• IRAN EPISODE 7 : CAP PLEIN SUD

    Mercredi 08 octobre (70 kms)
    En route pour Bandar-e Abbas. nous quittons l'hôtel en promettant de garder le contact avec Ali et de lui chercher de l'aide pour démarrer l'agriculture biologique en Iran. Sur la route, la chaleur vient vite. Ali nous a donner deux adresses pour passer la nuit. La première à 70 kilomètres de Yazd, c'est un caravan sarail restauré et reconverti en hôtel de luxe pour touristes (il nous prévient que pour nous, ce sera un peu cher). La deuxième option, c'est à 95 kilomètres de Yazd, un autre caravan Sarail pour Iraniens. Gratuit l'ambiance y sera sans aucun doute plus conviviale.

    Peu avant midi, nous commençons à avoir très très chaud et nous arrivons juste au caravan sarail de luxe. Nous décidons de nous y arrêter et de demander à passer la nuit avec les chameaux s'il faut, pour ne pas payer le prix pour touristes. Vu d'extérieur, le caravan sarail ressemble à une forteresse sans vie. De grandes tours, un mur sans la moindre fenêtre, une seule et unique grande porte au Sud. Un autre corps de bâtiment moins bien restauré, reçoit les dromadaires.

    Au bout d'un quart d'heure, un monsieur vient nous ouvrir. Il nous fait entrer dans la forteresse. Nous posons les vélos et en traversant les lieux pour aller boire un thé, nous découvrons un site historique magnifique. Plus tard dans la soirée, une Iranienne nous expliquera que ce caravan sarail fut une petite fantaisie du Shaah Abbas qui avait souhaité que l'ouvrage soit de forme circulaire. Pour passer une nuit dans ces lieux, il nous aura fallu négocier vivement au téléphone avec le patron. Impossible de lui faire baisser le prix à moins de 30 euros (au lieu de 50). Nous lui avons expliqué que nous étions à vélo, que nous avions de la nourriture, que nous pouvions dormir sur le toit et que quelques litres d'eau et un peu d'ombre pendant la journée nous suffiraient. Nous avons même proposé nos services, mais rien à faire. Le gérant tient à son image de marque et souhaite que nous soyons ses hôtes. En plus il aime beaucoup les cyclistes et ce serait un honneur pour lui que de nous avoir à dormir. Nous avons donc pris une chambre et pour 15 euros par personne nous avons pu dormir et manger deux repas absolument délicieux préparés par des cuisiniers venus du Balouchistan.


    Jeudi 09 octobre (90 kms)
    La nuit à été courte et les touristes espagnoles ont fait la fiesta jusqu'à très tard. C'est donc la « tête dans le pâté » qu'au petit matin, nous nous recouchons sur les vélos. Le midi, nous nous arrêtons à 5 km de la ville étape « Anar » où nous devons trouver un caravan sarail, un parc où une mosquée pour passer la nuit.

    A l'ombre fraîche d'une mosquée pour camionneurs, nous nous installons pour manger et faire la très sainte sieste. Tous les chauffeurs sans exception laissent tourner le moteur de leur véhicule. Qu'ils fassent la sieste, mangent, aillent aux toilettes ou à la mosquée, qu'importe, ils brûlent du pétrole !!! Rien que pour rire, nous avons observé l'un de ces camionneurs. Arrivé à 12h05, il commence par aller aux toilettes où il profite des lavabos pour laver son linge. Ensuite il va prier un peu à la mosquée. Quand il ressort, il va acheter quelques bricoles à manger, discute avec le commerçant qui lui parle de nos vélos. Il nous fixe du regard quelques minutes essayant de comprendre comment fonctionnent ces drôles d'engins et savoir si nous sommes bien des humains pour monter la dessus. Ensuite il va manger son pain et sa boite de thon, retourne à un robinet extérieur pour se laver les mains, va remplir son bidon d'eau, remonte dans son camion, se repose 5 minutes et ça y est, il repart. Il est 13h30. Au total donc, son camion sera resté allumé 1h25 minutes pour le simple plaisir de brûler du pétrole et de polluer l'air. Quand on leur demande pourquoi n'éteignent-ils pas leur camion, le seul argument, c'est qu'ils gagnent du temps au démarrage car ils n'ont pas à faire chauffer le moteur (c'est vrai qu'en plein désert avec 35 à 40 degrés au soleil, les moteurs ne doivent pas chauffer bien vite). Quand bien même cet argument serait valable, rien ne les empêcherait de commencer à rouler doucement sans forcer le moteur en attendant que ce dernier « chauffe », mais c'est vrai que nous sommes en Iran et qu'ici la conduite c'est toujours pied au plancher, à fond à fond à fond !!!

    Après une sieste interrompue à plusieurs reprises à cause des gaz d'échappements qui rendent l'air irrespirable nous avons repris la route pour trouver un endroit correct pour passer la nuit. Arrivé à Anar, nous demandons à un hôtel s'il est possible de passer la nuit dans le jardin (ou plutôt le parking). Pas de négociation possible le gérant veut nous faire payer une chambre. A peine reparti à la recherche de la mosquée, un automobiliste nous arrête. Il se nomme Ghasm et est aussi cycliste. Après notre aventure à Na'in, nous nous méfions mais nous le suivons quand même jusque chez lui. Vue d'extérieur, sa maison ne paye pas de mine, c'est un simple bloc de béton et de briques comme les autres. A l'intérieur par contre, c'est très beau et très luxueux. Comme toutes les maisons iraniennes, le salon est très grand avec de beaux tapis, il n'y a pas de meubles et très peu de décorations au mur. Ghasm à deux grands salons dans sa maison, un pour les hommes et un autres pour les femmes. Il nous montre de nombreux albums photos de ses traversées de l'Iran à Vélo et de ses rencontres avec d'autres cyclistes étrangers. Dans la vie, Ghasm est percepteur des impôts, mais comme beaucoup d'Iraniens que nous avons rencontrés, pour avoir un revenu plus convenable, il tient en plus de son travail, une boutique. C'est donc le premier percepteur réparateur de frigo que nous rencontrons. Il est très content de nous rencontrer et nous demande déjà de revenir après le voyage. Nous sommes tellement fatigués et il est tellement bavard que lorsqu'il nous montre les tapis du salon, nous nous écroulons dessus et nous endormons instantanément la bouche ouverte.

    Vendredi 10 octobre (63km)
    Ghasm nous emmène faire un petit tour dans sa ville. Visite de la mosquée, du caravan serail et de sa boutique. Quand nous lui expliquons que nous allons à Bandar e Abbas à vélo, il nous interdit de reprendre la route. Car après Anar, nous devons passer une route de montagne non seulement difficile et très meurtrière car étroite, avec une circulation dans les deux sens, des tunnels, des camions et des bus à gogo et pas de bande d'arrêt d'urgence pour pédaler tranquille. Lors d'une balade, sans bagages et avec son VTT peugeot, il a pris une portion de cette route. Il ne recommencera jamais. « En plus, nous dit-il, quand vous aurez passé ces montagnes, vous ne pourrez plus pédaler tellement il fait chaud. Là bas, c'est un autre climat ! ». Il nous conseille de prendre le bus à Anar ou de rouler encore une journée jusqu'à Ahmad Abar et de prendre le train. Malgré notre envie de pédaler, nous choisissons l'option train. Grâce à ses relations, nous achetons pour 5 euros, deux billets de train première classe pour Bandar e Abbas. Nous voilà parti pour la fameuse gare ferroviaire d'Ahmad Abar. Comme la plus part des gares en Iran, elle se situe loin de la ville et loin de tout !!! Dans le cas présent, elle est en plein désert, au pied des montagnes. Nous passons le hall : personne ! pas un chat, juste un moineau qui vit des quelques miettes autour des poubelles. Nous avons chaud chaud chaud et nous avons beaucoup de fatigue accumulée. Nous nous endormons quelques temps sur des bancs puis, après avoir mangé un peu et pris une douche dans les toilettes, nous nous recouchons sur un campement improvisé dans un coin du bâtiment. Nous nous reposons un bon moment dans ce lieu où ne circulent à première vue que des fantômes. Vers 16h00, deux vrais humains pénètrent dans la salle. Ils viennent nous poser quelques questions et ne comprennent absolument rien à nos réponses pourtant très clair et bien rodées depuis plus d'un mois dans le pays. Au début, on ne sait pas si ils sont des voyageurs, des fous, ou bien des gens qui travaillent ici. Après analyse, ils sont fous et travaillent dans la gare. Leur boulot doit consister à surveiller les lieux, mais comme il n'y a jamais personne et qui ne se passe jamais rien, ils restent devant la télé à regarder le « Roi Lion » en dessins animés. Peu avant la nuit, c'est à dire vers 17h30 : Nouvelle visite ! 3 hommes ne parlant que Perse, viennent nous prendre en charge. Ils nous demandent nos passeports, nous refusons de les donner. Ils nous demandent nos billets de train, ça d'accord, mais les vélos ont l'air de leur poser problème. Ils n'en ont jamais vu et nous proposent d'aller à Bandar e abbas ou à Teheran en vélo, car selon eux, le vélo, c'est mieux que le train. Ils ont l'air tous les trois complètement fêlés. Les seuls mots d'anglais qu'ils connaissent sont leurs surnoms. L'un d'eux, le petit gros, se fait appeler « Bufalo » ou « Beef », le deuxième avec ses grandes oreilles se fait appeler « Donkey » (l'âne) et le troisième petit nerveux au visage tantôt sévère tantôt ahuri, se fait appeler « the rabbit » (le lapin). Les trois bestiaux sont sympathiques avec nous, même s'ils nous font parfois un peu peur. Ils nous proposent du thé et lorsqu'ils comprennent enfin que nous allons à Bandar e Abbas en train avec nos vélos, ils nous ouvrent une petite salle pour que l'on se repose. Vers minuit, une demie heure avant notre train, nous commençons à nous préparer. Problème : The Rabbit, le chef de gare nous demande en haut de sa tour de contrôle. En haut des escaliers, 3 ou 4 paires de chaussures devant la porte du bureau. Ici on travaille pieds-nus et assis sur un tapis. Le chef de gare ne nous dit pas grand chose, simplement, il s'agite au dessus du plan de la gare. Visiblement, il y a un problème. Les autres bonshommes qui travaillent sur le tapis se creusent la tête et ont l'air très embêtés. Nous les entendons répéter le nom des trains en provenance d'Esfahan et Téhéran. Nous demandons au Rabbit s'il y a eu un problème, un accident ? Il nous répond que tout va bien mais que l'on doit attendre un peu car le train va avoir du retard. Il nous propose de retourner nous coucher, il nous réveillera dans 5 heures. QUOI 5 heures ???


    Samedi 11 octobre (15 km)
    Au petit matin, nous nous réveillons tout seul car le chef de gare nous a oublié. Il est presque 6h mais par ''chance'', le train n'est pas encore passé. Nous mettons les vélos sur le bord de la voie. Bufalo nous donne un ticket pour récupérer nos vélos à l'arrivée. Le train d'Esfahan arrive mais les gugusses nous interdisent de monter dedans. Nous sommes à bloc ! après une nuit chez ces fous, on a qu'une envie, partir le plus vite possible. Finalement, après une demi heure d'attente, notre train arrive. Nous nous chargeons nous même de mettre les vélos dans le dernier wagon et nous partons enfin pour Bandar e Abbas. Dans notre compartiment, ça sent des pieds. Nous essayons de dormir mais c'est difficile alors nous allons dans le wagon restaurant. On nous offre deux thés et nous discutons avec deux étudiants de Bandar e Abbas sympathiques qui ne mettent absolument pas notre instinct de méfiance en alerte. Ils nous parlent de l'Ile de Qeshm, et de la beauté de la nature que nous trouverons là-bas. Pourtant, entre deux wagons, lorsque nous faisons la queue devant les toilettes, un homme à barbe qui était assis à coté des jeunes vient nous parler et nous demande de ne surtout pas croire ces jeunes, l'Iran peut-être un pays dangereux pour nous, il ne faut faire confiance à personne et surtout nous ne devons pas être héberger par ces jeunes car une fois chez eux, ils pourraient nous agresser et nous voler. Nous décidons donc de lui obéir, c'est à dire que nous ne faisons confiance à personne et surtout pas à ce policier en civil qui s'amuse à nous faire peur et que nous reverrons à la gare de Bandar, discutant avec ces collègues. De retour dans le wagon restaurant, un autre policier, en uniforme celui-ci, vient contrôler nos passeports (ça faisait longtemps...). Nous attendons l'arrivée avec impatience. Dehors, les paysages ont changé et deviennent plus sableux, avec de belles oasis, des palmiers, des troupeaux de chèvres des dromadaires et aussi du n'importe quoi comme ces grands champs de maïs irrigués.

    Arrivés à la gare de Bandar e Abbas, la chaleur nous assomme littéralement, à peine descendu du train, nous sommes trempés de sueur, nous cherchons l'oxygène dans cette chaleur moite extrême ! Pour récupérer les vélos, c'est très difficile. Tout d'abord, on nous interdit l'accès au wagon, ensuite on nous met dans un hangar où des employés font et défont des paquets sous l'oeil de policiers. Au bout d'une demie heure, notre train s'en va avec nos vélos. Tous les gens d'ici ne parlent QUE farsi et il faut que l'on s'énerve pour qu'ils nous expliquent que le train va revenir. Au bout de 10 minutes un quart d'heure, le train revient. Nous allons décharger nous même nos vélos, mais en voulant partir, on nous arrête car il faut payer. Bien sur que nous allons payer, nous ne sommes pas des voleurs, donc nous sortons la somme inscrite sur le ticket que nous a préparé bufalo la veille. Un bonhomme raye le prix et le multiplie par trois ! Là on commence à ne plus comprendre grand chose. Le train est arrivé avec plus de 6 heures de retard, nous avons encore attendu une heure avant de récupérer nos vélos, nous les avons chargés et déchargés nous même et voilà t'y pas qu'on veut nous faire payer trois fois plus cher ?! Pour le coup, nous refusons de payer cette sommes et tendons l'argent du premier prix. Ils refusent ! quand on demande des explications, ils ne sont pas pressés de répondre. Nous décidons donc de prendre notre temps. Ils ne sont pas pressés ? et bien nous non plus ! On va attendre ici jusqu'à demain s'il faut ! nous avons de quoi manger, dormir... Ils finiront bien par en avoir marre... Nous nous installons par terre et nous commençons à manger. 2 heures plus tard, ils reviennent à la charge et nous demandent de payer. Nous leur tendons toujours la même somme initiale. Finalement, ils rayent le prix et nous font une petite réduction et s'excusent car ils admettent avoir fait une erreur dans leur calcul, mais c'est toujours deux fois plus cher. Alors que nous leur expliquons que nous refusons de payer ce nouveau prix, un homme venu de Téhéran parlant très bien anglais, commence à faire l'interprète. Nous pouvons enfin dire ce que nous avons sur le coeur et finalement, leurs arguments ne tenant pas debout, nous ne paierons que la somme de départ. Ils ont paraît-il un règlement fixant un prix plus élevé pour les objets en aluminium car ils sont plus fragiles que l'acier. Nous leur avons donc montré que nos vélos supportaient beaucoup de poids et que le porte bagage du Nazca était en Acier fabriqué par Maurice Deville à Neuvy St Sepulchre. Du costaud de chez costaud !!!

    Au Crépuscule, nous payons enfin le tarif normal et nous pouvons enfin remonter sur nos vélos pour rejoindre la Ville de Bandar e Abbas. Car comme toutes les gares ferrovières d'Iran, celle-ci est à l'extérieur de la ville.

    Nous pédalons un bon moment à la recherche d'un hôtel pas cher. Dans une agence de voyage, nous nous faisons rembourser 50% du prix des billets de train (à cause des 6 heures de retard), soit environs 2 euros. A 20h, nous n'avons toujours pas trouvé d'endroit pour dormir. Avant d'aller monter la tente sur la plage, nous essayons de contacter Ahmad et Elham, nos contacts Esperantistes sur l'Ile de Qeshm, pour leur dire que nous sommes arrivés et que nous pourrons les voir demain. Ahmad nous dit qu'il nous attends chez lui ce soir et que nous pouvons prendre un bateau pour rejoindre l'Ile. Les vélos bien accrochés à l'arrière de la vedette, nous quittons le plancher des vaches pendant cinquante minutes. Le bateau va vite et nous sommes vraiment secoués. Parfois nous décollons un peu du siège, un enfant vomi tout son goûter, il fait un froid de canard à cause de la clim, un mec drogué à l'opium dort à coté de nous et enfin, couchée sur des sièges derrière nous, une jeune femme inconsolable pleure toutes les larmes de son corps. Arrivés sur l'ile, Ahmad vient nous retrouver pour nous emmener chez lui.


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