• IRAN EPISODE 3 : SOUS LA PLUIE

    Lundi 15 Septembre

    Ce matin, nous sommes retournés au local de l'association. Dans la rue nous parlons longuement anglais avec un passant qui nous apprend énormément sur le pays et à tout point de vu, que ce soit historique, politique, sociale. Il nous parle des Bazars noirs, les seuls endroits où l'on peut se cultiver et trouver des livres ou des films intéressants. Pensez que des films comme « Amélie Poulain » ou bien encore « la Soupe au choux », sont interdits en Iran car on y voit des femmes sans voile et des hommes qui boivent de l'alcool. Au local de l'association, nous avons pu enfin avoir un entretien téléphonique avec la Radio France bleue Berry. Nous avons également eu accès à Internet bas débit. Il nous aura fallu plus de 4 heures pour mettre quelques photos en ligne.

    Pour le déjeuner, nous avons été invités par Mohammed qui travaille dans le local de l'association, ou plutôt c'est l'association qui squatte chez lui. Il diffuse des magazines d'informatique dans tout le pays. Dans son logement à l'étage, nous mangeons avec ses deux garçons et Reza. La femme de Mohammed ne mange pas car elle fait le ramadan. C'est la première croyante pratiquante que l'on rencontre. Même à la maison, elle porte le voile à cause de nous, les étrangers. Après manger, nous avons la visite d'un groupe d'étudiants. Ils nous apportent des glaces (eux non plus le ramadan........). Par contre, lorsqu'un professeur d'université sonne à la porte, il faut rapidement cacher les glaces derrières les piles de papiers et que les filles remettent leur voile.

    A 18h nous partons prendre le bus pour Racht, une ville au Nord du pays. Nous avons été invités par Akbar, un Espérantiste très gentil. Sur le terminal de bus de Téhéran, nous n'avons pas cherché longtemps LE bus pour Racht. Nous avons essayé la technique iranienne, ça marche très bien. Il suffit de crier Racht, Racht, Racht !!! Et quand un homme à la porte du bus crie Racht, Racht !!! C'est bon, on a trouvé le bon bus. Nous n'avons pas cherché longtemps, mais pendant un temps, nous nous sommes demandé si nous avons fait le bon choix. Avec les vitres fissurées, le bricolage électronique apparent, les bruits de taules dans les soutes et le bouquet de roses noires en plastique. Nous avons l'impression d'être montés dans un cercueil roulant. Et nous ne parlons pas du chauffeur nerveux qui est le sosie parfait du chef des méchants dans le film de Louis de Funès, « Rabbi Jacob » : gros, frisé, avec 2 petits yeux noirs cruels.

    Finalement, on arrive à bon port avec une heure de retard sous un déluge incroyable !!! Nous n'avons pas vu d'eau depuis si longtemps. Akbar nous explique que c'est comme ça tout le temps dans le Nord du pays. Les précipitations arrivent de la Caspienne et sont arrêtées tout de suite par les montagnes. Au Nord de la chaîne montagneuse, tout est verdoyant et très humide, on y cultive beaucoup de riz et de thé. Au Sud, c'est le désert.

    Dans sa maison, Akbar nous présente sa femme. C'est la deuxième croyante que l'on rencontre. Elle ne parle pas beaucoup mais est très gentille. Elle est directrice d'école et est très occupée à préparer la rentrée. Elle a beau être pratiquante, elle nous prépare de délicieux repas et tolère tout à fait qu'Alice tombe le voile à la maison.

     

    Mardi 16 septembre
    Akbar nous emmène visiter sa région. Nous faisons le plein de fraîcheur, de chlorophylle et de pluie avant de s'attaquer prochainement au désert, à la chaleur, la soif, les tempêtes de sables. Nous pique-niquons sur le rivage de la mer Caspienne. Sur ce coin de plage, cachés de la police, tout le monde essaye d'oublier un instant le régime dictatorial. Filles et garçons se baignent ensemble, certaines ont fait tomber leur voile dans l'eau, tant pis. D'autres fument, et nous festoyons. Akbar nous emmène dans des villages. Dès qu'il peut, il nous fait déguster les spécialités culinaires de sa région. Il nous explique qu'en Iran, il y a énormément de cultures différentes et que d'un village à l'autre, la langue, la nourriture, la musique peuvent changer complètement. En fin de journée, il nous emmène dans le bazar de Racht. Les parties bibelots, vaisselle, fournitures scolaires et vestimentaire restent assez classiques. Par contre la partie alimentaire est impressionnante. Il fait une chaleur moite. La pluie a rincé toutes les étales des commerçants et un ruisseau de bouillon de culture coule sous nos sandales, mélange de jus de légumes, de poissons et de viandes. Derrière un nuage de mouches, un vieil homme assis sur un tabouret, cris pour essayer de vendre les poissons étalés devant lui. Un autre commerçant, assis par terre, passe des dizaines de têtes de moutons au chalumeau (Qui peut manger ça ?). De la viande noire est suspendue à des crochets. Un marchand de légumes pousse la chansonnette, un autre cri des poèmes disant que ses légumes sont délicieux et pas chers. Sa façon de servir les aubergines est par contre bien moins poétique. Il les prend à pleine brassée dans un tas posé par terre baignant dans le jus, puis les jette dans un grand sac plastique.


    Mercredi 17 septembre
    Debout de bonne heure, Akbar nous promène encore aujourd'hui. Il doit faire le plein de sa voiture. Pour le GPL, il faut attendre 1 heure (et encore, il n'y a pas trop de monde. Parfois c'est 4 heures d'attente). Pour l'essence, on attend moins longtemps, mais il y a un rationnement. 4 litres par jour et par véhicule, pas une goutte de plus, sinon le prix du litre est au moins quadruplé. Parfois on s'étonne qu'avec un rationnement sur l'essence, on observe autant de trafic sur les routes et autant de pollution. Le matin, nous visitons le célèbre village de Masulé. Perché dans les montagnes, le long d'un torrent, la tête dans les nuages, c'est un village très ancien inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Les maisons toutes à flanc de montagne sont collées les unes à coté des autres et les unes sur les autres. On circule dans le village par des petites ruelles étroites et aussi en marchant sur les toits terrasses. Akbar nous raconte qu'il y a une douzaine d'années, il était venu en famille dans ce village. Il s'était arrêté quelques kilomètres sous le village pour pique-niquer quand soudain tout un flot de voitures est redescendu tombeau ouvert dans la vallée. Les gens criaient, tout le monde était affolé. En fait, une énorme averse due à un orage violent, avait décroché de gros rochers qui s'étaient encastrés sous un pont. En quelques secondes le torrent a débordé emportant tout sur son passage et faisant une cinquantaine de morts. Il nous raconte que pendant le nettoyage du village, on retrouvait de temps en temps dans la boue, une main, une jambe, une tête... Bref, une histoire sympa qu'on a un peu hésité à mettre dans le blog. A par ça les maisons sont très bien isolées, du fait qu'elles sont à moitié enterrées et que les murs et la toiture sont fabriqués essentiellement à base de terre, de fibres végétales et de bouses. Dans ce village, mais surtout dans une autre ville à une vingtaine de kilomètres, on fabrique des pâtisseries absolument incroyables !!! Il n'y a qu'ici qu'on en mange et qu'on les fabrique. C'est un genre de biscuit fourré avec une espèce de pâte à base de noix. Ca s'appelle Kouloutché et c'est bon à s'en faire exploser le ventre. En plus, ce n'est vraiment pas cher, 35 centimes d'euro les 5 pièces.

    L'après midi, Akbar veut nous emmener visiter un château que lui même n'a jamais vu. Au bout de plusieurs kilomètres d'une petite route de montagne, nous y sommes. Pas au château, mais au pied des escaliers qui y mènent. C'est un chemin à travers bois, en partie le long d'un torrent et comme ça grimpe sévère, ils ont eu la bonne idée de mettre des marches (plus de 900). Avec la pluie qui tombe de plus en plus fort, nos sandales avec nos cales de vélo et les escaliers tordus et aux marches déformées, ce n'est pas facile. Akbar lui, s'arrête régulièrement reprendre son souffle. Au bout d'une heure et demie d'ascension, c'est le déluge, mais nous y sommes. Une gigantesque forteresse s'impose au dessus de nous. Surprise, en passant la grande porte d'entrée en bois, sous le porche, un vieux monsieur tout maigre avec une veste de militaire est assis à un bureau et vend des tickets. Nous qui pensions que l'ascension était un prix suffisant pour visiter le château. Une famille nous rejoint et le vieux guide nous emmène au travers des ruines. En fait, ce n'est pas qu'un simple château, c'est une forteresse de 3 kilomètres de long qui suit la crête de la montagne. Elle n'est pas sans rappeler la grande muraille de Chine. La pluie qui tombe à grosses gouttes et la forêt qui transpire nous englobe dans une atmosphère très troublante. Dans la brume on distingue les silhouettes des arbres, le contour des ruines et soudain, on plonge dans l'oeuvre de Tolkien « Le Seigneur des Anneaux ». Où sont les Hobbits, les Nains, les Trolls et autres créatures fantastiques ? Il ne manque plus qu'eux ! La nuit approchant, nous devons redescendre rapidement, nous n'aurons pas vu un cinquième du site. Par une journée ensoleillée (très rare par ici), il faudrait pouvoir venir très tôt le matin et passer au minimum une journée sur le site.

    Nous retournons à la voiture il fait nuit noire. Impossible d'enlever l'alarme électronique, la télécommande à pris l'eau dans la poche d'Akbar. La famille qui nous a accompagné dans la visite puis dans la redescente, nous est venue en aide. Akbar s'est chargé de leur faire la promotion de notre voyage, ce qui nous a valu une invitation chez eux lorsque nous passerons à Ispahan. En nous écoutant parler Espéranto, ils se sont intéressés à cette langue et projettent d'apprendre.


    Jeudi 18 septembre

    Cédric : « Akbar et sa femme ont insisté pour que l'on reste, enfin.... c'est surtout sa femme qui a insisté pour qu'Alice l'accompagne à une fête 100% woman. Ce soir, quand sonnera l'heure de rompre le jeûne diurne du ramadan, les copines vont se retrouver dans une maison. Les hommes auront foutu le camp, les tchadors vont tomber; et Akbar m'assure que sous les voiles, des femmes vont apparaître en tenue de soirée, débardeurs et cheveux au vent, rien à voir avec les fantômes qui rodent sur le bord des routes. »
    Nous profitons donc d'une journée de repos pour dormir jusqu'à 11h puis nous flânons dans la maison. Nous écrivons, regardons la télé... C'est très intéressant la télévision Iranienne, on peut y voir Lucky-Luke en persan et Nicolas Hulot très bien doublé. Ca c'est pour la partie marrante de la télé. Pour le reste du programme, il y a essentiellement des émissions religieuses, des débats d'Imam, des prières, des récits de coran sur fond d'images de mosquées. Il y a aussi le journal télévisé qui nous donne un max la trouille et ne parle que de tremblement de terre, de guerres par ci, d'attentats par là, de bombardements, d'épidémies... Dans ces mêmes journaux, on voit des images de l'Islam toute puissante avec des leaders devant lesquels s'agenouillent des millions de fidèles qui remplissent les rues tous regardant la même direction, parfois debout levant le poing en criant Allah Akbar !!! Pour finir il y a toutes ces séries où les acteurs font la gueule, les femmes qui chialent tout le temps et finissent en enfer. Si la série dure 20 minutes, on peut compter 20 minutes d'une mixture d'engueulades, de larmes et de mort (en réfléchissant bien, on doit avoir les mêmes séries débiles en France).

    Cédric : Pendant qu'Alice est partie faire, entre guillemets, la fête avec les femmes, Akbar et moi parlons beaucoup sur des sujets divers comme le voyage, l'Espéranto, la vie en France et en Iran. Puis nous sommes invités chez des amis instituteurs. « Ni mangas rapide, poste ni iras !!! » qu'il me dit. Donc c'est ce que l'on fait. Nous mangeons rapidement, puis on part. La femme ne semble pas très pratiquante. Ils ont deux enfants clowns qui commencent à bien parler Anglais. Nous avons droit à un deuxième repas ainsi que de nombreuses délicieuses pâtisseries. Dans cette maison, on rêve de liberté. Ils nous montrent la vidéo d'un mariage. Ils me préviennent « tu vas voir ce que c'est que les Iraniens ». C'est absolument fou, au début de la soirée du mariage, les femmes ont presque toute le voile et leur visage ressemble beaucoup à celui des femmes de la télé, c'est à dire : triste. Quelques minutes plus tard sur la piste de danse, j'ai l'impression de regarder la vidéo d'un mariage français. Exactement tout pareil, pas un seul voile, des filles aux coiffures compliquées et MEME ! Des mecs bourrés. Comment est-ce possible ? Nous apprendrons plus tard par d'autres personnes que la police est souvent corrompue en Iran et que moyennant quelques billets voire quelques bouteilles, on peut aisément passer une soirée alcoolisée. Il y a aussi des magasins qui peuvent servir de la vraie bière ou du cognac mais c'est très cher car la police prend un gros pourcentage sur les ventes. Comme des milliers d'Iraniens leur télé est branchée sur le monde. Dans cette maison, on reçoit plus de 1000 chaînes de télévision et notamment des chaînes françaises. On restera un moment devant le film « Pouic Pouic » de Louis de Funès.

    En fin de soirée, nous retrouvons Alice et la femme d'Akbar pour prolonger la veillée.


    Vendredi 19 septembre

    Nous faisons nos adieux à Akbar et sa femme, mais avant, ils nous emmènent visiter un musée très intéressant calqué sur l'écomusée d'Alsace dont il est le « filleul ». C'est un village reconstitué, conservatoire des traditions de ce petit coin particulièrement humide d'Iran. Des maisons traditionnelles ont été démontées puis reconstruites dans ce petit village. Nous découvrons la vie autour de la culture du riz, Les maisons au toit en paille de riz, les cordes en paille de riz, les tapis en paille de riz, les murs en mélange de terre et paille de riz, les paniers en paille de riz, les chapeaux en paille.... et divers outils relatifs à la culture du riz. Pour encore mieux apprécier le musée, il faudrait y revenir quand ce n'est pas le ramadan car il y a un café et plein de dégustation de la cuisine locale.

    Nous arrivons à Téhéran assez tard et le copilote du bus nous prend par la main (au sens propre du terme) pour nous trouver un autre bus qui nous emmène au siège de l'association Espéranto Iran. Il ne sait pas mieux que nous où aller mais il a l'avantage de la langue. Finalement, il insiste pour payer nos tickets et il explique au chauffeur où nous devons descendre.

    Dans le jardin de l'association, nous passons encore une nuit excellente.

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