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    Dimanche 28 septembre (25 km)
    Cédric : « C'est reparti !!! Enfin pas tout à fait... car pendant le petit contrôle habituel des vélos avant le départ, j'ai explosé une chambre à air en la regonflant. C'est au niveau de la valve que la chambre s'est déchirée. Non seulement c'est irréparable, mais en plus nous n'avons plus de chambre de secours. Je prends donc le vélo d'Alice et part à la recherche d'un magasin de cycles. Bien avant d'en être au point de prier Dieu, je trouve une boutique avec des chambres à air de qualité et de bonne dimension. J'en achète 2 et mon vélo est rapidement sur pneus ».
    Le souci, c'est qu'il fait chaud maintenant et partir sous le soleil de midi, c'est la garantie d'être cuit à point au bout de 20 km. Nous décidons d'attendre dans le parc. Nous mangeons, faisons la sieste, puis nous prenons une douche dans les toilettes (décidément, les toilettes des pays musulmans sont très pratiques pour les voyageurs. Elles sont souvent équipées d'un petit tuyau pour se nettoyer les parties intimes.)

    Cédric : « Plusieurs personnes viennent nous déranger pendant la sieste, pour nous demander d'où nous venons, nous proposer à manger, ou comme cet homme qui m'offre un beau mouchoir en tissu (ça tombe bien, le mien est en lambeaux) ».
    A 16h, nous partons pour à peine 2 heures de vélo, la nuit tombant à 18h, nous ne pourrons guère faire plus de 20 km, le temps de sortir de la ville. C'est formidable, nous avons le vent dans le dos. Par contre il y a un trafic de fous et on ne compte plus le nombre de chauffards qui nous filment avec leur téléphones portables tout en conduisant. Peu avant 18h, nous trouvons une bonne place pour dormir. Loin de la route, au pied d'une montagne, à proximité d'un village, d'un cimetière et surtout d'une mosquée (et qui dit mosquée, dit toilettes et eau). Nous pensions être tranquilles, mais un enterrement à ramené de nombreux curieux autour des vélos. Ils nous posent les questions habituelles et nous demandent où nous allons dormir cette nuit. Quand on leur répond « Ici, au pied des montagnes », ils ont l'air affolés et refusent de laisser ''2 touristes de valeur'' dormir avec les animaux sauvages. C'est donc Mohammed qui nous invite chez lui. Il habite dans le coeur du village avec toute sa famille. Il nous met à disposition une maison toute entière inhabitée, où il y a une grande salle, de l'eau, une douche, de la lumière, bref, le luxe. Au début, c'est le défilé de tous les membres de la famille proche, les frères, les soeurs, le père la mère, le grand-père, la grand-mère. Puis tous les cousins, voisins et amis. Heureusement que la pièce est grande car nous sommes 55. Ils nous offrent des grenades, puis du riz et un plat difficile à manger, voire impossible à cause de la très forte odeur de la vieille viande de mouton.
    C'est une famille très croyante et d'une gentillesse incroyable. Ils sont gênés et s'excusent tout le temps de ne pas pouvoir nous offrir plus, alors que nous avons tout ! Ils nous ramènent un grand tapis, des coussins, des fruits et de la boisson.

    Le lendemain matin, ils se lèvent exprès pour nous voir repartir et nous souhaiter bon voyage.

     

    Lundi 29 septembre (77 km)
    On attaque la journée avec le vent de face et une pollution terrible. Sur plus de 20km, nous évoluons dans un nuage toxique qui nous pique le nez et nous irrite la gorge. S'il n'y avait pas la fraîcheur matinale, nous pourrions croire être tombé en enfer. L'horizon est bouché par la fumée gris-noire des industries sidérurgiques, des raffineries de pétrole, du trafic phénoménal de camions, il y a des arbres morts, des mares de pétrole avec des déchets d'emballages plastiques flottants, une carcasse de bovin qui se fait nettoyer par des corbeaux.
    Nous sommes heureux quand nous quittons cette zone et quand vient le désert. Pendant le plus chaud de la journée nous faisons halte dans un village, mais la sieste est en partie gâchée par la découverte d'une magnifique épingle à nourrice enfoncée dans le pneu arrière du vélo d'Alice. A 16h, nous repartons histoire d'avancer encore un peu avant la nuit. Nous installons le campement sur le sable du désert, en bordure d'un village. Les enfants viennent nous voir. Nous les entendons répéter des phrases toutes faites en anglais mais ils n'osent pas nous parler. Alors nous leur répondons et ils s'en vont en courant et criant, satisfaits de la réponse.
    Cédric : « En partant dans le village en quête d'un peu d'eau, les enfants me poussent dans la mosquée. Il y a effectivement une fontaine avec de l'eau fraîche. L'Imam, d'une trentaine d'années parle un peu anglais et me pose des questions sur le voyage. Il se fait une joie de répéter les réponses aux enfants tous très attentifs. De retour au campement, quelques uns des garçons reviennent me chercher, soi-disant que l'Imam voudrait me parler. OK j'y vais. Le problème, c'est que c'est l'heure de la ''messe'' et je ne me sens pas de rentrer en plein office. Les enfants me font patienter dans la grande cuisine de la mosquée et le culte n'en finissant pas, je leur explique qu'il fait maintenant nuit et que je ne peux pas laisser Alice toute seule. De retour à la tente, nous pouvons enfin manger. A peine commencé, nous voyons une petite lampe torche approcher. C'est l'Imam et tous les enfants qui nous apportent de la nourriture. Il nous explique qu'il m'avait fait appeler simplement pour nous proposer de manger avec eux, mais constatant que je préférais la froideur nocturne du désert, il a décidé de nous apporter le repas ''à domicile''. Nous goûtons à cette purée jaune aux ingrédients inconnus. L'aspect caoutchouteux, ce doit être le fromage fondu. Il doit y avoir des pois et aussi des patates. Le goût infâme qui rend la mixture immangeable, ce doit être encore de la viande de mouton qui a trainé au soleil. Une fois seuls, alors que je finissais de dissimuler les restes de la plâtrée dans un trou dans le sable. Le cri d'Alice faillit me faire mourir. En voulant ranger le réchaud, elle à découvert un joli scorpion à côté de la bouteille d'essence».

    Alice : « Cédric était parti avec une pauvre lampe presque éteinte dans la nuit noire pour enterrer cette mixture infâme. Heureusement sur les quatre assiettes qui nous étaient présentées, seule une, est restée avec nous! Merci mon Dieu pour ces quelques pâtes déjà prêtes qui nous ont servis de prétexte pour ne pas prendre les autres assiettes. Pourquoi mettent-ils de la viande? Cela serait si bon sans ! Bref revenons à cet enterrement dans le désert. C'est marrant car 10 minutes avant on se demandait si notre pelle pliable n'était pas de trop dans nos sacoches (elle ne nous avait pas encore servie !). Il creuse, j'arrive avec ma lampe frontale presque éteinte elle aussi. Tout devient alors sombre autour de nous. Et là, la nature me devient hostile, je regarde bien le sol où je mets mes pieds. Je retourne rapidement à la tente qui se trouve à 10 m pour vite tout ranger et me calfeutrer dans la tente à l'abri de toutes bêtes. Cédric se fiche pas mal de moi en me disant que nous aurions bien de la chance de voir un scorpion car il y en a probablement un au kilomètre carré ! Cela ne me rassure qu'un peu, surtout quand je vois avancer un drôle, noir et gros insecte (style Lucarne Cerf-volant) près de la bouteille d'essence du réchaud. Avec mes yeux de myope mal aidés par le faible éclairage, je m'approche de la bestiole à 40 cm de mon nez. Et là au lieu de garder mon calme, je panique et appelle Cédric pour lui dire que nous avons un nouvel hôte qui ne nous posera pas de questions. Je crie un peu fort, trépigne, et enfin Cédric arrive ayant accompli sa tâche. Et oui, c'est un beau scorpion, quelle chance nous avons sur un kilométre carré, il vient à nos pieds! Bien sûr Cédric ne peut s'empêcher de prendre des photos. Puis arrive une moto avec deux hommes dessus qui nous disent de partir et d'aller dormir près de la mosquée. Nous leur montrons le scorpion et l'un l'écrase directement avec son pied. Désolés les amoureux des bêtes mais là, je n'étais pas mécontente du geste. Ensuite nous avons pris nos clics et nos clacs pour décamper, moi en trépignant de plus en plus car nos lampes faiblissaient et que j'avais peur de retomber sur un scorpion, même s'ils sont peu nombreux? Heureusement un gars avaient un téléphone portable lampe torche et au bout de 10 minutes, nous nous sommes retrouvés sous les yeux des deux imams préférés du pays. Le choix est difficile entre les scorpions et eux mais bon! Nous sommes dans un magasin pour vendre des produits de l'Islam (CD de prières, livres,...) et la vitrine nous laisse apparaître comme à Amsterdam. On fait un paravent avec la bâche des vélos et tout va bien. A 4h00 du matin, on est réveillés en sursaut par la prière de la mosquée car ici tout le monde en profite et tout le monde a le droit d'être fatigué pour la bonne cause. C'est un cauchemar les yeux ouverts et cela dure au moins une heure. Le son est horrible et très fort. Même à la maison, nous n'écoutions jamais la musique si fort sauf lors de soirée. Le réveil une demi-heure (5h30) plus tard pour partir à la fraîche est difficile ».

     
    Mardi 30 septembre (57 km)
    Le décollage est difficile. Définitivement, nous devons oublier ce que signifie liberté de culte ou de non culte. Ici, la messe réveille tout le monde et est entendue par tous. Empêcher les gens de dormir, pour les obliger à participer aux cultes, c'est une bonne méthode pour les fatiguer et les empêcher de réfléchir.
    A peine sur la route qui monte qui monte qui monte, un homme en mobylette nous accoste et nous pose les mêmes questions que tout le monde. Lorsqu'il sort son téléphone, exceptionnellement, ce n'est pas pour nous photographier, mais pour appeler un frère (cousin ou ami, c'est pas clair cette histoire) qui habite Na'in, la ville où nous nous rendons. Il me passe le téléphone et tout en roulant, j'essaye de comprendre ce que l'on me dit. Tout ce que je réussis à capter, c'est que quelqu'un nous attend à Na'in pour visiter la ville et nous trouver un hébergement. Nous n'aimons pas beaucoup ce genre d'initiative. L'homme à la mobylette n'est autre qu'un rabatteur et nous ne savons pas qui nous allons trouver à Na'in.
    Après plus de 2h30 d'ascension vient le moment de la récompense : la descente de 30 kilomètres !!! Avec des pointes à 70 km/h dans l'aspiration des camions, puis une moyenne de 40 km/h jusqu'à Na'in, nous y sommes à 10h30. Mahmoud nous attend sur le bord de la route et nous demande de le suivre. C'est assez étrange comme sensation, car nous avons l'impression que tout était organisé depuis longtemps, que Mahmoud nous attendait précisément aujourd'hui. Il commence à nous promener dans la ville à vélo à la recherche d'un bon endroit pour camper. Il nous propose la Mosquée (comme de bien-entendu), mais quand il voit nos têtes, il comprend rapidement qu'il va falloir trouver autre chose. Il nous trouve donc une auberge à touristes. Le patron n'est pas là mais le réceptionniste accepte que l'on y gare les vélos le temps d'une balade en ville. Nous découvrons vite que Mahmoud est très croyant et qu'il ne servira à rien d'entamer un débat sur les religions avec lui. En début d'après midi, il nous laisse enfin seuls pour que l'on puisse manger et nous reposer. De retour à l'hôtel, nous demandons au patron s'il est possible de camper dans le jardin. Il a l'air d'accord mais téléphone à quelqu'un (peut-être pour voir s'il y a quelques chose de mieux...). Il nous donne rendez-vous à 13h30 à la réception pour rencontrer un ami. Point. Sur ce mystère, il nous ouvre une pièce où sont rangés des matelas, il nous étend une couverture, branche la clim, nous laisse les clefs et nous souhaite bon appétit et bonne sieste. A 13h30, on cogne à la porte, c'est l'homme de notre rendez-vous, un vieux guide de la région qui nous raconte de belles histoire notamment la rencontre avec sa femme. Allez, puisque c'est une belle histoire, nous allons vous la raconter en raccourci. « J'avais 10 ans, commence t'il, perché sur mon vélo, je roulais dans le village quand une jolie demoiselle me jeta un caillou afin d'attirer mon attention. J'ai ramassé le caillou que j'ai gardé précieusement dans 5 boîtes. Un jour, je lui ai offert les boîtes. Elle a ouvert la première boîte dans laquelle il n'y avait rien d'autre qu'une deuxième boîte dans laquelle il n'y avait rien d'autre qu'une troisième boîte, dans laquelle il n'y avait rien d'autre qu'une quatrième boîte dans laquelle il n'y avait rien d'autre qu'une cinquième boîte dans laquelle il n'y avait rien d'autre qu'un petit caillou. Qu'est-ce que c'est, me demanda-t-elle ? et je lui répondis simplement qu'il faut se méfier car quand on lance un caillou sur quelqu'un, il fini toujours par revenir. J'ai demandé sa main et nous nous sommes mariés ». Ce monsieur nous a semblé bien sympathique et nous a proposé une visite avec un groupe de touristes. Malheureusement nous lui avons précisé que nous avions rendez-vous avec Mahmoud. Il nous a demandé d'être vigilants car même si récemment, il a été inscrit sur le guide touristique Lonely planet, ce n'est pas un guide officiel. Il nous a demandé simplement d'être méfiants. 16h30, Mahmoud est là pour la visite. Il se fait accompagner d'un copain. Nous commençons la balade et dans une petite ruelle, nous croisons des enfants. Il prend une fillette dans ses bras, lui fait des bisous et nous dit qu'il aime beaucoup les enfants. La fillette ne semble pas l'apprécier. Il veut prendre des photos de nous avec les enfants, mais ces derniers n'en ont pas envie. Il prend notre appareil et photographie alors que les petits font la gueule. Ensuite nous passons à coté de ruines très intéressantes sur lesquelles on ne s'attarde pas pour rester longtemps sur un château d'eau dont nous connaissons déjà le fonctionnement. Nous finissons par visiter la mosquée et là il se prend le bec avec un guide turc. Nous ne savons pas trop quoi penser, nous n'avons pas bien compris ce qui s'est passé mais l'ambiance n'est pas bonne. De retour à l'hôtel, il s'en va sans dire un mot au gérant. Visiblement, ils ne s'aiment pas beaucoup. Par contre nous, avec le gérant de l'hôtel, sa femme et son fils, le courant passe très bien. Il nous semble être quelqu'un de très honnête et nous passons un bon moment à discuter. Mahmoud nous dit qu'il va revenir ce soir, mais nous ne savons pas pourquoi faire, nous lui expliquons que nous mangerons de bonne heure et que nous nous coucherons tôt et pas après 21h00. Il revient et laisse entendre qu'il va manger avec nous. Nous préparons donc à manger pour 3. Le repas presque prêt, le gérant et sa famille nous apporte du riz cuit et une soupe de légumes absolument délicieuse. Entre eux et Mahmoud, pas un mot et une ambiance électrique. Pour rompre le malaise, Mahmoud part acheter quelque chose à boire. Lorsqu'il revient avec son copain, le gérant s'en va. Drôle d'ambiance. Il nous explique que ces gens là sont jaloux de lui. Mouai... Nous ne savons pas si son copain veut manger avec nous, nous n'avons que 2 couverts, nous sommes 4, c'est le flou complet. Après le repas, il souhaite que nous l'accompagnions jusqu'à son magasin d'informatique.
    Cédric : « Alice reste auprès de la tente et moi, je file avec les deux gusses. Mahmoud a envie d'aller aux toilettes, il prend donc un taxi pour aller plus vite à son magasin. Ce que je ne comprend pas, c'est pourquoi nous n'avons pas pris le taxi tous les trois? c'est le même prix ! En plus son compère qui me dit de marcher plus lentement! Pourquoi? Devant son magasin, Mahmoud surgit de derrière un muret et l'air de rien, ouvre sa boutique. A l'intérieur, sur les murs, un poster du président, des photos d'Imams, des cadavres de djihads, des versets du Coran... Drôle de boutique. Il allume son ordinateur et me demande s'il peut avoir les photos de la visite de mon appareil car le sien n'avait plus de batterie. Il souhaite aussi avoir une photo souvenir de nous sur nos vélos. Un peu entreprenant, il regarde mes photos et bien sûr les trouve très belles. Il décide de tout copier sur son ordinateur. Je ne suis pas d'accord et lui demande d'effacer certaines photos. Ce qu'il fait avec plaisir, sachant qu'une fois dans la corbeille de l'ordinateur, il n'aura plus qu'à restaurer les images pour pouvoir les revoir. Il me montre plein de photos d'autres touristes qui sont passés à vélo.
    Je n'aime pas du tout sa façon de critiquer mes photos où des filles sont sans voiles dans les maisons, ou bien lorsque Amad danse comme un fou dans le bus. « Ce n'est pas bien, ce n'est pas des bons musulmans sur tes photos, dit-il ». parce que lui est irréprochable ? J'en ai marre et je lui dis que je veux rentrer. Il me demande s'il peut utiliser une de mes photos pour son exposition « L'Iran vue par les touristes étrangers ». Au point où j'en suis je lui dit que oui. »

     
    Sur qui sommes nous tombés ?

    Mercredi 1er octobre (90 km)
    Aujourd'hui est un jour spécial. Le ramadan est terminé !!!! Nous allons pouvoir découvrir l'Iran sous un autre jour. La traversée du désert est une vraie partie de plaisir. Ligne droite, route plate, vent dans le dos. Seul point noir, la chaleur et le soleil brûlant qui nous oblige à nous tartiner de crème solaire. Lors d'une pause dans une station service, nous en profitons pour demander un peu d'essence pour le réchaud.
    Cédric : « Un homme qui venait pour faire le plein de son auto m'en a filé au moins 3 litres, alors que je ne pouvais en accepter que 0,75. Le reste est parti sur ma figure, mes habits et par terre. L'essence est tellement peu cher ici qu'ils se permettent de la gaspiller comme ce n'est pas permis. »
    Au moment de repartir, un 4x4 de la police s'arrête à 10 mètres de nous. Un gros policier, sans descendre de son véhicule, nous fait signe d'approcher. Ca y est, nous allons avoir une escorte jusqu'à Bandar-e Abbas. Il nous demande nos passeports, écrit nos noms, notre destination, notre n° de passeport, nos dates de visas... Il est vraiment très désagréable et nous repensons à ce que nous à dit Mahmoud hier : « je vais prévenir la police de votre passage, pour votre sécurité, c'est mieux. Et si vous voulez, vous pouvez avoir une escorte. C'est vraiment bien une escorte, surtout pour vous qui dormez dans le désert, il y a plein d'animaux sauvages ».
    Après avoir pris ses renseignements, le policier nous fait signe de déguerpir. Comme nous ne repartons pas assez vite à son goût, il revient à côté de nous et du haut de son 4x4, il nous ré-ordonne de déguerpir. Comme nous n'aimons pas ces manières et que nous sommes pacifiques, nous lui faisons comprendre que nous partirons quand nous le voudrons. Devant lui, regards croisés, nous commençons à nous étaler de la crème solaire sur le visage, telles des peintures de guerre de clowns. Cela ne l'amuse guère, il laisse tomber et s'en va sirène hurlante.
    Ce matin, il fait plus chaud que les jours précédents. A midi nous sommes cuits et nous ne pouvons plus avancer. Un genre de mosquée au dôme bleu se dresse devant nous. A l'intérieur, il y a un parc avec des jeux pour enfants, une fontaine d'eau fraiche et tout autour de la cour, des pièces où des familles préparent à manger. Ca ressemble à un caravansérail. Avec nos visages déconfits, des hommes prennent pitié et déménagent une place à l'ombre pour nous. Après avoir comblé le vide de notre estomac par les restes de nouilles de la veille, nous entamons la sieste. Comme il fait très chaud et que nous sommes assez crasseux, nous allons prendre une douche. Problème, l'eau est salée.
    Nous essayons de nous coucher tôt, mais c'est toujours difficile lorsqu'il y a des gens autour. Forcément, en tant qu'étrangers propriétaires de drôles d'engins, nous attirons l'oeil et la sympathie. Le petit vieux qui entretient les locaux a invité toute sa famille, ils sont au moins quarante.
    Cédric : « Pendant qu'Alice reprend sa fonction de maîtresse avec les nombreux enfants, je discute avec les hommes de la famille. L'un d'eux, Sahid, a été jusqu'à récemment, capitaine de bateau entre Bandar-e Abbas et Dubaï. Il nous explique qu'il n'y a aucun soucis pour nous rendre à Dubaï. Par contre, les bateaux pour l'Inde transportent uniquement de la marchandise. Selon lui il est possible de négocier directement avec le capitaine et de mettre les vélos dans des caissons ».
    Après le thé et la séance photos, nous pouvons enfin nous coucher.

     


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    Samedi 20 septembre
    Grasse matinée. Aujourd'hui, nous pensons prendre un bus pour sortir de Téhéran et aller à Kashan. Manque de pot, on passe du temps sur Internet, on discute avec Reza et nous retrouvons Shahin qui nous remmène en ballade l'après midi. A 17h, nous sommes prêts à partir mais il est trop tard. Il y a 3 heures de bus, ce qui nous ferait arriver à la tombée de la nuit et nous savons par expérience que c'est une très mauvaise idée de chercher un endroit pour dormir lorsqu'il fait nuit. Nous accompagnons donc Shahin à son cours de mythologie Perse et nous retrouvons par hasard des personnes rencontrées quelques jours plus tôt. Notamment Hamad, un jeune super dynamique qui aime énormément s'amuser. C'est d'ailleurs lui qui avait organisé la journée de Disco-Bus. Il nous invite à venir diner chez lui. Nous acceptons mais nous savons qu'il va falloir rentrer tôt car nous aimerions partir tôt le lendemain. Chez lui, on est très croyant. Les femmes sont très gentilles mais cachées sous des draps, on ne voit que leurs yeux et leur bout du nez. Il n'y a que sa cousine, artiste connue en Iran, qui ne porte pas de voile à la maison. Le repas est succulent mais nous avons de plus en plus de mal avec la viande. Nous en mangions déjà très peu voir exceptionnellement en France, mais alors là toute cette viande à toutes les sauces et à tous les repas, ça fini par vraiment nous écoeurer. A la fin du repas, Ahmad met de la musique actuelle iranienne et commence à danser comme un fou, puis il nous invite à danser aussi. Un peu hésitant d'abord, nous avons ensuite improvisé une scottisch sur fond de musique dance et nous avons enchainé avec les chants traditionnels du Berry. Plus tard, en nous raccompagnant jusqu'à nos vélos, il nous dira que c'est une journée spéciale religieuse et il est interdit de faire de la musique et de danser ce jour précis. Sa famille va probablement le passer à tabac à son retour « mais, nous dit-il, je suis musulman aussi, mais je ne veux pas d'une religion qui m'interdise de m'amuser. Je ne fais rien de mal ».


    Dimanche 21 Septembre (20 km)
    Debout à l'aube, nous faisons nos adieux au jardin de l'association Espéranto Iran et nous prenons la route vers la gare des bus au Sud de la ville. Nous roulons sans souffrir du trafic monstrueux de Téhéran. Bizarrement, nous avons remarqué un genre de « pause » autour de 7 heures du matin. Est-ce à cause du ramadan ? Est-ce le moment de la prière ? L'heure du dernier repas avant la journée de jeûne ? Il y a tellement peu de circulation que des poules picorent les poubelles sur la route. Dans le bus pour Kashan, on nous offre un petit breakfast composé essentiellement d'emballages plastiques. Il y a un sachet plastique avec dedans un gobelet plastique, un bonbon emballé, un petit paquet de biscuits sous plastique. Ensuite on nous donne une paille en plastique emballée, pour boire un berlingot de jus d'orange.

    Arrivés à Kashan, on découvre que nos vélos on été maltraités dans la soute du bus. Des gros sacs de voyage ont été posés sur nos deux vélos déjà couchés l'un sur l'autre.

    En plein dans la ville, il semblerait que le camping soit difficile. Nous décidons d'aller à l'hôtel. Comme cela, nous pourrons aussi laisser les bagages et aller nous balader. Deux hôtels s'offrent à nous, l'un très cher mais très propre, l'autre à un prix raisonnable mais très sale. Finalement on prend le très sale et qu'est ce qu'on regrette !!! Draps dégueulasses, table couverte de jus collant (on ne peut rien poser dessus), moquette encore plus crade, trognons de pommes séchés sous le lit, squelette de gros cafards et cafards bien vivants dans les toilettes, ventilateur rouillé prêt à nous tomber sur la tête... L'endroit rêvé pour se reposer! Et on ne vous parle pas du maître d'hôtel et de son problème psychologique avec les liens familiaux, car ayant perdu ses parents dans un accident de bus, il a dû vivre un grand manque affectif au point de nous obliger à devenir son frères et sa soeur ! « You sister me, and you brother me, me brother you my sister brother me » répétait-il maladivement.
    Nous nous sommes évadés de l'hôtel dès que possible pour aller visiter la ville. Le bazar, les maisons traditionnelles et les petites ruelles.


    Lundi 22 septembre (15 km)
    Nous voulons décamper de bonne heure mais manque de pot, le pneu arrière du vélo de Cédric est crevé par un bout de métal. Nous devons réparer dans l'hôtel sous les yeux de notre « frère » toujours aussi mal dans sa peau. Nous l'avons vu sortir un aspirateur, mais juste pour faire croire qu'il fait le ménage, car en vérité nous l'avons vu refaire notre chambre sans rien changer ; même draps, même crasse. En route vers Fin Garden, un célèbre jardin où fut assassiné par ordre du roi, le premier ministre Amir Kabir (un monsieur très aimé des Iraniens encore aujourd'hui car il souhaitait plus de liberté au peuple), nous créons des bouchons. Des dizaines de voitures nous filment et nous prennent en photo (vive le téléphone portable, fléau des temps modernes), il y a notamment une voiture pleine de jeunes hommes qui nous filment et nous suivent sur plus de 10 kilomètres. Devant les portes du jardin, des policiers nous informent que c'est fermé aujourd'hui à cause d'un jour religieux (deuil national, mort de l'Imam Ali). Un monsieur très gentil se démène pour essayer de nous faire ouvrir la porte, il parlemente très longuement avec les policiers, expliquant que l'on vient de loin, en vélo, pour voir ce jardin... Finalement au bout d'une demi-heure, il revient nous voir complètement désolé. Il nous explique qu'il déteste le gouvernement de son pays exactement pour cela et qu'il espère que cela va changer bientôt car il ne supporte plus cette vie.
    Nous ne lui en voulons pas du tout et le remercions pour son aide, puis ramadan ou pas, nous avons faim. Cette fois ci, hors de question de nous cacher, il y a de très belles banquettes publiques sur le bord de la route, nous décidons d'y faire un pique nique au vu et au su de tout le monde. Nous attirons la sympathie d'un groupe de musicien qui vient se joindre à nous pour partager quelques cacahuètes et nous offrir des biscuits. Ensuite nous avons la visite d'une bande d'hommes très croyants. Ils nous proposent de nous joindre à eux ce soir pour partager des têtes de moutons bouillies, et comme nous sommes les invités, ils nous laisseront les meilleurs morceaux à savoir, les yeux. Ce à quoi nous répondons que malheureusement nous sommes végétariens mais que leur invitation est très aimable.
    Vers 17h nous cherchons un coin pour passer la nuit. Nous trouvons de très bonnes places dans un jardin juste en face Fin Garden. Il y a des chats partout qui se nourrissent des restes de pique-nique. Ce soir, de nombreuses familles viennent manger dans ce parc et bien évidemment, nous sommes invités de tous les cotés. Inutile d'entamer notre nourriture, nous sommes alimentés comme il faut par la véritable hospitalité iranienne.
    Pendant un temps, nous avons cru pouvoir passer une nuit tranquille, mais ce soir est un soir un peu spécial et le repas va se prolonger jusqu'à très tard dans la nuit. A 2h du matin, ce sont des dizaines de motos qui tournent en rond dans le parc, puis à 4h du matin, c'est une grande messe. Les fidèles poussent par moment des cris de guerre. Planqués au fond de notre duvet, on en mène pas large et on se demande si demain matin (ou plutôt dans quelques heures) les gens seront toujours aussi gentils.


    Mardi 23 septembre (20 km)
    La journée commence agréablement par une visite du fameux jardin. Pas forcément le plus beau des parcs que nous ayons visité en Iran, c'est surtout l'histoire qui est intéressante ici. Il y a tout de même de grands arbres et de très beaux bâtiments. Dans les toilettes, on profite même de la présence d'une douche. Après la visite, nous faisons quelques courses, le plein d'eau et nous sommes fin prêts pour la traversée du désert. Il fait très très chaud, très sec et évidemment pas un poil d'ombre mais on pédale de bon coeur, joyeux, nous sommes sur l'autoroute et il n'y a presque personne. L'autoroute est la voie la plus directe et la moins dangereuse pour nous qui restons sur une large bande d'arrêt d'urgence. Juste après un poste de péage, la Police Iran-''haine'' nous arrête. On a beau essayer de parlementer, rien n'y fait, monsieur l'agent nous oblige à faire demi-tour jusqu'à Kashan pour reprendre une autre route, plus longue, en plein désert, plus empruntée et plus petite donc plus dangereuse pour nous. Peut-être qu'avec un bon billet il nous aurait laissé passer, mais nous sommes absolument contre le fait d'alimenter le business de ces fonctionnaires corrompus ! Comme il est HORS de question que nous fassions demi-tour, nous attendons la première voiture qui passe. Et c'est un producteur de pomme de Shiraz qui nous prend en stop dans sa camionnette. Au bout de 80 km, la camionnette de son oncle tombe en panne d'essence. Le voilà qui se met sur le bord de la route en tournoyant un bout de tuyau plastique et un bidon au passage de chaque véhicule. Ce langage gestuel veut simplement dire : « Voudriez-vous bien vous arrêter s'il vous plait, que je vous siphonne un peu d'essence? ». Il faut attendre un automobiliste gentil (ça c'est assez facile) mais surtout c'est de l'essence qu'il nous faut. Attendre en plein soleil au milieu de nulle part un hypothétique sauveur, est pour nous une situation à la fois inquiétante et amusante. Finalement, on arrive à Esfahan en milieu d'après midi. Notre chauffeur s'arrête pour nous laisser au bord d'un parc en nous donnant rendez-vous chez lui à Shiraz.

    Esfahan (Ispahan en français) est à première vue une ville incroyablement agréable pour nous. Le rêve du cycliste : des voies piétonnes tout le long de la rivière, des grands parcs, verdoyants, une pelouse qui nous donne envie de camper, des robinets d'eau et des prises électriques qui ont remplacé les cabines téléphoniques (et oui, vu que maintenant tout le monde a un portable greffé à l'oreille). Le problème est que sur tous ces beaux parcs, le campement est interdit. On nous propose un jardin un peu spécial à Ispahan, un grand parc où les voyageurs comme nous peuvent poser la tente lorsqu'ils passent par ici. Nous allons dans ce fameux parc Hadir et la Police (deuxième fois de la journée) commence à nous chercher les ennuis. Ils insistent pour que l'on monte la tente juste à coté de leur officine, c'est à dire près du carrefour, à l'entrée du parking, sur le bitume, sous les lampadaires, à coté des toilettes, à l'entrée du parc. Bref l'endroit le plus tranquille. Dans ce premier combat de têtes de mules, nous avons gagné en leur montrant que notre tente ne tient pas debout si on ne plante pas les sardines dans la terre. Cet argument choc nous a permis de camper 30 mètres plus loin sur l'herbe du parc.


    Mercredi 24 septembre (25 km)
    Mauvaise nuit dans le parc, du bruit tout le temps, des klaxons, des alarmes de voitures et les policiers qui faisaient joujou avec leur sirène. On décide de partir à la recherche d'un hôtel pas cher. Le meilleurs prix, c'est à l'hôtel SHAD, mais on va pas leur faire de pub, vu le coup qu'ils nous ont fait. Bref, on pose nos bagages dans l'hôtel et on part à la recherche du bureau pour la prolongation des visas. D'après le plan que nous avons, ce n'est pas la porte à côté et ça ferme bientôt. Vaille que vaille, on tente le coup. On se couche sur nos vélos et on fonce à travers le trafic, les pieds en avant. On passe finalement des heures et des heures à chercher ce bureau qui n'existe pas. On demande aux policiers, incapables de nous aider. Quand nous demandons aux passants, il faut d'abord répondre au questionnaire : « Hello, how are you? Where do you come from ? What is your name ? Are you student ? What is your job ? Where is your hotel ? What is your religion ? Do you like Isfahan ? Can I help you ? » Et là, on dit que oui, on a besoin d'aide pour trouver ce satané office, mais à chaque fois la réponse est la même : « Sorry, I don't no, welcome in Iran, have a good day in Isfahan ! Nice to meet you ! »
    Finalement, il est vraiment trop tard pour chercher l'office, nous décidons de finir la journée par une ballade dans la ville. Nous visitons des parcs très agréables, la grande place Imam, son palais, ses mosquées et nous nous perdons dans le grand bazar. Nous sentons bien que c'est une ville très touristique. Il y a beaucoup d'hôtels, la vie est plus chère, les café-Net sont biens équipés et rapides et il n'y a qu'ici que nous avons trouvé des commerçants qui parlent le français. Ce soir nous téléphonons à notre contact Espérantiste local. Elle nous rappellera plus tard à l'hôtel pour que l'on organise une rencontre.
    Sur la grande place Imam (la deuxième plus grande au monde après la place Tien an Men), une mère et sa fille nous invitent au resto. On accepte assez facilement puisqu'elles sont très gentilles et que nous avons bien faim. Dans ce fameux restaurant touristique d'Ispahan, nous nous retrouvons avec la douzaine de copines de nos accompagnatrices. Elles nous font déguster tout un lot de spécialités. Quand on ressort du restaurant, on a le ventre qui traîne par terre et on rencontre 3 touristes français. En discutant sur la place, nous avons droit à de nouvelles invitations. Difficile de refuser, on accepte gâteaux et pastèques jusqu'à ce que nos estomacs frisent l'explosion. De retour à l'hôtel, on dort mal car les réceptionnistes font la fête.


    Jeudi 25 septembre (20 km)
    Ce matin, nous commençons par la demande de prolongation de visa, puis nous visitons Ispahan. Nous rencontrons un Iranien qui parle un peu français. Il nous fait visiter les mosquées, le bazar et tous les différents types d'artisanat. C'est quelqu'un de très intéressant et honnête. Il nous parle d'une grande manifestation qui doit avoir lieu demain sur la place Imam et dans toutes les villes du pays. En tant que musulman, il nous présente la manifestation comme un appel à la paix entre Israël et la Palestine. Mais vu les affiches qui sont en train d'être installées, on s'attend plutôt à autre chose : Down with USA, down with Israel. Il y a des grandes affiches où l'on voit Israël représenté par une tête de mort qui mange la Mecque. Il souhaite de tout coeur que la paix s'établisse là-bas, mais il nous informe que demain, il ne préfère pas venir à la manif. Sauf si l'on y va, il pense préférable de nous y accompagner.
    De retour à l'hôtel, notre amie Espérantiste nous appelle pour nous signaler que nous pouvons aller chez elle et que nous sommes les bienvenus. Le réceptionniste prend l'adresse exacte et l'écrit en farsi pour nous aider à trouver. Nous chargeons les vélos et au moment de partir, un vilain petit policier myope comme une taupe, mais quand même équipé d'une mitraillette, nous demande de le suivre au poste de police du carrefour. S'en suit un interrogatoire d'une heure pour connaître le nom exact de notre amie. Le policier que l'on a en face ne rigole pas beaucoup car il en va de notre sécurité. Il doit contrôler toutes les relations entre touristes et Iraniens car ces derniers peuvent être très dangereux. Il nous informe aussi que les Iraniens n'ont pas le droit d'héberger des étrangers (ce qui est faux). Le pauvre vieux, s'il savait le nombre de touristes qui se retrouvent invités chez des habitants, il serait fou. Toujours est-il que dans ce cas précis, même dans le cadre restreint de rencontres entre adhérents à l'association internationale d'Espéranto, ça lui pose problème. Nous finirons donc par retourner au parc Ghadir en prenant soin de nous cacher pour rentrer dans le parc, éviter à tout prix le poste de police à l'entrée et monter notre tente le plus loin possible d'eux afin de dormir tranquille.

    Cédric : « Seulement une fois la tente montée, lorsque nous étions prêts à aller au lit, je suis passé devant le nez des policiers. Hello mister, me disent-ils en me reconnaissant tout de suite. Ca n'a pas loupé, l'un deux (un autre à la mitraillette) m'a suivi jusqu'à la tente et m'a demandé de tout ranger pour nous installer à coté de leur office. D'un air complètement désolé, je lui ai chuchoté qu'Alice avait très mal à la tête et que je ne pouvais pas la réveiller. Le pauvre gars n'a pas pu insister et dans la tente, nous nous sommes écroulés de rire ».


    Vendredi 26 septembre (25 km)
    Pliage rapide de la tente et petit déjeuner sur l'herbe, à l'ombre, loin dans le parc. Une journée qui aurait pu commencer à merveille si ces satanés policiers voulaient bien nous foutre la paix. Au loin, nous les voyons passer de tente en tente, rentrer dedans et balancer des affaires dehors. Apparemment, ils ne sont pas de bon poil ce matin. Nous avons essayé de disparaître dans le feuillage, mais ils nous ont vu et n'avaient pas du tout envie de jouer car selon eux, il y a des assassins dans le parc. Ils nous saoulent tellement qu'on fini par craquer et pour bien les faire ch... Nous nous réinstallons devant l'entrée de leur office. Maintenant, nous sommes trop prêts, on les gêne pour regarder la télé et jouer aux dominos. Nous réussissons à négocier un emplacement sur l'herbe et à l'ombre à une trentaine de mètres d'eux. Finalement, nous montons la tente et laissons nos bagages sous la surveillance de nos cowboys, puis nous allons assister à cette fameuse messe spéciale pour la paix. IM-PRES-SION-NANT !!!! La deuxième plus grande place au monde est pleine de fidèles. Dans les hauts parleurs, des imams crient leurs messages. Il y a des télévisions, des journalistes, des policiers en uniforme et énormément de policiers en civil. Avec nos têtes de touristes, nous sommes très vite remarqués et évidemment, tout le monde se jette sur nous, pour une photo ou une question du genre, « Êtes vous journalistes ?, Pourquoi êtes vous ici ? Êtes vous d'accord avec la manifestation ? » Si on est d'accord ? Bien sûr que non, mais on ne peut pas le dire comme ça, alors nous répondons que nous sommes pour la paix. La réponse à l'air de leur convenir, reste à savoir quelle est leur définition de la paix. Vu les affiches et ce qu'elles expriment, « Israël tue nos frères Palestiniens ! Ils tuent des enfants ! Israël et les américains, sont l'incarnation du diable !!! », Ils sont encore au stade du désir de vengeance et loin d'une envie de paix. En diabolisant les juifs et les américains, les organisateurs de la manifestation font un bourrage de crâne maximum pour faire grandir la haine et la violence dans le coeur des gens. Remarquez qu'en France, les Arabes des banlieues sont aussi largement diabolisés, il suffit de regarder le journal télévisé pour constater qu'à l'origine de chaque agression, accident, meurtre, il y a toujours un ou plusieurs ''magrébins''. Et comme disait Chirac, ''je ne vous parle pas non plus du bruit et de l'odeur''. Revenons la manif, un jeune homme nous suit depuis le début, nous n'y faisons absolument pas confiance. Impossible par exemple de sortir l'appareil photo. On ne peut rien faire, alors nous essayons de fuir comme des touristes à la recherche de quelque chose à visiter un jour férié où tout est fermé. Le jeune homme nous suit encore, nous préférons quitter la place et nous perdre dans le bazar. Lorsque l'on revient, la messe est dite et tous les gens que l'on croise ont des regards de tueurs. Nous visitons une exposition photo horrible sur les horreurs de la guerre où l'on voit des enfants morts, du sang, de l'humiliation, de la haine. Des dessins caricaturaux montrent Israël et les USA comme les seuls responsables de cette horreur. En fait, ce n'était absolument pas une manifestation pacifique, c'est un véritable appel à la violence, à la guerre !!! Le pire est de constater que dans ce pays la religion est utilisée pour maîtriser le peuple. La religion est imposée et la foi de tous ces gens par ailleurs sympathiques est utilisée pour leur faire accepter n'importe quoi comme s'engager dans une guerre idiote qui ne servira rien d'autre que leur leaders et leurs désirs de domination, de pétrole, ou leur simple folie meurtrière. Dans ces moments, nous imaginons le pire et nous pensons à tous ces Iraniens honnêtes, instruits, les plus gentils au monde, qui souffrent non seulement de la dictature Islamique, mais qui en plus seront les premiers à subir les conséquences d'une guerre.

    Bref, un peu refroidit par ce que nous avons vu, nous nous offrons un après-midi détente sur internet


    Samedi 27 septembre (30km)
    Enfin nous pouvons récupérer nos passeports avec la prolongation de visas. Nous prévoyons de repartir demain vers Yazd à vélo. Pour cela, nous avons le choix entre 2 routes. Une voie principale au Nord et une route plus tranquille au Sud. Après vérification auprès de plusieurs personnes, la route au Sud n'est pas entièrement goudronnée et les villages indiqués sur notre carte ne sont pas tous fiables. Nous passons deux bonnes heures sur Internet, et nous trouvons le moyen de communiquer par skype avec la famille de Cédric.


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  • Lundi 15 Septembre

    Ce matin, nous sommes retournés au local de l'association. Dans la rue nous parlons longuement anglais avec un passant qui nous apprend énormément sur le pays et à tout point de vu, que ce soit historique, politique, sociale. Il nous parle des Bazars noirs, les seuls endroits où l'on peut se cultiver et trouver des livres ou des films intéressants. Pensez que des films comme « Amélie Poulain » ou bien encore « la Soupe au choux », sont interdits en Iran car on y voit des femmes sans voile et des hommes qui boivent de l'alcool. Au local de l'association, nous avons pu enfin avoir un entretien téléphonique avec la Radio France bleue Berry. Nous avons également eu accès à Internet bas débit. Il nous aura fallu plus de 4 heures pour mettre quelques photos en ligne.

    Pour le déjeuner, nous avons été invités par Mohammed qui travaille dans le local de l'association, ou plutôt c'est l'association qui squatte chez lui. Il diffuse des magazines d'informatique dans tout le pays. Dans son logement à l'étage, nous mangeons avec ses deux garçons et Reza. La femme de Mohammed ne mange pas car elle fait le ramadan. C'est la première croyante pratiquante que l'on rencontre. Même à la maison, elle porte le voile à cause de nous, les étrangers. Après manger, nous avons la visite d'un groupe d'étudiants. Ils nous apportent des glaces (eux non plus le ramadan........). Par contre, lorsqu'un professeur d'université sonne à la porte, il faut rapidement cacher les glaces derrières les piles de papiers et que les filles remettent leur voile.

    A 18h nous partons prendre le bus pour Racht, une ville au Nord du pays. Nous avons été invités par Akbar, un Espérantiste très gentil. Sur le terminal de bus de Téhéran, nous n'avons pas cherché longtemps LE bus pour Racht. Nous avons essayé la technique iranienne, ça marche très bien. Il suffit de crier Racht, Racht, Racht !!! Et quand un homme à la porte du bus crie Racht, Racht !!! C'est bon, on a trouvé le bon bus. Nous n'avons pas cherché longtemps, mais pendant un temps, nous nous sommes demandé si nous avons fait le bon choix. Avec les vitres fissurées, le bricolage électronique apparent, les bruits de taules dans les soutes et le bouquet de roses noires en plastique. Nous avons l'impression d'être montés dans un cercueil roulant. Et nous ne parlons pas du chauffeur nerveux qui est le sosie parfait du chef des méchants dans le film de Louis de Funès, « Rabbi Jacob » : gros, frisé, avec 2 petits yeux noirs cruels.

    Finalement, on arrive à bon port avec une heure de retard sous un déluge incroyable !!! Nous n'avons pas vu d'eau depuis si longtemps. Akbar nous explique que c'est comme ça tout le temps dans le Nord du pays. Les précipitations arrivent de la Caspienne et sont arrêtées tout de suite par les montagnes. Au Nord de la chaîne montagneuse, tout est verdoyant et très humide, on y cultive beaucoup de riz et de thé. Au Sud, c'est le désert.

    Dans sa maison, Akbar nous présente sa femme. C'est la deuxième croyante que l'on rencontre. Elle ne parle pas beaucoup mais est très gentille. Elle est directrice d'école et est très occupée à préparer la rentrée. Elle a beau être pratiquante, elle nous prépare de délicieux repas et tolère tout à fait qu'Alice tombe le voile à la maison.

     

    Mardi 16 septembre
    Akbar nous emmène visiter sa région. Nous faisons le plein de fraîcheur, de chlorophylle et de pluie avant de s'attaquer prochainement au désert, à la chaleur, la soif, les tempêtes de sables. Nous pique-niquons sur le rivage de la mer Caspienne. Sur ce coin de plage, cachés de la police, tout le monde essaye d'oublier un instant le régime dictatorial. Filles et garçons se baignent ensemble, certaines ont fait tomber leur voile dans l'eau, tant pis. D'autres fument, et nous festoyons. Akbar nous emmène dans des villages. Dès qu'il peut, il nous fait déguster les spécialités culinaires de sa région. Il nous explique qu'en Iran, il y a énormément de cultures différentes et que d'un village à l'autre, la langue, la nourriture, la musique peuvent changer complètement. En fin de journée, il nous emmène dans le bazar de Racht. Les parties bibelots, vaisselle, fournitures scolaires et vestimentaire restent assez classiques. Par contre la partie alimentaire est impressionnante. Il fait une chaleur moite. La pluie a rincé toutes les étales des commerçants et un ruisseau de bouillon de culture coule sous nos sandales, mélange de jus de légumes, de poissons et de viandes. Derrière un nuage de mouches, un vieil homme assis sur un tabouret, cris pour essayer de vendre les poissons étalés devant lui. Un autre commerçant, assis par terre, passe des dizaines de têtes de moutons au chalumeau (Qui peut manger ça ?). De la viande noire est suspendue à des crochets. Un marchand de légumes pousse la chansonnette, un autre cri des poèmes disant que ses légumes sont délicieux et pas chers. Sa façon de servir les aubergines est par contre bien moins poétique. Il les prend à pleine brassée dans un tas posé par terre baignant dans le jus, puis les jette dans un grand sac plastique.


    Mercredi 17 septembre
    Debout de bonne heure, Akbar nous promène encore aujourd'hui. Il doit faire le plein de sa voiture. Pour le GPL, il faut attendre 1 heure (et encore, il n'y a pas trop de monde. Parfois c'est 4 heures d'attente). Pour l'essence, on attend moins longtemps, mais il y a un rationnement. 4 litres par jour et par véhicule, pas une goutte de plus, sinon le prix du litre est au moins quadruplé. Parfois on s'étonne qu'avec un rationnement sur l'essence, on observe autant de trafic sur les routes et autant de pollution. Le matin, nous visitons le célèbre village de Masulé. Perché dans les montagnes, le long d'un torrent, la tête dans les nuages, c'est un village très ancien inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Les maisons toutes à flanc de montagne sont collées les unes à coté des autres et les unes sur les autres. On circule dans le village par des petites ruelles étroites et aussi en marchant sur les toits terrasses. Akbar nous raconte qu'il y a une douzaine d'années, il était venu en famille dans ce village. Il s'était arrêté quelques kilomètres sous le village pour pique-niquer quand soudain tout un flot de voitures est redescendu tombeau ouvert dans la vallée. Les gens criaient, tout le monde était affolé. En fait, une énorme averse due à un orage violent, avait décroché de gros rochers qui s'étaient encastrés sous un pont. En quelques secondes le torrent a débordé emportant tout sur son passage et faisant une cinquantaine de morts. Il nous raconte que pendant le nettoyage du village, on retrouvait de temps en temps dans la boue, une main, une jambe, une tête... Bref, une histoire sympa qu'on a un peu hésité à mettre dans le blog. A par ça les maisons sont très bien isolées, du fait qu'elles sont à moitié enterrées et que les murs et la toiture sont fabriqués essentiellement à base de terre, de fibres végétales et de bouses. Dans ce village, mais surtout dans une autre ville à une vingtaine de kilomètres, on fabrique des pâtisseries absolument incroyables !!! Il n'y a qu'ici qu'on en mange et qu'on les fabrique. C'est un genre de biscuit fourré avec une espèce de pâte à base de noix. Ca s'appelle Kouloutché et c'est bon à s'en faire exploser le ventre. En plus, ce n'est vraiment pas cher, 35 centimes d'euro les 5 pièces.

    L'après midi, Akbar veut nous emmener visiter un château que lui même n'a jamais vu. Au bout de plusieurs kilomètres d'une petite route de montagne, nous y sommes. Pas au château, mais au pied des escaliers qui y mènent. C'est un chemin à travers bois, en partie le long d'un torrent et comme ça grimpe sévère, ils ont eu la bonne idée de mettre des marches (plus de 900). Avec la pluie qui tombe de plus en plus fort, nos sandales avec nos cales de vélo et les escaliers tordus et aux marches déformées, ce n'est pas facile. Akbar lui, s'arrête régulièrement reprendre son souffle. Au bout d'une heure et demie d'ascension, c'est le déluge, mais nous y sommes. Une gigantesque forteresse s'impose au dessus de nous. Surprise, en passant la grande porte d'entrée en bois, sous le porche, un vieux monsieur tout maigre avec une veste de militaire est assis à un bureau et vend des tickets. Nous qui pensions que l'ascension était un prix suffisant pour visiter le château. Une famille nous rejoint et le vieux guide nous emmène au travers des ruines. En fait, ce n'est pas qu'un simple château, c'est une forteresse de 3 kilomètres de long qui suit la crête de la montagne. Elle n'est pas sans rappeler la grande muraille de Chine. La pluie qui tombe à grosses gouttes et la forêt qui transpire nous englobe dans une atmosphère très troublante. Dans la brume on distingue les silhouettes des arbres, le contour des ruines et soudain, on plonge dans l'oeuvre de Tolkien « Le Seigneur des Anneaux ». Où sont les Hobbits, les Nains, les Trolls et autres créatures fantastiques ? Il ne manque plus qu'eux ! La nuit approchant, nous devons redescendre rapidement, nous n'aurons pas vu un cinquième du site. Par une journée ensoleillée (très rare par ici), il faudrait pouvoir venir très tôt le matin et passer au minimum une journée sur le site.

    Nous retournons à la voiture il fait nuit noire. Impossible d'enlever l'alarme électronique, la télécommande à pris l'eau dans la poche d'Akbar. La famille qui nous a accompagné dans la visite puis dans la redescente, nous est venue en aide. Akbar s'est chargé de leur faire la promotion de notre voyage, ce qui nous a valu une invitation chez eux lorsque nous passerons à Ispahan. En nous écoutant parler Espéranto, ils se sont intéressés à cette langue et projettent d'apprendre.


    Jeudi 18 septembre

    Cédric : « Akbar et sa femme ont insisté pour que l'on reste, enfin.... c'est surtout sa femme qui a insisté pour qu'Alice l'accompagne à une fête 100% woman. Ce soir, quand sonnera l'heure de rompre le jeûne diurne du ramadan, les copines vont se retrouver dans une maison. Les hommes auront foutu le camp, les tchadors vont tomber; et Akbar m'assure que sous les voiles, des femmes vont apparaître en tenue de soirée, débardeurs et cheveux au vent, rien à voir avec les fantômes qui rodent sur le bord des routes. »
    Nous profitons donc d'une journée de repos pour dormir jusqu'à 11h puis nous flânons dans la maison. Nous écrivons, regardons la télé... C'est très intéressant la télévision Iranienne, on peut y voir Lucky-Luke en persan et Nicolas Hulot très bien doublé. Ca c'est pour la partie marrante de la télé. Pour le reste du programme, il y a essentiellement des émissions religieuses, des débats d'Imam, des prières, des récits de coran sur fond d'images de mosquées. Il y a aussi le journal télévisé qui nous donne un max la trouille et ne parle que de tremblement de terre, de guerres par ci, d'attentats par là, de bombardements, d'épidémies... Dans ces mêmes journaux, on voit des images de l'Islam toute puissante avec des leaders devant lesquels s'agenouillent des millions de fidèles qui remplissent les rues tous regardant la même direction, parfois debout levant le poing en criant Allah Akbar !!! Pour finir il y a toutes ces séries où les acteurs font la gueule, les femmes qui chialent tout le temps et finissent en enfer. Si la série dure 20 minutes, on peut compter 20 minutes d'une mixture d'engueulades, de larmes et de mort (en réfléchissant bien, on doit avoir les mêmes séries débiles en France).

    Cédric : Pendant qu'Alice est partie faire, entre guillemets, la fête avec les femmes, Akbar et moi parlons beaucoup sur des sujets divers comme le voyage, l'Espéranto, la vie en France et en Iran. Puis nous sommes invités chez des amis instituteurs. « Ni mangas rapide, poste ni iras !!! » qu'il me dit. Donc c'est ce que l'on fait. Nous mangeons rapidement, puis on part. La femme ne semble pas très pratiquante. Ils ont deux enfants clowns qui commencent à bien parler Anglais. Nous avons droit à un deuxième repas ainsi que de nombreuses délicieuses pâtisseries. Dans cette maison, on rêve de liberté. Ils nous montrent la vidéo d'un mariage. Ils me préviennent « tu vas voir ce que c'est que les Iraniens ». C'est absolument fou, au début de la soirée du mariage, les femmes ont presque toute le voile et leur visage ressemble beaucoup à celui des femmes de la télé, c'est à dire : triste. Quelques minutes plus tard sur la piste de danse, j'ai l'impression de regarder la vidéo d'un mariage français. Exactement tout pareil, pas un seul voile, des filles aux coiffures compliquées et MEME ! Des mecs bourrés. Comment est-ce possible ? Nous apprendrons plus tard par d'autres personnes que la police est souvent corrompue en Iran et que moyennant quelques billets voire quelques bouteilles, on peut aisément passer une soirée alcoolisée. Il y a aussi des magasins qui peuvent servir de la vraie bière ou du cognac mais c'est très cher car la police prend un gros pourcentage sur les ventes. Comme des milliers d'Iraniens leur télé est branchée sur le monde. Dans cette maison, on reçoit plus de 1000 chaînes de télévision et notamment des chaînes françaises. On restera un moment devant le film « Pouic Pouic » de Louis de Funès.

    En fin de soirée, nous retrouvons Alice et la femme d'Akbar pour prolonger la veillée.


    Vendredi 19 septembre

    Nous faisons nos adieux à Akbar et sa femme, mais avant, ils nous emmènent visiter un musée très intéressant calqué sur l'écomusée d'Alsace dont il est le « filleul ». C'est un village reconstitué, conservatoire des traditions de ce petit coin particulièrement humide d'Iran. Des maisons traditionnelles ont été démontées puis reconstruites dans ce petit village. Nous découvrons la vie autour de la culture du riz, Les maisons au toit en paille de riz, les cordes en paille de riz, les tapis en paille de riz, les murs en mélange de terre et paille de riz, les paniers en paille de riz, les chapeaux en paille.... et divers outils relatifs à la culture du riz. Pour encore mieux apprécier le musée, il faudrait y revenir quand ce n'est pas le ramadan car il y a un café et plein de dégustation de la cuisine locale.

    Nous arrivons à Téhéran assez tard et le copilote du bus nous prend par la main (au sens propre du terme) pour nous trouver un autre bus qui nous emmène au siège de l'association Espéranto Iran. Il ne sait pas mieux que nous où aller mais il a l'avantage de la langue. Finalement, il insiste pour payer nos tickets et il explique au chauffeur où nous devons descendre.

    Dans le jardin de l'association, nous passons encore une nuit excellente.


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    Samedi 06 septembre (10 km)

    C'est la course aux visas. Déjà presque une semaine de passée en Iran, et nous ne savons toujours pas par où en sortir. Il y a beaucoup de choses à penser et trop de réponses à trouver. Nous prenons donc un bus pour Téhéran. Là-bas, nous pourrons aller questionner les ambassades et trouver la meilleure solution pour continuer notre route. A 19h, nous arrivons sur le terminal de bus de Tabriz. Nous trouvons rapidement un autocar pour Téhéran. 70000 rials par personnes et 50000 rials par vélos. Pour nous deux et les vélos, ça fait au total environ 17 euros. Au début, nous pensions ne jamais arriver à Téhéran. Le bus s'arrêtait tous les 50 mètres, faire le plein, laver les vitres, prendre des passagers, .... Il est parti avec 1 heure de retard. Mais lorsqu'il a commencé à rouler, nous avons littéralement survolé la route et nous sommes arrivés 1h30 en avance.


    Dimanche 07 septembre (25 km)

    Arrivés à Téhéran, le chauffeur de bus vient nous expliquer qu'il a été très rapide, qu'en plus nous avons des vélos et que surtout nous sommes des touristes, donc ça mérite bien une prime !!! Au début, nous avons fait mine de ne rien comprendre, puis comme c'était difficile de ne pas capter « give me money, euros, dollars, rials, give me give me money », nous lui avons expliqué qu'on avait déjà payé pour nous et les vélos avant le départ, et qu'en plus c'est pas lui ni ses copilotes qui se sont chargés de mettre les vélos dans la soute du bus car si cela avait été le cas, nous les aurions assurément retrouvé en kit à l'arrivée. Mais il ne voulait rien savoir ! Planté entre les bagages et les vélos, rouge de colère, le poing près à partir, son nez à 20 cm du nez (de Cédric), il a demandé de l'argent. Puis il a commencé à s'intéresser à la boussole accrochée à la poche (du pantalon de Cédric). Finalement, après un petit cours désintéressé d'orientation pour tenter de calmer ce chauffeur fou, il a fini par nous lâcher. Nous avons alors pu découvrir Téhéran à 5h du matin. La circulation est déjà intense et l'air est irrespirable. Le bruit, le mouvement et surtout la fumée des gaz d'échappement nous tournent la tête. Nous avons l'impression que la mort par asphyxie peut nous cueillir rapidement si nous ne changeons pas de place. Nous devons oublier tout ce que nous avons appris du code de la route français. Fini le respect des feux rouges, le stop, les priorités à droite, le sens giratoire des ronds-points, les limitations de vitesse et la circulation à droite. Ici le seul code, c'est la loi de la jungle. Au début, c'est quand même très surprenant et avec nos petits vélos, on sent qu'il va falloir vraiment tout donner pour nous faire respecter ! Et puis très vite, le sifflet à la bouche, on apprend à rouler comme eux, on force le passage et ça passe.

    Avec Ben et Sylvie, on passe quand même la matinée à chercher un logement pas cher. Finalement on trouve l'hôtel Naderi, suffisamment grand pour mettre nos 4 vélos. En plus, nous sommes prêts du quartier des ambassades. Une fois posés, douchés et remis de nos émotions, c'est l'estomac qui prend la parole. On a faim et avec ce fichu ramadan rendu obligatoire par la loi de la République Islamique d'Iran, il est impossible de manger devant les gens. Partis en quête de nourriture nous trouvons un autre hôtel qui nous propose un très bon repas pour 2 euros chacun. Cachés dans la salle de restaurant, on s'en met plein la panse et nous ne sommes pas les seuls, un flot continu de familles Iraniennes vient se restaurer secrètement, cachées du regard du « bon Dieu » de l'Islam.

    L'après midi, nous allons faire un tour à l'ambassade de France, histoire de passer dire bonjour et prendre des nouvelles du pays. En plus, ça rappelle des souvenirs de rencontrer des fonctionnaires français. On y apprend que l'on peut se rendre au Pakistan, mais seulement en avion. Si l'on veut passer par voie terrestre, il nous faut une lettre de recommandation que l'on peut obtenir seulement en France. Définitivement, nous devons oublier le passage par le Pakistan. Nous demandons donc des lettres de recommandations pour le Turmenistan, l'Ouzbékistan, et le Kazakstan. Nous nous préparons psychologiquement à payer 3 visas, plus le passage en Russie avec le Transsibérien, puis le bateau pour nous rendre au pays du soleil levant. En sortant de l'ambassade, nous croisons nos copains voyageurs, Bruno et Dimitri qui nous racontent qu'ils vont en Inde en passant par Dubaï Apparemment, il existe des bateaux pour Dubaï et des cargos vers l'Inde. Nous retournons dans l'ambassade demander notre lettre de recommandation pour l'Inde.

    La journée s'achève par une rencontre avec Hamze, un esperantophone de Téhéran. Il nous invite à une conférence demain dans la maison de l'association Espéranto de Téhéran.

    Complètement claqués par la nuit dans le bus et la circulation dans la jungle d'automobiles puantes de Téhéran, on se couche de bonne heure.


    Lundi 08 Septembre

    Nous essayons en vain de contacter Nouschin, une Iranienne qui a étudié en France et avec qui nous avons échangé par internet. Nous rendons la chambre car nous ne voulons pas payer une autre nuit d'hôtel. Nous retournons dans notre ambassade retirer nos lettres de recommandations et manger un peu dans ce refuge où l'on peut lever le voile et oublier un instant le ramadan. Nous retrouvons Chantal et Nicolas, 2 ch'tits français qui voyagent en bicyclette et qui se sont retrouvés sans un sous en Iran car ils pensaient pouvoir utiliser leur travellers chèques ou leur carte visa. Malheureusement, l'Iran est déconnectée du reste du monde et quand on voyage dans le pays, on a intérêt de prévoir suffisamment d'argent liquide en Euros ou en Dollars, que l'on peut facilement changer dans les banques où dans la rue contre des rials. Ils sont bien embêtés et noyés dans des combines pour obtenir de l'argent. Ils trouveront une solution avec l'ambassade.

    Dans l'après-midi, nous retrouvons Coco et Lolo, deux autres français qui voyagent en vélos couchés. Depuis le temps qu'on les suit, on les a enfin rattrapés. Malheureusement, nous ne ferons probablement pas de bout de route ensemble car ils sont prêts à repartir de Téhéran vers le Turkménistan. On passe quand même un dernier moment tous ensembles : Ben et Sylvie, Coco et Lolo, Bruno, Dimitri et un 9ème voyageur Français à pied et en stop. Dans le salon de cet hôtel un peu vieillot, on croirait assister à un congrès de voyageurs au temps d'Alain Bouvier. Chacun y va de ses anecdotes et astuces de voyageur, c'est marrant.

    A 18h, les vélos chargés, nous saluons tout le monde et partons à la conférence en Espéranto. Arrivés dans la maison de l'association, tout se passe dans un petit jardin. Il y a une projection d'images sur les jeux olympiques et c'est une jeune femme qui parle. Elle fait un rappel historique des jeux jusqu'à aujourd'hui. C'est intéressant mais nous regrettons qu'il n'y ait pas eu de débat à la suite de la conférence. C'est peut-être à cause de nous car on nous a demandé de faire une présentation de notre voyage. Nous avons donc parlé des objectifs du voyage, l'association, les écoles et un diaporama photos mal préparé (nous n'avons pas eu le temps d'enlever les photos où nous étions en short et où nous buvions de la bière en Turquie et en Roumanie! Les gens ont quand même aimé, surtout les photos des plages bondées de Bulgarie. Nous ne sommes d'ailleurs pas certains qu'ils aient bien compris le message, car alors que nous parlions de pollution, eux voyaient des images de rêve de liberté.

    Après la conférence, nous avons eu le choix pour trouver un toit. Les invitations on fusé. Finalement c'est Giti qui s'est imposée. Nous avons laissé les vélos dans la cour de l'association puis nous sommes partis chez elle. C'est une petite dame de 65 ans mais elle en paraît 15 de moins. Elle vit à l'Ouest de Téhéran à 50 minutes de métro et de train, au pied des montagnes. Dans le métro, un homme interpellé par notre langage en Espéranto, nous demande d'où nous venons. S'en suit une discussion très intéressante avec ce professeur d'université. Il parle très bien Anglais et nous explique, la peur au ventre et cela se voit, comment il vit dans son pays. A l'époque de la révolution contre le Shah, il avait 15 ans. Quand il a vu qu'après la révolution, c'est un gouvernement Islamique qui a prit le pouvoir, il n'y croyait pas. Il ne pouvait pas imaginer que jour après jour, toutes ses libertés pouvaient lui être enlevées. La musique, l'alcool, la libre expression, le voile pour les femmes, ... Il nous explique qu'il y a un véritable vent de révolte dans le coeur des gens du pays. Lui, rêve comme beaucoup d'autres, d'aller vivre en France ou encore plus, au Canada.


    Mardi 09 septembre

    On se lève de bonne heure pour aller à l'ambassade indienne. Malgré tout, nous n'y sommes qu'à 10h. On y retrouve Bruno et Dimitri qui font la queue et finissent par craquer car c'est leur 3ème jour de démarches et ils ne voient rien venir. A chaque fois, les fonctionnaires leur demandent de nouveaux documents comme ce « Télex » qui les à fait remonter sur le vélo et arrêter leur demande de visa. Ils retenteront le coup à Dubaï avec une compagnie aérienne. Pour nous c'est beaucoup plus simple. Giti est là et sert d'interprète. De nombreux jeunes gens qui sont là et qui ont l'habitude de ces fonctionnaires nous aident également à bien remplir les formulaires. Au bout de 2 heures, nos demandes sont en bonnes et dues formes, il ne nous reste plus qu'à attendre nos visas qui peuvent être prêts dans 2 ou 5 jours. Nous avons juste eu deux problèmes. Un avec le Télex. On ne sait pas ce que c'est, toujours est-il qu'il nous a coûté 10 euros chacun. Ensuite, malgré la lettre de recommandation, le guichetier indien nous a demandé de prendre contact téléphonique avec notre ambassade. Nous sommes donc allés dans un petit magasin de photocopie (qui vend des formulaires de demandes de visas) juste en face de l'ambassade indienne. Nous avons téléphoné au consulat français qui n'a rien compris non plus, puis nous sommes retournés faire la queue. Quand vint notre tour, nous avons dit au même guichetier que nous venions de prendre contact avec notre ambassade, que tout était OK. Il a pris nos papiers et semblait satisfait.

    Après ça nous avons pu passer un après midi tranquille chez Giti. Elle nous prépare pour chaque repas des spécialités du pays. Nous n'arrivons pas à retenir tous les noms des plats mais tout ce que l'on sait, c'est que c'est très bon !


    Mercredi 10 septembre

    Un petit coup de téléphone à l'ambassade d'Inde pour bien commencer la journée. Ils ont envoyé les papiers la veille, notre demande suit son cours et nous devrions les avoir pour dimanche. Nous décidons de rester chez Giti jusque là. En attendant, elle nous promène dans Téhéran. Nous allons au vieux musée de la capitale, celui où il y a de très beaux restes de la civilisation Perses, et aussi les restes d'un beau mec de 37 ans retrouvé dans une mine de sel en 1993. Le pauvre gars a dû mourir dans d'affreuses souffrances mais en tout cas 1700 ans après, il ne lui manque ni un cheveu, ni un poil de barbe. Même sa botte en cuir est restée intacte avec la jambe dedans !!! Bref, après le musée nous sommes allés au BAZAR ! Ca sent bon les épices, parfois un peu trop et ça nous fait éternuer. On se perd au milieu de tout ce fouillis et ce bruit. Pour manger ce midi, ce n'est pas facile. Nous nous arrêtons dans une boutique qui vend des plats à emporter. Il a tout ce qu'il faut en vitrine, du pain chaud, des produits frais etc. Le vendeur est là, le magasin est bien ouvert MAIS il ne veut rien vendre, ramadan oblige. Après insistance de Giti, expliquant que nous sommes des français tout ce qu'il y a de plus catholique, on fini par avoir nos sandwichs. Mais pour les manger, c'est une autre histoire, nous n'avons pas le droit, même catholique, de manger en public pendant le ramadan. Nous allons donc nous cacher dans la boutique d'un marchand de tapis. Il ferme le rideau pendant ½ heure rien que pour nous. Il vend de magnifiques tapis fabriqués à la main et nous sommes presque gênés de lui faire fermer son business, mais il a l'air content de nous rencontrer.

    Nous passons l'après-midi à chercher en vain, des pneus corrects pour nos vélos. Nous nous en ferons envoyer avec les comprimés antipaludiques.

    Dans les bus que nous empruntons, on se croirait en Afrique du Sud pendant l'apartheid, Les hommes devant et les femmes habillées en noir au fond du bus. Du coté des hommes il y a beaucoup de places et tout le monde peut s'asseoir. Chez les femmes, on est très serré.


    Jeudi 11 septembre
    Journée de repos chez Giti. On a RIEN fait de la journée !!! Nous voulions reprendre la route mais finalement, Giti a insisté pour que nous allions avec elle demain, pour une excursion dans le Nord du pays.


    Vendredi 12 septembre
    Debout à 5h du mat, pas le temps de prendre un petit déjeuner, le taxi vient nous chercher pour nous poser à quelques kilomètres sur le bord de l'autoroute. Un minibus s'arrête, nous montons à l'intérieur. C'est un minibus tout pourri d'une vingtaine de places. Il n'y a presque que des jeunes dans nos âges et 3 grands-mères qui ont le voile bien vissé sur la tête. Nous découvrons la jeunesse de l'Iran. C'est bien ce qui nous semblait, on ne peut pas interdire aux jeunes de s'amuser. La musique à saturation dans le bus, c'est la grosse fête, tout le monde se lâche !!! L'allée centrale est reconvertie en piste de danse. Toute la frustration accumulée explose et pendant nos 16 heures de bus, tout le monde se déchaîne, danse, mange et même les filles parfois font tomber leur voile. Les seuls moments calmes ont lieux quand nous passons au bord des postes de police.

    Vers 13h30, nous arrivons dans un musée, perdu en plein dans les montagnes au Nord de l'Iran. Nous sommes peut-être les seuls Français à avoir mis les pieds dans cet endroit. Nous avons inscrit le seul message en Français et en écriture occidentale sur le livre d'or du musée. C'est un musée qui se visite pieds nus. Il est rempli d'une collection d'objets anciens et insolites (matériels de dentiste, cadenas, savon, papiers, selles de cheval, habits, poteries...). Dehors, La décoration est un peu kitch !!! Nous faisons un pique nique dans le jardin (le ramadan, tout le monde l'a oublié). Chacun pousse la chansonnette, et évidemment, nous nous faisons bien remarquer avec les chansons traditionnelles du Berry. 3 heures après être arrivés, c'est déjà l'heure de repartir. Le chauffeur de bus qui vient de se taper 8 heures de conduite va pouvoir recommencer avec en plus une crevaison au bout de 2 km (faut dire que les pneus sont tellement usés qu'on ne voit plus du tout les dessins et la roue de secours est encore plus lisse que le pneu crevé). Au bout de 16 heures de discothèque ambulante, nous en avons plein les oreilles, mais nous sommes ravis d'avoir pu découvrir cette facette de l'Iran à l'opposé de tous les clichés que nous avons en France. Avant le départ du voyage, quand nous parlions de l'Iran, tout le monde nous déconseillait ce pays de terroristes extrémistes fanatiques religieux. En fait, la grande majorité des personnes que nous avons croisées souffrent énormément de ce régime et n'ont que faire du voile, du ramadan et de la religion en général.


    Samedi 13 septembre
    Aujourd'hui nous faisons nos adieux à Giti. On espère la revoir un jour pourquoi pas en France. Nous avons rendez-vous avec Shahin, un Iranien aux cheveux longs, rencontré la veille dans le bus. Il nous promène dans toute la ville de Téhéran et surtout dans les places où jamais les touristes ne vont. Nous visitons tout un tas de bazars et aussi de nombreux jardins, notamment un, très spécial au Sud de la ville. C'est un immense parc où autrefois on y vendait des femmes. Aujourd'hui, nous explique-t-il, rien n'a vraiment changé, la femme n'est guère mieux considérée. Encore un exemple avec les magasins de fringues : les mannequins hommes ont toute leur tête, tandis que les mannequins femmes ont la tête tranchée, comme si sous le voile il ne devait rien y avoir, pas même un cerveau. Surtout pas un cerveau. Le soir dans un parc, nous nous sommes fait interpeller par la police. Très gentiment, un policier qui parlait un peu anglais nous a expliqué qu'il avait travaillé pendant 2 ans devant l'ambassade française. Il y a appris quelques mots qu'il a essayé de nous répéter mais nous avons eu toutes les peines du monde à comprendre ce qu'il voulait dire, alors nous répétions le même charabia que lui, mais prononcé à la française et il était content. Il a essayé de nous plaire en nous disant qu'il aimait beaucoup le Champagne, mais nous nous sommes méfiés de ce genre de propos, surtout venant de la bouche d'un policier.

    La promenade a duré jusqu'à très tard dans la nuit et c'est à cet instant, dans un bus loin des quartiers touristiques que Shahin nous a montré un autre visage de l'Iran. Il nous a interdit de revenir dans ce quartier sans lui et pour cause. Des prostituées voilées aux mecs drogués en passant par les sans abris qui ne sont rien d'autres que des provinciaux sans éducation ni formation, qui sont venus à la capitale pour faire fortune et se retrouvent à vendre des rasoirs ou des allumettes à la sortie du métro.

    Après un délicieux repas soit disant végétarien mais avec quand même quelques morceaux de viande, Shahin nous a raccompagnés dans notre petit coin de Paradis, le jardin de l'association Espéranto Iran. En plein dans le centre de Téhéran, dans une rue tranquille, au bout d'une impasse encore plus tranquille se trouve le siège de l'association. A 2 heures du matin passé, nous avons dû réveiller Mohammed qui vit au dessus du local de l'association. Il nous a ouvert la grille et a laissé la porte ouverte pour que nous puissions nous doucher. Nous avons passé une fin de nuit excellente sous la tente dans ce petit, tout petit jardin.


    Dimanche 14 septembre
    Réveillés à 8 heures par une énorme pulsion de désir d'en finir avec nos visas indiens, nous avons zappé le petit déjeuner pour filer directement à l'ambassade. Pour commencer, les fonctionnaires indiens ont perdu la moitié de nos papiers, ensuite le Consule n'a pas encore vérifié les formulaires et pour terminer, ils n'ont toujours pas contacté l'ambassade française. Nous décidons donc d'attendre devant le guichet jusqu'à ce qu'on obtienne nos visas. En début d'après midi, nous nous sommes autorisés une petite pause pour aller à la poste envoyer cartes postales et une lettre avec des papiers (cartes et bricoles de la Turquie). La guichetière contrôle ce que nous envoyons et lorsqu'elle tombe sur nos 2 CD de photos, elle refuse de faire partir le colis. En fait elle nous explique que nous ne pouvons envoyer qu'un seul CD à la fois. Nous avons tenté de lui expliquer que son règlement était complètement idiot et que si on avait su, on aurait envoyé un DVD, car pour le même format nous pourrions envoyer l'équivalent de 5 CD. Après négociation, elle nous propose d'envoyer les CD en colis séparés, mais à 16 euros le colis nous préférons laisser tomber. De retour à l'ambassade, nous attendons encore. Notre patience finit par payer et le petit fonctionnaire, de l'autre coté de sa vitre teintée, le sourire jusqu'aux oreilles, nous tend nos 2 passeports décorés du visa indien.

    Epuisés mais trop heureux !!! Nous retournons au local de l'association où Reza, le directeur, nous propose de venir passer la soirée chez lui.

    Cédric : « Nous acceptons mais avant, nous souhaitons faire une petite transformation sur le vélo d'Alice. Simplement, il faut que j'agrandisse légèrement le trou de la jante arrière pour pouvoir mettre des chambres à air grosses valves. Reza appelle un ami Espérantiste pour m'aider à trouver une perceuse. Celui-ci vient rapidement et veut tout faire à ma place. Il est très gentil mais avec son costume cravate (sans cravate en fait, puisque c'est interdit en Iran), je ne suis pas certain de ces compétences de bricoleur de vélo. Quand il revient la perceuse en main avec une mèche trop petite, j'ai beau essayé de lui faire comprendre que ça ne va pas, il veut quand même essayer et se met à percer de biais. Il me fait une vieille bavure sur l'intérieur de la jante (ce qui va la fragiliser) avant de conclure qu'effectivement, il faut trouver un foret plus gros (merci). Finalement, nous allons dans la boutique d'un tourneur fraiseur et pendant qu'il explique ce qu'il veut et le temps que l'artisan sorte toute sa palette de matériel, je saisis sans hésiter une petite lime ronde qui traînait sur l'établi. Mon ami à bien essayer de me la prendre des mains en me disant qu'il voulait le faire pour moi (par pure gentillesse), j'ai serré la lime de toutes mes forces et j'ai fini par faire ce que je voulais. C'est toujours le même problème avec les gens serviables (et ce n'est pas la première fois que ça m'arrive), ils partent d'un bon sentiment et sont vraiment sincères, mais parfois incompétents. Et lorsqu'ils bousillent du matériel, que faut-il faire? Les engueuler ? Faut-il leur mettre une claque pour pouvoir travailler tranquille ? Si casse il doit y avoir, je préfère en être à l'origine plutôt que d'en vouloir à quelqu'un qui sera désolé, franchement désolé mais ... ».

    Bref, le vélo de nouveau sur pied (enfin sur pneu), nous partons chez Reza pour une soirée très enrichissante. En nous promenant, nous passons à proximité d'un parc très spécial, un parc pour femmes. Avant d'y entrer, elles doivent se débarrasser des appareils photos, téléphones portables, bref de tout ce qui pourrait prendre une image. Puis dans le parc, renfermées et bien gardées, elles peuvent se promener « librement », sans voile. Elles peuvent même louer des vélos car les seules femmes qui font du vélo en Iran, ce sont les voyageuses étrangères. Reza est aussi actif dans l'association « force verte », qui est en fait un parti politique, mais qui ne peut agir que dans le cadre associatif. Leur principale activité est l'information et l'éducation de la population. Ils organisent des campagnes de plantation d'arbres autour de Téhéran (et joignent à cette occasion l'association Espéranto), des journées de nettoyage des cours d'eau, mènent de grandes campagnes d'information sur l'eau, les déchets, la protection de la Faune et de la Flore sauvage. Ils se battent, mais restent bâillonnés par un gouvernement qui de toute manière, ne tolère aucune résistance. Dans le cadre d'une manifestation par exemple, la police n'hésiterait pas à user des armes pour stopper le mouvement. On imagine aisément que même dans la France de Nicolas S, où la répression est de plus en plus forte, le jour où la police ouvrira le feu à volonté sur les manifestants, ce sera la révolution !

    Reza a du faire la guerre contre l'Irak. Il nous raconte comment lors des combats, il faisait tout pour rester caché. Et lorsqu'il recevait l'ordre de tirer, il se débrouillait pour viser au dessus des cibles. Il a perdu de très bon copains dans cette guerre idiote, et nous explique qu'il n'a pas de haine contre les Irakiens car il imagine assez facilement que de l'autre côté, de nombreux soldats ont été engagés de force, comme lui. Il en veut plus contre ceux qui organisent la guerre comme ils jouent aux échecs, ceux qui, dans le cadre d'une tactique politique de soif de pouvoir, sacrifient des millions de vies humaines comme on sacrifie des pions.

     


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