprendre la route mais finalement, Giti a insisté pour que nous allions avec elle demain, pour une excursion dans le Nord du pays.


    Vendredi 12 septembre
    Debout à 5h du mat, pas le temps de prendre un petit déjeuner, le taxi vient nous chercher pour nous poser à quelques kilomètres sur le bord de l'autoroute. Un minibus s'arrête, nous montons à l'intérieur. C'est un minibus tout pourri d'une vingtaine de places. Il n'y a presque que des jeunes dans nos âges et 3 grands-mères qui ont le voile bien vissé sur la tête. Nous découvrons la jeunesse de l'Iran. C'est bien ce qui nous semblait, on ne peut pas interdire aux jeunes de s'amuser. La musique à saturation dans le bus, c'est la grosse fête, tout le monde se lâche !!! L'allée centrale est reconvertie en piste de danse. Toute la frustration accumulée explose et pendant nos 16 heures de bus, tout le monde se déchaîne, danse, mange et même les filles parfois font tomber leur voile. Les seuls moments calmes ont lieux quand nous passons au bord des postes de police.

    Vers 13h30, nous arrivons dans un musée, perdu en plein dans les montagnes au Nord de l'Iran. Nous sommes peut-être les seuls Français à avoir mis les pieds dans cet endroit. Nous avons inscrit le seul message en Français et en écriture occidentale sur le livre d'or du musée. C'est un musée qui se visite pieds nus. Il est rempli d'une collection d'objets anciens et insolites (matériels de dentiste, cadenas, savon, papiers, selles de cheval, habits, poteries...). Dehors, La décoration est un peu kitch !!! Nous faisons un pique nique dans le jardin (le ramadan, tout le monde l'a oublié). Chacun pousse la chansonnette, et évidemment, nous nous faisons bien remarquer avec les chansons traditionnelles du Berry. 3 heures après être arrivés, c'est déjà l'heure de repartir. Le chauffeur de bus qui vient de se taper 8 heures de conduite va pouvoir recommencer avec en plus une crevaison au bout de 2 km (faut dire que les pneus sont tellement usés qu'on ne voit plus du tout les dessins et la roue de secours est encore plus lisse que le pneu crevé). Au bout de 16 heures de discothèque ambulante, nous en avons plein les oreilles, mais nous sommes ravis d'avoir pu découvrir cette facette de l'Iran à l'opposé de tous les clichés que nous avons en France. Avant le départ du voyage, quand nous parlions de l'Iran, tout le monde nous déconseillait ce pays de terroristes extrémistes fanatiques religieux. En fait, la grande majorité des personnes que nous avons croisées souffrent énormément de ce régime et n'ont que faire du voile, du ramadan et de la religion en général.


    Samedi 13 septembre
    Aujourd'hui nous faisons nos adieux à Giti. On espère la revoir un jour pourquoi pas en France. Nous avons rendez-vous avec Shahin, un Iranien aux cheveux longs, rencontré la veille dans le bus. Il nous promène dans toute la ville de Téhéran et surtout dans les places où jamais les touristes ne vont. Nous visitons tout un tas de bazars et aussi de nombreux jardins, notamment un, très spécial au Sud de la ville. C'est un immense parc où autrefois on y vendait des femmes. Aujourd'hui, nous explique-t-il, rien n'a vraiment changé, la femme n'est guère mieux considérée. Encore un exemple avec les magasins de fringues : les mannequins hommes ont toute leur tête, tandis que les mannequins femmes ont la tête tranchée, comme si sous le voile il ne devait rien y avoir, pas même un cerveau. Surtout pas un cerveau. Le soir dans un parc, nous nous sommes fait interpeller par la police. Très gentiment, un policier qui parlait un peu anglais nous a expliqué qu'il avait travaillé pendant 2 ans devant l'ambassade française. Il y a appris quelques mots qu'il a essayé de nous répéter mais nous avons eu toutes les peines du monde à comprendre ce qu'il voulait dire, alors nous répétions le même charabia que lui, mais prononcé à la française et il était content. Il a essayé de nous plaire en nous disant qu'il aimait beaucoup le Champagne, mais nous nous sommes méfiés de ce genre de propos, surtout venant de la bouche d'un policier.

    La promenade a duré jusqu'à très tard dans la nuit et c'est à cet instant, dans un bus loin des quartiers touristiques que Shahin nous a montré un autre visage de l'Iran. Il nous a interdit de revenir dans ce quartier sans lui et pour cause. Des prostituées voilées aux mecs drogués en passant par les sans abris qui ne sont rien d'autres que des provinciaux sans éducation ni formation, qui sont venus à la capitale pour faire fortune et se retrouvent à vendre des rasoirs ou des allumettes à la sortie du métro.

    Après un délicieux repas soit disant végétarien mais avec quand même quelques morceaux de viande, Shahin nous a raccompagnés dans notre petit coin de Paradis, le jardin de l'association Espéranto Iran. En plein dans le centre de Téhéran, dans une rue tranquille, au bout d'une impasse encore plus tranquille se trouve le siège de l'association. A 2 heures du matin passé, nous avons dû réveiller Mohammed qui vit au dessus du local de l'association. Il nous a ouvert la grille et a laissé la porte ouverte pour que nous puissions nous doucher. Nous avons passé une fin de nuit excellente sous la tente dans ce petit, tout petit jardin.


    Dimanche 14 septembre
    Réveillés à 8 heures par une énorme pulsion de désir d'en finir avec nos visas indiens, nous avons zappé le petit déjeuner pour filer directement à l'ambassade. Pour commencer, les fonctionnaires indiens ont perdu la moitié de nos papiers, ensuite le Consule n'a pas encore vérifié les formulaires et pour terminer, ils n'ont toujours pas contacté l'ambassade française. Nous décidons donc d'attendre devant le guichet jusqu'à ce qu'on obtienne nos visas. En début d'après midi, nous nous sommes autorisés une petite pause pour aller à la poste envoyer cartes postales et une lettre avec des papiers (cartes et bricoles de la Turquie). La guichetière contrôle ce que nous envoyons et lorsqu'elle tombe sur nos 2 CD de photos, elle refuse de faire partir le colis. En fait elle nous explique que nous ne pouvons envoyer qu'un seul CD à la fois. Nous avons tenté de lui expliquer que son règlement était complètement idiot et que si on avait su, on aurait envoyé un DVD, car pour le même format nous pourrions envoyer l'équivalent de 5 CD. Après négociation, elle nous propose d'envoyer les CD en colis séparés, mais à 16 euros le colis nous préférons laisser tomber. De retour à l'ambassade, nous attendons encore. Notre patience finit par payer et le petit fonctionnaire, de l'autre coté de sa vitre teintée, le sourire jusqu'aux oreilles, nous tend nos 2 passeports décorés du visa indien.

    Epuisés mais trop heureux !!! Nous retournons au local de l'association où Reza, le directeur, nous propose de venir passer la soirée chez lui.

    Cédric : « Nous acceptons mais avant, nous souhaitons faire une petite transformation sur le vélo d'Alice. Simplement, il faut que j'agrandisse légèrement le trou de la jante arrière pour pouvoir mettre des chambres à air grosses valves. Reza appelle un ami Espérantiste pour m'aider à trouver une perceuse. Celui-ci vient rapidement et veut tout faire à ma place. Il est très gentil mais avec son costume cravate (sans cravate en fait, puisque c'est interdit en Iran), je ne suis pas certain de ces compétences de bricoleur de vélo. Quand il revient la perceuse en main avec une mèche trop petite, j'ai beau essayé de lui faire comprendre que ça ne va pas, il veut quand même essayer et se met à percer de biais. Il me fait une vieille bavure sur l'intérieur de la jante (ce qui va la fragiliser) avant de conclure qu'effectivement, il faut trouver un foret plus gros (merci). Finalement, nous allons dans la boutique d'un tourneur fraiseur et pendant qu'il explique ce qu'il veut et le temps que l'artisan sorte toute sa palette de matériel, je saisis sans hésiter une petite lime ronde qui traînait sur l'établi. Mon ami à bien essayer de me la prendre des mains en me disant qu'il voulait le faire pour moi (par pure gentillesse), j'ai serré la lime de toutes mes forces et j'ai fini par faire ce que je voulais. C'est toujours le même problème avec les gens serviables (et ce n'est pas la première fois que ça m'arrive), ils partent d'un bon sentiment et sont vraiment sincères, mais parfois incompétents. Et lorsqu'ils bousillent du matériel, que faut-il faire? Les engueuler ? Faut-il leur mettre une claque pour pouvoir travailler tranquille ? Si casse il doit y avoir, je préfère en être à l'origine plutôt que d'en vouloir à quelqu'un qui sera désolé, franchement désolé mais ... ».

    Bref, le vélo de nouveau sur pied (enfin sur pneu), nous partons chez Reza pour une soirée très enrichissante. En nous promenant, nous passons à proximité d'un parc très spécial, un parc pour femmes. Avant d'y entrer, elles doivent se débarrasser des appareils photos, téléphones portables, bref de tout ce qui pourrait prendre une image. Puis dans le parc, renfermées et bien gardées, elles peuvent se promener « librement », sans voile. Elles peuvent même louer des vélos car les seules femmes qui font du vélo en Iran, ce sont les voyageuses étrangères. Reza est aussi actif dans l'association « force verte », qui est en fait un parti politique, mais qui ne peut agir que dans le cadre associatif. Leur principale activité est l'information et l'éducation de la population. Ils organisent des campagnes de plantation d'arbres autour de Téhéran (et joignent à cette occasion l'association Espéranto), des journées de nettoyage des cours d'eau, mènent de grandes campagnes d'information sur l'eau, les déchets, la protection de la Faune et de la Flore sauvage. Ils se battent, mais restent bâillonnés par un gouvernement qui de toute manière, ne tolère aucune résistance. Dans le cadre d'une manifestation par exemple, la police n'hésiterait pas à user des armes pour stopper le mouvement. On imagine aisément que même dans la France de Nicolas S, où la répression est de plus en plus forte, le jour où la police ouvrira le feu à volonté sur les manifestants, ce sera la révolution !

    Reza a du faire la guerre contre l'Irak. Il nous raconte comment lors des combats, il faisait tout pour rester caché. Et lorsqu'il recevait l'ordre de tirer, il se débrouillait pour viser au dessus des cibles. Il a perdu de très bon copains dans cette guerre idiote, et nous explique qu'il n'a pas de haine contre les Irakiens car il imagine assez facilement que de l'autre côté, de nombreux soldats ont été engagés de force, comme lui. Il en veut plus contre ceux qui organisent la guerre comme ils jouent aux échecs, ceux qui, dans le cadre d'une tactique politique de soif de pouvoir, sacrifient des millions de vies humaines comme on sacrifie des pions.

     

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